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La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole

Quand vous êtes-vous demandé comment vous alliez pour la dernière fois?

Par Adriana Ermter

Dans notre rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein.

J’ai regardé le documentaire Harry & Meghan sur Netflix. Pourtant je ne suis pas une « afficionado » de la famille royale — sauf de la princesse Diana que j’ai toujours trouvé formidable. Je m’ennuyais et j’avais besoin d’une nouvelle émission à regarder, alors je me suis dit pourquoi pas? C’est un documentaire et puis je n’avais pas accès à l’émission que je voulais vraiment voir — la nouvelle télé-réalité des Kardashian, qui passe maintenant sur Disney+. Alors, j’ai cliqué sur lecture et au bout de cinq minutes, j’étais conquise.

Conquise par l’authenticité du documentaire, par la transparence de Harry et de Meghan, et par leur dévouement envers l’un l’autre. J’ai adhéré à ce qu’ils disaient et j’ai ressenti leurs émotions. En particulier, quand, Tom Bradby, un journaliste britannique, a demandé à Meghan — dont les moindres mouvements étaient en permanence surveillés par la famille royale, les médias et le public, et souvent biaisés du fait de la couleur de sa peau — comment elle allait. La jeune mariée nouvellement maman lui a alors répondu que très peu de gens lui avaient posé cette question. Le ton de sa voix, son calme et la tristesse de ces mots, son attitude tout entière, m’a fait mal au cœur. Je comprenais tout à fait ce qu’elle ressentait.

Bien sûr, Meghan et moi avons des vies et des expériences complètement différentes, mais j’ai compris ce qu’elle avait ressenti. Pendant toute mon expérience avec le cancer du sein, très peu de gens m’ont demandé comment j’allais.

Quand on me considérait trop désemparée pour aller bien
Oui, à chacun de mes rendez-vous – qui, à une certaine période, avaient lieu chaque jour, l’équipe d’oncologie me posait les questions de rigueur, faisait des analyses et prenait des notes dans mon dossier, mais je n’ai jamais ressenti cette connexion humaine que je recherchais lors de ces bilans de santé. Le cancer du sein est trop commun, ou du moins il y a beaucoup trop de personnes atteintes d’un cancer du sein pour que les quelques médecins qui s’occupent de nous aient un autre regard qu’un regard clinique. Je comprends. Vraiment. Mais ça ne vaut pas dire que c’est plaisant.

Pourquoi les équipes médicales ne peuvent-elles pas être plus humaines et moins froides dans leur prise en charge des personnes atteintes d’un cancer du sein? Dès le premier rendez-vous, après avoir senti la grosseur sous mon aisselle droite, je me suis sentie ignorée. Oui, ils m’ont fait faire une mammographie des deux seins, mais ils ont ignoré la grosseur sous mon aisselle, pensant qu’il s’agissait d’une calcification, et ils m’ont renvoyé chez moi en me disant d’attendre de voir comme cela évoluerait au cours des six prochains mois. Je ne suis, bien entendu, pas restée là à attendre tranquillement. Ce n’est pas vraiment mon genre de rester tranquille, sauf peut-être quand je dors et encore... Il paraît que je ronfle. Avec le soutien de mon médecin, je contactais la clinique de santé des femmes chaque mois jusqu’à ce qu’ils acceptent de me donner un autre rendez-vous. Finalement, ils ont réalisé que la grosseur était bien une tumeur, mais aucun médecin ne m’a demandé comment je me sentais.

C’est peut-être chose courante pour les personnes atteintes d’un cancer du sein que de se sentir invisible? Je me sentais rarement visible. Traitée de manière expéditive? Oui, j’ai beaucoup ressenti cela. Avais-je l’impression d’être davantage un numéro qu’une personne avec un nom? Très certainement. Avais-je l’impression d’être laissée dans le flou sans réponses? Très souvent. Ai-je été considérée comme une patiente difficile parce que j’avais toujours un millier de questions à poser? Très probablement. Le premier oncologue que j’ai vu m’a-t-il fait douter de mes capacités mentales alors qu’il avait mal interprété les résultats de mon test Oncotype DX? Malheureusement.

Quand j’ai eu mon opération et que l'on considérait que je devais aller bien
Pour être honnête, après mon opération, une fois que j’ai été transférée dans mon nouveau service d’oncologie, à l’hôpital Princess Margaret, ma prise en charge s’est nettement améliorée. Cela dit, je n’étais toujours qu’une patiente atteinte d’un cancer du sein de stade 1. Un cas suffisamment problématique pour être traité immédiatement, mais pas assez effroyable pour se soucier d’un décès imminent. C’est logique et cela se comprend : les patientes qui en ont le plus besoin doivent bénéficier de plus de soutien et d’attention. Et pourtant... Ç’aurait été bien qu’on me demande comment j’allais.

Après ma semaine de « congé », comme dirait mon ancienne patronne à propos du temps que j’ai pris pour subir l’opération et récupérer, comme si j’avais été en vacances, je suis retourné travailler. En effet, mon ancienne patronne ne m’ayant pas offert de congé d’invalidité de courte durée, j’avais dû recommencer à travailler comme si de rien n’était. Je pense que ça ne lui a jamais traversé l’esprit de me demander comment j’allais. Elle ne m’a jamais posé la question. Pas une seule fois. C’est d’autant plus bizarre qu’elle était assise juste derrière moi et qu’elle pouvait voir ma tête dodeliner de temps à autre lorsque je luttais contre la fatigue pendant les mois de traitement qui ont suivi.

Ma famille et mes amis ont été beaucoup plus présents. Et je leur en suis extrêmement reconnaissante. Quand ils me demandaient comme j’allais, je leur disais que j’allais bien. En réalité, j’étais célibataire et très seule — j’avais quand même ma chatte bien aimée, Trixie — et physiquement et psychologiquement, je n’allais pas bien. La seule personne qui aurait dû se préoccuper de mon bien-être avec diligence ne le faisait pas. Cette personne, c’était moi.

Quand j’étais plus préoccupée par le fait de m’en sortir que de me demander si j’allais bien
Je suis une personne très forte. Je peux me battre pour ma propre santé. Je suis indépendante. Je peux subvenir à mes besoins et je peux prendre soin de moi dans pratiquement tous les domaines – à l’exception de l’assemblage des meubles IKEA et de l’élimination des araignées. Je suis aussi de nature très curieuse et je n’ai jamais peur de poser des questions.

Alors pourquoi ne me suis-je pas demandé si j’allais bien?

Parce que j’étais en mode survie.

Pendant toute mon enfance et, même plus tard, en tant que femme, je pensais fermement que je devais serrer les dents et persévérer quoi qu’il en coûte. C’est stupide, je le sais, mais c’est ce que je pensais. Mon mode opératoire était d’avancer jusqu’à ce que quelque chose casse. Tout aussi stupide. Et bien entendu, j’ai fini par casser.

J’ai fini par abdiquer six mois après mon opération. Je venais juste de finir mon traitement et j’étais à bout. J’en avais vraiment assez. Je n’avais plus d’énergie. Mon corps s’est rebellé et mon moral l’a suivi. J’avais l’impression de ne plus voir clair, de ne plus arriver à penser. Alors, j’ai pris rendez-vous avec mon médecin, pas mon oncologue, mais mon médecin de famille, qui, elle, m’avait suivi tout au long de ma vie de jeune fille, de mon mariage et de mon divorce, et qui était la première personne à qui j’avais parlé de la grosseur sous mon aisselle.

J’étais assise là dans son cabinet et je n’arrivais même pas à formuler mes phrases. Mon cerveau était grillé. J’avais perdu ma mémoire à court terme, je m’alimentais mal parce que j’étais trop fatiguée pour cuisiner et je dormais très peu. Mon corps me faisait mal et ma dose quotidienne de tamoxifène me donnait des bouffées de chaleur et faisait transpirer constamment. Je me sentais brisée. Mon médecin m’a regardée et m’a demandé : « Comment ça va? » Je n’allais pas bien et je le lui ai dit. On a alors concocté un plan qui me permettrait de reprendre ma vie en main, et de retrouver ma santé physique et émotionnelle.

Ça a pris du temps, mais grâce à un mot de sa part, j’ai pu demander à ma patronne de me laisser travailler à temps partiel, ce que j’ai fait pendant six mois et qui m’a donné la force de démissionner trois mois plus tard. Pendant ces six mois de travail à temps partiel, j’ai pu me reposer et faire le point sur ce que je voulais. Mon corps a commencé à se rétablir plus vite que mon moral et j’ai commencé à me poser moi-même cette question : est-ce que tu vas bien? Et non, pendant longtemps, je n’allais pas bien, mais en me posant régulièrement la question, j’ai pu plus facilement accepter mon état du moment. Je continue de le faire et, bien souvent, je continue de ne pas totalement me sentir bien, mais je l’accepte. C’est un mode opératoire plus honnête et plus facile à appliquer que de constamment se pousser à aller de l’avant. C’est mon nouveau mode opératoire. Physiquement et psychologiquement, ce cancer du sein a été sans commune mesure avec tous les défis que j’ai eu à affronter dans ma vie, y compris mon divorce. Il a tout simplement changé la perception que j’avais de la vie. Et donc, c’est tout naturellement que l’on peut considérer que l’expression « aller bien » convient ici.

Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Living Luxe, Figure Skater Fitness et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec ses deux chatons, Murphy et Olive. Vous pouvez la suivre sur Instagram (@AdrianaErmter).

Les points de vue et les expériences exprimés à travers les histoires personnelles sur le blog Our Voices sont ceux des auteurs et de leurs expériences vécues. Ils ne reflètent pas nécessairement la position du Réseau canadien du cancer du sein. Les informations fournies n’ont pas été examinées médicalement et ne sont pas destinées à remplacer un avis médical professionnel. Demandez toujours conseil à votre équipe de soins lorsque vous envisagez vos plans et objectifs de traitement.