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La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole

Tellement plus qu’un tatouage

Par Dre Alexandra Ginty

Il y a 14 ans, j’ai appris que j’avais un cancer aux deux seins. Mes collègues ont été là pour moi tout au long de cette expérience. Au bout de neuf mois, les traitements ont pris fin et je suis retournée travailler comme médecin de famille. Mais les choses avaient changé. J’étais plus fragile. J’avais un nouveau corps. Je savais désormais que j’étais porteuse d’une mutation d’un gène BRCA, ce qui augmentait mes risques de développer un cancer du sein ou des ovaires. Je devais subir une hystérectomie prophylactique ainsi qu’une reconstruction mammaire, et donc prendre des décisions qui auraient des répercussions sur ma famille et moi-même. Les répercussions psychologiques ont été très importantes : j’étais exténuée et mon cerveau n’allait plus jamais être le même. La thérapie par l’art m’a transformée, en ce sens qu’elle m’a permis d’exprimer ma douleur et mon isolement. L’art s’est révélé être thérapeutique, inspirant et apaisant. Il représentait, pour moi, un endroit atemporel où je pouvais me réfugier.

Et puis, un jour, alors que j’aidais en salle d’opération, j’ai rencontré deux artistes d’un autre type. Ce qui nous reliait, c’était la créativité. Il s’agissait d’un chirurgien plastique spécialisé en chirurgie reconstructive et d’un chirurgien mammaire, deux magiciens de la peau. Il leur manquait toutefois quelque chose : une aréole. Les tatouages de mamelons et d’aréoles de haute qualité étaient réservés aux personnes qui en avaient les moyens. Ils étaient associés à un code de facturation bien spécifique. En tant que responsable régionale à Action cancer Ontario, un organisme qui fait partie de Santé Ontario, je considérais cette injustice financière comme une lacune du système de santé. J’avais certes des capacités artistiques, mais suivre une excellente formation dans l’art du tatouage me semblait bien au-delà de mes capacités. Lorsqu’on atteint un haut niveau universitaire en médecine, on a souvent peur ou on se sent souvent mal à l’aise d’apprendre une nouvelle compétence dans son domaine, où on devient l’apprenant dans une nouvelle hiérarchie, ce qui peut susciter des jugements.

Le monde du tatouage est très différent de celui de la médecine. Il n’existe aucune certification ni aucun organisme officiels, ni aucune documentation. J’étais la première. J’étais quelqu’un de l’extérieur doté d’une profonde humilité intellectuelle qui serait mise à l’essai. Beaucoup de tatoueurs expriment leurs traumatismes à la vue de tous : leur corps représente une toile sur laquelle ils les peignent. Peut-être que le fait de considérer la peau comme une toile nous rapprochait plus que ce que nous croyions, nous unissant ainsi dans un art thérapeutique. Le tatouage d’aréoles ne représentait pas seulement un moyen de dissimuler des cicatrices, il permettait également de rendre l’intimité possible à nouveau. C’était aussi un acte de réappropriation de son corps et de sa vie après le cancer.

J’ai passé des fins de semaine, des nuits et des vacances à me plonger, aux côtés de tatoueurs reconnus mondialement, dans l’apprentissage du tatouage de l’aréole jusqu’à maîtriser le tatouage sur la peau après m’être entraînée sur des modèles en silicone. Je rêvais de reconstructions mammaires impeccables et d’une prise en charge où les patients recevraient d’excellents soins en toute équité. Armée de mes modèles en silicone et de ma valise remplie d’articles « glamour », j’ai réussi à convaincre les responsables appropriés et c’est ainsi que la Restore-me Clinic est née dans le service de consultations externes de l’hôpital. Après 33 ans de pratique de la médecine familiale, je pouvais enfin parler aux patients en toute sincérité. Bien que ces personnes venaient me voir pour un tatouage de l’aréole mammaire, il s’agissait de bien plus que cela. Je connaissais le traumatisme qu’elles avaient subi, j’avais assisté à leur opération et je pouvais visualiser le tableau que j’allais réaliser à l’encre sur la toile que représentait leur nouveau sein.

Le tatouage s’apparente à la peinture. On utilise différentes tailles d’aiguilles pour différentes parties du tatouage. Les magnums arrondis constituent les pinceaux plats et les ombreuses, les pinceaux ronds. Comme en peinture traditionnelle, les tatouages finissent tous par de fines lignes et des points de blancs. Chaque personne a une expérience différente du cancer du sein en termes de complications, de cicatrisation, d’infections, de radiothérapie et de soutien. C’est là où peuvent intervenir l’art de la psychologie et la compassion médicale. Au-delà de la méthode pour dessiner les aréoles et de la technique pour les tatouer, notre art consiste à personnaliser ces œuvres sur la peau des patients. Nous nous rencontrons alors pour deux heures de procédure, l’anesthésique topique leur permettant de se détendre et de raconter leur histoire dans un environnement sécuritaire, confidentiel et psychothérapeutique.

La Dre Alexandra Ginty, MD CCFP-EM, FCFP, est responsable régionale des soins primaires à Action cancer Ontario, médecin de famille et spécialiste du tatouage de mamelons et d’aréoles à www.restoremeabc.com, à Oakville, en Ontario.

Pour voir des exemples de son travail, cliquez ici.

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