Par Députée Laura Smith (Thornhill, ON)
J’ai un chandail blanc usé qui porte le ruban rose symbolique sur le devant. Il a plus de 15 ans et est très abîmé par les années d’utilisation. Je l’ai porté pour la première fois, il y a de nombreuses années, lors de ma première marche pour le cancer du sein avec la Princesse Margaret, au sein d’une équipe qui travaillait dans les tribunaux provinciaux. Nous avions baptisé notre groupe « Pink Justice » — la justice rose.
Je m’en souviens très bien : un moment de solidarité avec un groupe d’ami·es, de collègues et de survivant·es. C’était un grand jour, les rues étaient remplies d’une énergie incroyable, de glorieux accessoires, lunettes de soleil et boas à plumes roses, et d’innombrables femmes, et quelques hommes courageux, qui se sont tous uni·es dans un moment de soutien. J’ai fièrement porté ce premier chandail sans savoir que 15 ans plus tard, je serais plus qu’une supportrice — que je serais aussi une survivante du cancer du sein.
À la fin de l’automne 2020, après une mammographie de routine, on m’a demandé de venir pour une imagerie plus poussée et une série d’examens. On m’a ensuite escortée dans une petite pièce dont on a fermé la porte, puis on m’a demandé de décrocher le téléphone. C’était lors d’une des vagues de COVID, je me suis donc retrouvée seule dans cette pièce sans aucun médecin, infirmier·ère ni professionnel·le de la santé à mes côtés. Je me suis assise sur le tabouret, j’ai décroché le téléphone qui sonnait et un médecin m’a annoncé qu’on avait détecté une calcification anormale dans mon sein gauche. Je suis ensuite monté à l’étage où exerce mon médecin de famille et j’ai demandé à l’équipe soignante, Anna et Janette, quel était le moyen le plus rapide de faire face à la menace qui pesait sur ma santé.
Ma chirurgienne, la Dre Adina Scheer, a confirmé l’anomalie et l’a diagnostiquée comme étant un DCIS (carcinome canalaire in situ) au stade précoce, également connu sous le nom de carcinome intraductal. Ce type de cancer se manifeste rarement par des symptômes ou une masse mammaire palpable, et n’est généralement détecté qu’à l’occasion d’un examen de dépistage, tel qu’une mammographie. Donc, pour mettre les choses en perspective, je n’ai rien ressenti dans mon corps qui nécessitait une mammographie.
Fin novembre 2020, j’ai été admise à l’hôpital St. Michael’s, l’hôpital où mes enfants sont nés, où j’ai subi l’une de mes deux tumorectomies; la seconde était prévue pour la fin décembre 2020. Début 2021, on m’a tatoué des points repères sur le corps pour la radiothérapie que j’ai terminée, après 21 cycles, en mars 2021.
Pendant toute cette période, j’ai essayé de rester occupée. J’ai continué à voir des clients et j’ai travaillé sur plusieurs dossiers, mais je me suis aussi rendu à mes séances de radiothérapie tous les matins. Je considérais mon traitement comme un processus et quand j’en parlais à mes enfants, j’essayais de minimiser. Nous étions en pleine pandémie et je ne voulais pas en rajouter à la morosité ambiante. Et aussi, tout simplement, parce que j’allais m’en sortir.
Lorsque je me rendais à mes rendez-vous de suivi à Sunnybrook, les couloirs de la clinique étaient pour la plupart inoccupés. C’était assez bizarre. Malheureusement, tant de femmes choisissent de ne pas faire de mammographie et de ne pas s’occuper de leur santé. Et c’était particulièrement vrai pendant la COVID. De nombreux professionnels de la santé à qui j’ai parlé m’ont parlé de l’arrivée d’un tsunami de cancers de stade IV ou avancé tout simplement parce que beaucoup de femmes n’avaient pas fait de mammographie pendant la COVID.
À la fin de l’automne 2021, j’ai repris le cours de ma vie. Six mois après les opérations et les traitements, me sentant suffisamment forte, j’ai décidé de me présenter aux élections provinciales en tant que candidate dans la circonscription de Thornhill; j’ai été la première gagnante déclarée en Ontario.
Personne de ma campagne n’était au courant de mon parcours. C’est à contrecœur que j’ai dû dire à mon directeur de campagne que je devais cesser de faire du « porte-à-porte » pour passer une IRM de routine. Je l’ai fait jurer de rien ne dire, car, très franchement, je n’aimais pas le regard des gens lorsque je parlais de mon diagnostic. La pitié que je lisais dans leurs yeux me faisait me sentir moins forte, et j’ai donc pris la décision de ne pas utiliser le cancer comme béquille dans ce que je ferais à l’avenir.
Après mon élection, j’ai continué à ne pas en parler. C’était quelque chose de très personnel et je n’étais pas encore prête à en parler. Toutefois, au fil des mois, je n’arrêtais pas de penser à la situation dans laquelle je me trouverais si je n’avais pas fait cette mammographie. Le dépistage précoce m’avait peut-être sauvé la vie. Mais je n’étais toujours pas prête à parler de ce pan de ma vie.
En 2024, notre gouvernement a abaissé l’âge d’admissibilité au Programme ontarien de dépistage du cancer du sein de 50 à 40 ans, permettant ainsi à un plus grand nombre de femmes de décider par elles-mêmes de faire une mammographie. J’avais discrètement plaidé en faveur de cette mesure, sachant qu’elle permettrait de sauver d’innombrables vies.
Et puis, un jour, dans le salon du caucus, j’ai finalement décidé de parler de ce que j’avais vécu à Sylvia Jones, ministre de la Santé et leader adjointe de notre gouvernement. La ministre Jones est une leader forte, et je savais qu’elle serait constructive et directe — une qualité que nous partageons toutes les deux, je crois.
C’est alors que les vannes se sont ouvertes. Mon histoire a été diffusée de manière positive et constructive, rappelant à tous que le dépistage précoce permet de sauver des vies. C’est tout.
Cette aventure m’a appris deux choses. La première, que j’ai apprise à contrecœur, c’est que si l’on se concentre sur les problèmes, on aura encore plus de problèmes. Alors que lorsque l’on se concentre sur ce qui est possible, plus de possibilités s’offrent à nous. J’invite toutes les femmes à faire un dépistage précoce. Il ne faut jamais avoir peur d’essayer quelque chose de nouveau. La vie devient ennuyeuse lorsque l’on reste dans les limites de ce que l’on connaît déjà.
La deuxième chose que j’ai apprise, c’est que peu importe à quel point quelque chose paraît difficile, un jour, vous regarderez en arrière et vous réaliserez que cela a changé votre vie et vous a aidé à tracer un chemin pour aller de l’avant.
Si je suis ici aujourd’hui, pour ma communauté et, surtout, pour mes enfants, c’est grâce à cette mammographie de dépistage précoce.
Ce vieux chandail blanc est toujours dans ma commode et je n’ai pas l’intention de m’en débarrasser de sitôt. Bien que je ne sois pas du genre sentimental, ce chandail revêt beaucoup d’importance pour moi. Il est un peu usé, mais il est toujours là, tout comme moi.