Pour Naomi Pickersgill, vivre avec un cancer du sein métastatique et être confrontée à sa propre mort génèrent des « montagnes russes d’émotions ».
« Les médicaments que vous utilisez finiront par arrêter de fonctionner. Vous en prendrez ensuite un autre, puis un autre jusqu’à ce que vous ayez épuisé toutes les possibilités et là, vous mourrez », affirme la résidente de Stratford en Ontario. « Planifier l’avenir est très difficile lorsque le spectre d’une mort imminente plane au-dessus de votre tête. Vous vous demandez constamment avec inquiétude quand votre cancer progressera. »
Le 30 décembre 2014, Naomi, alors âgée de 52 ans, a reçu un diagnostic initial de cancer du sein de stade III après la découverte de trois ganglions lymphatiques enflés sur le côté droit de son cou. Elle a ainsi suivi un traitement de chimiothérapie en plus de subir une mastectomie. En juin 2015, elle a appris que le cancer s’était propagé aux os de sa colonne vertébrale et de son pelvis. La radiothérapie a été ajoutée à son protocole de soins. Une tumeur à l’estomac (sans lien avec son cancer du sein) a nécessité une intervention chirurgicale. Naomi a également donné son accord à une seconde mastectomie.
Naomi précise que son cancer n’apparaissait pas sur une mammographie effectuée en novembre 2014, soit 35 jours avant de recevoir son diagnostic. Ce serait dû à la forte densité de ses seins et au fait qu’elle souffrait d’un carcinome lobulaire du sein, un type de cancer plus difficile à détecter par mammographie.
Chaque fois qu’elle ressent une douleur, elle se demande si son cancer affecte une nouvelle partie de son corps. « Les gens ordinaires ne s’en soucient pas, mais moi je me pose la question : “Est-ce que cette douleur veut dire quelque chose ?” »
Ses inquiétudes atteignent un sommet tous les trois mois, soit lorsqu’elle rencontre son oncologue pour des tests qui révèleront si le cancer a progressé. Jusqu’à présent, ses traitements fonctionnent. Elle prend du létrozole pour son cancer du sein à récepteurs hormonaux positifs et reçoit des injections de Xgeva pour ses os.
« Ma confiance en moi s’est vraiment effritée. [Mon diagnostic de cancer] remettait en question ma capacité à prendre des décisions. Je n’étais plus du tout sûre de moi. », déclare Naomi.
Elle éprouve également des problèmes liés à l’image corporelle. Avant le cancer, elle aimait ses seins qu’elle utilisait pour détourner son attention de son poids. « Mon mari est fantastique ; il aime ma taille plus forte. Mais maintenant, je suis loin de me sentir aussi féminine qu’avant. Notre vie sexuelle en souffre parce que je ne me sens plus désirable. »
Naomi a dû quitter son emploi à temps plein à cause du cancer. Elle dépend en ce moment des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada et des revenus de son mari. Il travaille six jours par semaine pour payer les factures. Naomi espère que leur voiture, une Toyota 2004, durera encore cinq ou six ans. Elle affirme qu’en magasinant intelligemment et en surveillant les aubaines, ils s’en sortent.
Pour mieux faire face à la dépression et au stress, Naomi se rend au Cambridge Memorial Hospital (où elle reçoit ses traitements) et y rencontre un travailleur social. Elle fait également partie d’un groupe Facebook qui s’adresse aux femmes ayant un cancer du sein métastatique. Elle participe aussi à des séances de méditation hebdomadaires offertes par un centre sans but lucratif de soutien pour le cancer du sein, Wellspring. « C’est agréable de connaître d’autres femmes dans la même situation », affirme-t-elle. « Elles comprennent les inquiétudes, les effets secondaires ».
Son mari est d’un grand soutien. « Il a été formidable. Il a tout fait pour moi : il m’injectait du Neulasta le lendemain de mes traitements de chimiothérapie, il cuisinait, il faisait l’épicerie. »
Sa sœur aînée, Freyda, l’a aussi beaucoup aidée. Lorsque Naomi recevait ses traitements de chimiothérapie, Freyda venait la visiter deux fois par mois et demeurait chez elle. Freyda était présente à l’hôpital quand Naomi a subi sa mastectomie. Naomi peine à exprimer ce que cela a représenté pour elle. « Avoir le soutien de ma sœur était formidable », déclare Naomi. « Je ne sais pas si elle comprendra un jour à quel point elle a été importante à mes yeux. »
Rebecca, la fille d’âge adulte de Naomi, a surpris sa mère pendant le traitement de chimiothérapie de cette dernière en faisant couper ses longs cheveux épais et en les donnant pour qu’ils servent à fabriquer une prothèse capillaire pour une femme souffrant d’un cancer du sein. Rebecca et sa sœur Amy ont visité leur mère et l’ont aidée à se raser la tête. « Certaines femmes ont peur de perdre leurs cheveux, mais je me suis dit : “Ce sont mes cheveux ou ma vie” et je préfère ma vie », déclare Naomi.
Naomi, qui attend avec hâte les mariages de ses filles, espère être vivante pour y assister.
Elle affirme qu’« au bout d’un moment, vous réussissez davantage à vivre qu’à attendre la mort. » Elle avoue même s’ennuyer parfois et aimerait occuper un emploi à temps partiel.
Le cancer est source d’apprentissage pour Naomi. « Je suis plus forte que je ne le croyais. J’aurais apprécié que quelqu’un me dise dès le début “Tu peux t’en sortir” parce que j’y ai survécu. »