Quand on a moins de 50 ans, on imagine beaucoup d’événements importants qui jalonneront notre avenir : l’achat d’une première maison, avoir un enfant, obtenir son diplôme universitaire, se marier, lancer son entreprise, ou encore prendre son sac à dos pour partir explorer le monde. Recevoir un diagnostic de cancer du sein ne figure certainement pas sur cette liste d’événements et, pour de nombreux jeunes — en particulier les femmes —, cet événement n’y figurera jamais. Cependant, au cours des dernières décennies, un nombre croissant de jeunes femmes ont développé un cancer du sein; les chercheurs essaient de comprendre pourquoi.
Historiquement et statistiquement, le cancer du sein était perçu comme une « maladie de personne âgée » et l’âge moyen du diagnostic au Canada est de 62 ans. C’est pourquoi la plupart des campagnes de sensibilisation du cancer du sein, les programmes de dépistage et même les ressources pour les patients ciblent les adultes plus âgés. Les personnes plus jeunes sont donc négligées, voire même écartées. Une réaction courante de l’entourage et même des prestataires de soins de santé consiste souvent à dire « vous êtes trop jeune pour avoir un cancer du sein! » Cette attitude de rejet peut entraîner des retards dans la recherche de soins médicaux pour la prise en charge des symptômes, le non-respect des rendez-vous de dépistage et un diagnostic posé à un stade plus avancé de la maladie.
Robby Spring se souvient de son expérience quand elle a reçu son diagnostic dans la trentaine :
« Quand ma mère a reçu un diagnostic de cancer du sein dans la soixantaine, j’ai eu peur, mais je n’étais pas excessivement inquiète pour moi-même. Elle prenait des œstrogènes depuis de nombreuses années et, sans antécédents familiaux, je pensais que c’était une situation gérable et relativement simple à traiter. Mais quand ma sœur a reçu son diagnostic au début de la quarantaine, tout a changé. Cette expérience a balayé l’idée que le cancer du sein ne concernait que les femmes plus âgées et qu’il était toujours “facile” à traiter.
Peu de temps après, j’ai moi-même reçu un diagnostic à 35 ans. Vivre le cancer du sein en personne, et à un si jeune âge, m’a montré à quel point cette façon de penser était dangereuse. Elle retarde la prise de conscience, elle retarde la prise de mesures et elle laisse les femmes plus jeunes démunies lorsqu’elles reçoivent leur diagnostic. La vérité, c’est que le cancer du sein ne se soucie pas de votre âge. Les antécédents de ma famille — trois femmes, sur deux générations, toutes atteintes de la même maladie en théorie, mais avec des expériences très différentes — prouvent que le cancer peut vous rattraper n’importe quel âge.
Je ne veux pas susciter inutilement d’inquiétude, mais je souhaite sensibiliser le public. Si quelque chose vous semble anormal et que l’on minimise vos préoccupations, insistez pour effectuer le test de dépistage et obtenir les soins que vous méritez. Rappelez à vos amies de ne pas remettre leur auto-examen à plus tard ni d’éviter une consultation. Lorsque le cancer du sein survient chez des femmes plus jeunes, il est souvent plus agressif, ce qui rend le dépistage précoce essentiel. »
Certains facteurs peuvent augmenter le risque de cancer à un plus jeune âge :
- Hériter d’une mutation des gènes BRCA
- Avoir des antécédents familiaux de cancer du sein comme Robby
- Des facteurs reproductifs comme le début des règles avant 12 ans, avoir des enfants après 30 ans ou ne jamais en avoir
Si vous recevez un diagnostic à un plus jeune âge, vous pourriez être confrontée à des défis auxquels ne font pas face les personnes plus âgées. Vous pourriez élever de jeunes enfants, avoir un emploi, avoir des relations amoureuses, terminer vos études, ou essayer de fonder une famille, tout en étant aux prises avec la maladie. C’est exactement ce qui est arrivé à Jaclyn :
« J’avais 33 ans lorsque j’ai reçu un diagnostic de cancer du sein. Je n’avais jamais fait d’auto-examen de mes seins, mais j’avais toujours en tête que tant que mon médecin s’en occupait pendant mon bilan de santé annuel, tout allait bien. Entre deux bilans, début 2021, j’ai eu ce pressentiment sous la douche un matin : il y avait quelque chose, et je devais le trouver pour pouvoir appeler mon médecin. J’ai suivi sa méthode d’examen, et j’ai senti une boule presque immédiatement. En moins d’une semaine, j’avais passé une échographie et une mammographie et, en deux semaines, j’avais subi une biopsie et reçu mon diagnostic.
En fin de compte, j’étais une personne en bonne santé : j’étais active; je suivais un régime principalement végétarien; je faisais des bilans annuels qui ne révélaient presque jamais rien d’anormal; et j’avais une relation heureuse et saine, pleine de promesses. L’idée fausse selon laquelle les jeunes ne développent pas de cancer du sein est malheureusement intimement liée au manque de compréhension de ce que signifie recevoir un tel diagnostic à un moment de la vie où l’on a l’impression qu’elle ne fait que commencer. Ce diagnostic a bouleversé absolument tous les aspects de ma vie et de mes projets : me marier, obtenir mon doctorat, trouver un emploi dans mon domaine, fonder une famille. Rien n’a été épargné. Et bien que j’aie depuis réalisé beaucoup de ces choses et que je sois en voie d’en accomplir d’autres, cela n’a pas été sans difficulté ni douleur. Il y a tellement plus à surmonter quand on est jeune et atteint d’un cancer.
C’est pourquoi le RCCS a créé le guide On n’est jamais trop jeune. Il a été conçu spécialement pour les jeunes femmes, en abordant à la fois les répercussions émotionnelles et pratiques du cancer du sein. Il vous fournit des informations qui vous accompagneront tout au long du diagnostic, du traitement et de la convalescence.
L’augmentation du nombre de jeunes femmes atteintes d’un cancer du sein entraîne la mise en place de plus en plus de programmes de soutien adaptés à leurs besoins uniques. Rethink Breast Cancer, le programme PYNK de l’hôpital Sunnybrook et la Young Survival Coalition sont quelques-unes des ressources disponibles pour les femmes de moins de 50 ans ayant reçu un diagnostic. Dawn Barker a fondé NUY50 (Not Until You’re Fifty ou, en français, Pas avant 50 ans), un groupe qui se consacre à sensibiliser le public à l’importance de défendre ses droits en matière de santé et à promouvoir plus de recherches sur le cancer du sein, en particulier chez les femmes de moins de 50 ans et chez celles issues des communautés de PANDC (personnes autochtones, noires et de couleur).
Minimiser le risque de cancer du sein en le considérant comme « une maladie de femme âgée » est non seulement une idée fausse, mais c’est aussi une idée qui peut être dangereuse. Elle retarde la détection précoce et le traitement au moment le plus important. En reconnaissant que le cancer du sein ne fait pas de distinction d’âge, nous vous encourageons à faire preuve de vigilance, à lutter contre la stigmatisation et à vous assurer que tout le monde, quel que soit l’âge, se sente habilité à défendre ses droits en matière de santé.