Par Katherine Moynihan
Quand je commençai à me sentir malade à l’été 2011, j’étais presque certaine de savoir ce qui n’allait pas. Je pensais que c’était mon endométriose qui faisait des siennes. Puis mes symptômes se transformèrent. Une recherche sur Google me convainquit qu’une ablation de ma vésicule biliaire devenait maintenant nécessaire. J’exagère, mais il demeure que malgré l’augmentation du nombre de signes avant-coureurs disparates, je restais persuadée qu’il y avait une explication toute simple. Je ne songeai jamais au cancer, même lorsque le gynécologue trouva dans mon sein une bosse dont j’ignorais l’existence.
Après cela, tout évolua rapidement. Deux semaines plus tard, je recevais un diagnostic de carcinome canalaire infiltrant de stade IV. C’était en octobre, le mois de la sensibilisation au cancer du sein. Ce fut à ce moment que je me rendis compte que tout le monde était « sensibilisé », mais que peu de gens savaient comment la maladie fonctionne. Je n’avais pas d’antécédents familiaux de cancer du sein. Cette maladie n’avait pas été dépistée chez moi à un stade précoce. Comment expliquer que je devais maintenant affronter un diagnostic de maladie terminale avec une espérance de vie inférieure à trois ans ?
Néanmoins, je fus chanceuse. Je reçus mon diagnostic en deux semaines et le traitement commença deux semaines plus tard. Je vivais au Canada et j’étais donc couverte par un régime provincial d’assurance maladie. Par l’entremise de mon employeur, j’avais droit à des congés de maladie et je souscrivais une assurance invalidité en plus de détenir une assurance maladie privée qui remboursait 80 pour cent de mes médicaments d’ordonnance. Je ne pus jamais retourner au travail après la détection de la bosse dans mon sein. J’étais chanceuse de bénéficier d’une assurance maladie et d’une assurance invalidité.
J’étais également chanceuse de souffrir d’un type de cancer du sein connu sous le nom de « triple positif ». Deux grandes catégories de médicaments pouvaient maintenant m’aider, en plus de la chimiothérapie. Encore une fois, la fortune me sourit puisque je répondis bien au traitement. Bien que mon foie et mes os fussent criblés de métastases au moment du diagnostic, la chimiothérapie et la thérapie ciblée (Herceptin) permirent de réduire mes tumeurs et de réparer mes os de façon considérable au cours de la première année.
J’entamai ensuite une thérapie plus facile associant le tamoxifène au Herceptin. Mes cheveux repoussèrent. Je redevins alors moi-même physiquement, enfin presque. J’avais pris du poids, mais personne ne m’avait dit que le cancer faisait engraisser au lieu de maigrir. Deux ans plus tard, le cancer se remit à progresser. Je dus donc me tourner vers une autre chimiothérapie combinée au Herceptin. Cela fonctionna pendant deux ans et demi. J’eus de la chance.
Puis, l’été dernier, ma douleur s’aggrava soudainement. Des tests montrèrent des fractures et une progression du cancer à divers endroits. Mon oncologue médical me suggéra un nouveau médicament appelé Kadcyla qui faisait l’objet d’essais cliniques au moment de mon diagnostic. Action Cancer Ontario refusa de me le rembourser parce que, si je comprends bien, j’avais déjà vécu assez longtemps. En gros, Kadcyla s’adresse aux patients à un stade précis de la maladie, mais lorsqu’il fut approuvé pour la vente au Canada et que j’en eus besoin, j’avais précédemment recouru à de trop nombreuses intentions de traitement.
De toute façon, une métastase cérébrale fut découverte et mon oncologue décida qu’un traitement combinant Xeloda et Tykerb — deux médicaments administrés par voie orale — s’avérait préférable dans mon cas. Xeloda est un médicament de chimiothérapie tandis que Tykerb cible les récepteurs HER2. Il ressemble au Herceptin, à la différence qu’il est suffisamment petit pour traverser la barrière hématoencéphalique de façon à combattre mon cancer rendu au cerveau.
Pour certaines Ontariennes, la chance s’arrête là. L’Ontario ne rembourse pas les chimiothérapies administrées par voie orale. Seules celles administrées par voie intraveineuse à l’hôpital le sont. Encore une fois, j’étais chanceuse d’avoir une assurance grâce à mon ancien employeur. (Je fus forcée de prendre ma retraite pour des raisons médicales.) Non seulement 80 pour cent du coût de mes médicaments était pris en charge, mais je bénéficiais aussi d’une couverture des médicaments onéreux. Après avoir payé 3000 $ de ma poche pour mes médicaments, la totalité du prix de ces derniers m’était remboursée.
J’atteignis ce montant rapidement. Un cycle de trois semaines de Tykerb coûte près de 3000 $ à lui seul. Le personnel de l’hôpital m’épaula afin de repérer les programmes d’aide aux patients des compagnies pharmaceutiques qui remboursent les médicaments lorsque le gouvernement refuse de le faire.
Je ne m’attendais pas à voir mon amie en ligne américaine avoir accès à de nouveaux traitements des années avant qu’ils ne soient approuvés au Canada et couverts par les régimes d’assurance provinciaux. Je ne m’attendais pas à ce qu’on me refuse un médicament dûment prescrit par mon médecin parce que j’aurais dû le prendre des années avant qu’il ne soit autorisé ici. Ça n’a aucun sens.
Je ne m’attendais certainement pas à ce qu’au Canada, ce soit une compagnie pharmaceutique qui assume les frais de ses médicaments parce que la province ne les rembourse pas. Je croyais que j’étais chanceuse de vivre au Canada, en Ontario. Toutefois, cette province impose de façon arbitraire le fardeau du coût de certains traitements aux personnes malades, c’est-à-dire celles qui ne peuvent pas travailler.
Grâce à mon assurance invalidité et à la couverture des médicaments onéreux, j’ai les moyens d’obtenir les médicaments jugés nécessaires par mon médecin. Mais qu’arrive-t-il à celles qui n’ont pas cette chance et qui doivent s’en remettre au système de santé public ? Nos soins de santé sont-ils en ce moment aussi bons que nous le croyons ? Non, ce n’est pas le cas.