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La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole

À la fille debout dans la jaquette d’hôpital bleue (1re partie)

Par Robyn Goldman

Adapté de billets initialement publiés sur le compte Instagram de Robyn et correspondant à des entrées de son journal intime destinées à ses abonnés et à elle-même alors qu’elle raconte son expérience avec un cancer du sein triple négatif à l’âge de 33 ans. Ce qui suit est la première partie.

1er jour : 21 octobre 2021 | 11 h 07
On a reçu les résultats.

Asseyez-vous.

Prenez une grande respiration.

C’est positif.

Ta vie est sur le point d’être bouleversée avec tous les rendez-vous et les traitements, mais ça va bien aller. Si 2020 et 2021 t’ont appris une chose, c’est que tu es forte.

Présentement, plus rien ne fait sens et tu essaies toujours de comprendre ce qui se passe. Comment annoncer la nouvelle aux gens? Dois-je leur dire? Comment ma famille et mes amis vont-ils réagir? Et mon chum? Au travail? Et les autres?

Présentement, tu dois certainement être en colère. Parce que tu le savais. Même quand le médecin t’a dit il y a quelques mois déjà de ne pas t’inquiéter, tu le savais. Même quand on t’a dit de ne pas t’inquiéter parce que tu es jeune et que tu n’as aucun antécédent familial. Tu as le droit d’être en colère. Fais ton deuil. Ça fait partie du processus. Tu as le droit aussi d’avoir peur et d’être triste. Bizarrement, je me sens aussi désolée. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est ce que je ressens. Je suis sûre que je ressentirai d’autres émotions au fur et à mesure que je prendrai la mesure de cette fichue situation.

12e jour : 1er novembre 2021
La tumeur mesure 1,2 cm. J’ai de la chance. Et même si, pour moi, c’est de la taille d’une bille en verre, le fait est qu’elle est petite et qu’elle n’a pas grossi. Mon opération a lieu au 28e jour. Après, je devrai attendre deux semaines pour connaître le diagnostic et avoir plus d’informations sur ce petit monstre qui vit en moi. D’après ce que je comprends, si ce n’est pas génétique, c’est environnemental, c’est bien ça? J’ai choisi de voir le verre à moitié plein. Je vais m’en sortir! À la fin de tout ça, je ressortirai plus forte, plus sage, plus gentille et plus douce — et avec les cheveux beaucoup plus courts. Je sais que je vais devoir affronter des moments difficiles. Il paraît que la chimio ressemble à la pire gueule de bois de tequila! Ça fait déjà plusieurs années que j’ai arrêté la tequila, mais je suis prête. Je peux le faire.

13e jour : 2 novembre 2021
En deux semaines, ma vie est passée de « normale » à « nouvelle réalité ». Je continue de me réveiller, de me brosser les dents, d’aller au bureau et de socialiser. Croyez-le ou non, mais ma vie ne s’est pas arrêtée.

Après mon diagnostic, je ne savais pas à quoi m’attendre. J’ai reçu tellement de soutien et de marques d’affection que je suis envahie par les émotions. J’ai rejoint le groupe de Rethink Breast Cancer, sur Facebook. Pour mon premier message, j’ai écrit : « J’ai peur. Je suis toute seule. Je ne sais pas quoi poser comme questions. Je ne sais pas du tout comment aborder ce qui m’arrive. » Et puis, en lisant les réponses à mon message et les autres publications, je me suis rendu compte que je n’étais pas la seule. Il y en a d’autres comme moi. D’autres paires de seins — bien que certaines n’en aient plus. D’autres cicatrices. D’autres pleurs. D’autres familles. D’autres histoires. Plus de soutien. Et c’est ainsi qu’en un rien de temps, j’ai trouvé une sorte de sororité. Pour être honnête, ce n’était pas ma priorité d’intégrer un groupe d’entraide, mais les messages d’amour que je reçois font mouche et me font du bien.

17e jour : 6 novembre 2021
Cette semaine, dans mon journal, on m’a demandé de nommer une chose pour laquelle j’étais reconnaissante en ce moment. J’ai écrit que j’étais reconnaissante de vivre au Canada, et ce, pour de nombreuses raisons. Bien que le « Grand Nord » ne soit pas parfait, je ne perdrai jamais de vue la chance que j’ai d’y vivre. Le jour où je suis allée à l’urgence à cause de cette grosseur, on m’a fait une échographie tout de suite et l’équipe médicale était exceptionnelle. J’ai fait une biopsie, une mammographie et une IRM, et tout ce que j’ai eu à payer jusqu’à présent est deux fois 13 $ pour le stationnement et une contravention de 30 $ pour mauvais stationnement — apparemment, il n’y a pas de stationnement spécial pour les personnes atteintes d’un cancer. J’ai demandé.

Mon opération a lieu dans une semaine, mais je n’ai pas peur. Je ne suis pas inquiète. Je suis plutôt excitée. Je sais que c’est bizarre d’utiliser ce mot dans une situation comme celle-ci, car il a une connotation positive, mais je l’utilise pour dire que je suis prête. À l’approche de l’hiver, les feuilles des arbres passent du vert au jaune, puis au rouge, et puis, chose incroyable, au printemps d’après, elles reviennent, pareilles, mais différentes. Plus matures, plus brillantes, plus fortes. C’est une renaissance (j’aurais dû être plus attentive aux cours de sciences quand j’étais petite, comme ça j’aurais pu mieux expliquer ça). Je suis comme une feuille : je reviendrai, pareille, mais différente. Je renaîtrai, prête, plus brillante, plus forte. Je vais faire confiance à mon âme et à mon intuition. J’écouterai mon corps quand il aura besoin de repos pendant les traitements et après l’opération. Mais, je vais me forcer à me dépasser un peu, car je sais que je peux le faire. Je compte déjà les jours où je ferai sonner la cloche à Princess Margaret!

24e jour : 13 novembre 2021
Hier, j’ai parlé à mon médecin. J’étais nerveuse et anxieuse. Je ne tiens plus qu’à un fil et mes émotions changent chaque minute. Il m’a confirmé que j’avais un cancer triple négatif. Si ça ne sonne pas bien, c’est parce que ça ne l’est pas. Je lui ai demandé de me parler franchement, et il m’a dit que c’était un peu la merde parce que c’est la forme la plus agressive du cancer, mais qu’on disposait de beaucoup de données et qu’il existait de nouveaux traitements. Merde.

J’ai tellement de questions, mais par où commencer quand on ne sait même de quoi on parle?

Il m’a dit que je devrai faire de la chimiothérapie et des séances de radiothérapie. Je m’en étais déjà douté et je m’étais préparée, mais quand il me l’a confirmé, ça m’a fichu un coup. Merde. Je suis contrariée. Fâchée. Je suis toujours en train de digérer la nouvelle. J’ai peur. Peur de la chimio et peur de perdre mes cheveux. On fait tellement attention aux photos de soi que l’on met sur Internet. On prend son temps pour choisir la meilleure photo parmi une dizaine de photos quasi identiques et la montrer à ses abonnés, pour notre image et notre estime personnelle. On publie la photo qu’on pense qui aura le plus de « J’aime ». On fait tous ça. Et puis, j’ai grandi sur le devant de la scène, à danser et à pratiquer la claque. Au travail, je suis la première personne que les gens voient quand ils rentrent dans le bureau. Le monde peut être tellement superficiel et l’apparence physique joue beaucoup dans ce que l’on vaut. C’est la triste réalité. Et je devrai me battre contre ça une fois que j’aurais ma chimio et que j’aurai peut-être perdu mes cheveux.

Le 17 novembre, mon corps aura deux nouvelles cicatrices et ce ne sera probablement pas les dernières. Une fois qu’on aura reçu le rapport complet qui indiquera le traitement exact que je devrai suivre, mon corps devra sûrement faire les frais de nouvelles cicatrices. On peut toujours cacher des cicatrices, mais on ne peut pas cacher le reste. Oui, il existe des perruques, des foulards et des chapeaux pour se couvrir la tête, mais comment arriver à vraiment se faire à l’idée de perdre ses cheveux? On me dira qu’il est trop tôt pour que je m’en m’inquiète et que je ne devrais pas y penser tant que ce n’est pas encore arrivé, mais chaque fois que je me lave les cheveux ou que je mets du mascara, je me demande pendant combien de temps je pourrai encore faire ça. Je sais que ma valeur en tant qu’être humain ne tient pas à mes cheveux, à mon apparence ou à mon corps, et qu’elle ne réside pas non plus dans le regard de l’autre, mais il n’y a rien de mal à vouloir être sexy et avoir confiance en son apparence.


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Les points de vue et les expériences exprimés à travers les histoires personnelles sur le blog Our Voices sont ceux des auteurs et de leurs expériences vécues. Ils ne reflètent pas nécessairement la position du Réseau canadien du cancer du sein. Les informations fournies n’ont pas été examinées médicalement et ne sont pas destinées à remplacer un avis médical professionnel. Demandez toujours conseil à votre équipe de soins lorsque vous envisagez vos plans et objectifs de traitement.