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La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole

Pertes de mémoire : l’effet « bête » du tamoxifène, de la chimio et de la radiothérapie

Par Adriana Ermter

Dans notre rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein.

Est-ce vous aussi, vous vous sentez aussi bête que moi? Est-ce que vous aussi, vous avez des pertes de mémoire dues au tamoxifène, à la chimiothérapie et/ou à la radiothérapie, et vous pensez que vous ne retrouverez plus jamais la mémoire? Si c’est le cas, vous demandez-vous où sont passés vos souvenirs? Se sont-ils perdus sur une plage, à Puerto Vallarta? Ou peut-être ont-ils pris un congé sabbatique sans fournir de date de retour?

C’est ce que je vis en ce moment. Je n’ai pas complètement perdu la mémoire, mais juste assez pour me sentir bête lorsque je dois me souvenir de quelque chose et que je n’y arrive pas, parce que les fragments qu’il reste de cette chose sont si minuscules qu’ils m’échappent, comme si j’essayais de prendre de l’eau dans mes mains pour la mettre dans ma poche et la boire plus tard.

Avant le cancer, j’étais maline comme un singe!
Avant la radiothérapie et mon traitement quotidien au tamoxifène, j’avais l’esprit alerte et aiguisé, et je pouvais réciter ma liste de choses à faire pour la journée en un éclair. Je pouvais nommer chacune des innombrables bouteilles de parfum qui encombrent les étagères de ma chambre — oui, je fais une légère obsession — et je pouvais décrire avec détail l’odeur de chacune d’entre elles, y compris les notes fleuries qui les composaient. À la salle de sport, tout en faisant du vélo elliptique, j’arrivais à résoudre les énigmes de la Roue de la Fortune avant que les participants n’aient le temps de dire : « J’achète une voyelle ». Et jamais je n’ai eu à essayer de me rappeler la marque du mélange de café corsé que j’aimais tant dans une allée de supermarché.

Maintenant, je me sens juste bête
Le pire, pour moi, c’est la façon dont ces pertes de mémoire affectent mon travail. Je ne parle pas de mon travail de rédaction et d’édition, car je prends énormément de notes et je suis devenue la reine de l’organisation, ce qui fait que ça ne peut pas arriver. C’est plus quand je fais des recherches sur une date, un nom ou un événement pour valider un point de vue et que, basculant entre Word et Google, je me rends compte soudainement que je ne sais plus ce que je cherche! Ces trous de mémoire surviennent également quand j’entraîne mon équipe de natation synchronisée et que je note mentalement la rétroaction à donner à chaque nageuse et qu’une fois qu’elles reviennent à la surface, je ne me rappelle plus rien. Et dans les deux cas, je me retrouve là, en train de fixer l’écran de l’ordinateur ou mes nageuses qui attendent mes instructions d’un regard vide. Rien ne se passe et je n’ai rien à leur dire. C’est horrible!

Mes solutions à moi
Évidemment, j’ai trouvé des solutions qui permettent d’améliorer la situation, comme prendre entre 2 000 et 5 000 milligrammes de vitamine B12 et boire 12 verres d’eau, chaque jour. Je me couche tôt et je me réveille avant le lever du jour. Je sors marcher et respirer l’air frais. J’ai toujours à côté de mon ordinateur un calepin et un crayon pour pouvoir noter mes pensées, des notes ou des rappels. Lorsque je suis en réunion avec quelqu’un et que cette personne me demande de me rappeler d’une entrevue, d’un fait ou d’un moment et que je n’y arrive pas, je regarde dans mon carnet ou je demande à cette personne de me donner des indices, du contexte ou de me décrire la situation afin que je puisse percer ce brouillard induit par les traitements. À la piscine, j’enregistre les entraînements de mon équipe sur mon iPhone tout en donnant ma rétroaction, de façon à ce qu’elle puisse l’avoir. Malgré cela, je n’arrive pas à me souvenir de tout, ma mémoire continue à me faire défaut, comme si la connexion entre mon cerveau et ma bouche ne se faisait plus. Je sais que les idées et les pensées sont là, mais je n’arrive pas à les faire sortir. Et donc, parfois, souvent même, les enregistrements des entraînements de mon équipe se retrouvent pauvres en commentaires.

Et puis, c’est tellement aléatoire
Le plus frustrant, c’est que je me souviens du papier peint qu’il y avait dans la cuisine quand j’étais petite, des mots exacts que mon père et moi avons échangés lors d’une dispute quand j’avais 19 ans, ou encore des numéros de téléphone d’il y a 15 ans de mes grands-parents et de mes tantes Melissa et Marilyn! Je peux citer par ordre chronologique tous les emplois que j’ai eus, ainsi que le nom de mes patrons. Je peux même décrire chaque vêtement que je possédais quand j’étais en 7e année — essentiellement des polos Ralph Lauren, des pantalons mous Cotton Ginny, des Keds et des mocassins (c’était ce que je portais chaque jour avec ma coupe au carré — qu’est-ce que j’y pouvais, Molly Ringwald était mon idole.).

Le pire, c’est quand l’information me revient après et que je me suis déjà fait mille et un reproches. Certes, elle revient des heures plus tard et, en général, quand je suis toute seule chez moi et que je n’ai personne à qui la donner puisque les chats s’en moquent! C’est très frustrant et je ne sais pas quelle est la solution, ni même si cette solution existe.

Tout ce que je sais, c’est qu’il faut être honnête
La seule chose que je peux faire dans ces cas-là, c’est d’être honnête sur ce qu’il m’arrive. Souvent, je m’excuse et j’explique que j’ai de temps en temps des trous de mémoire et que je ne peux rien y faire. Je ne sais pas si les gens comprennent et m’acceptent comme je suis. Mais je sais que si je m’attardais sur ce qu’ils pensent et sur ce qu’ils disent ou pas de moi, je m’enfoncerais encore plus dans le terrier du lapin, or, si l’on en croit les aventures d’Alice, ce n’est pas le bon chemin à prendre!

Alors, j’essaie d’être plutôt proactive et de me concentrer sur mes propres émotions. Bien sûr, c’est quelque part humiliant, parce que ces trous de mémoire me font me sentir bête et impuissante, voire en colère. En colère que le cancer ait encore volé une autre partie de moi. Mais, j’ai parfois la chance de pouvoir en rire et de passer à autre chose. Je ne maîtrise pas encore la manière dont je réagis dans ces situations, mais j’y travaille. C’est tout ce que je peux faire… Du moins, quand j’y pense…

Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Figure Skater Fitness, Living Luxe et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec ses deux chatons, Murphy et Olive. Vous pouvez la suivre sur Instagram (@AdrianaErmter).


Les points de vue et les expériences exprimés à travers les histoires personnelles sur le blog Our Voices sont ceux des auteurs et de leurs expériences vécues. Ils ne reflètent pas nécessairement la position du Réseau canadien du cancer du sein. Les informations fournies n’ont pas été examinées médicalement et ne sont pas destinées à remplacer un avis médical professionnel. Demandez toujours conseil à votre équipe de soins lorsque vous envisagez vos plans et objectifs de traitement.