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La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole


Vue et fertilité, ces pertes dues au cancer du sein métastatique

Par Ashley Blair Doyle

Il y a cinq ans, en 2017, j’ai fait un tomodensitogramme à la BC Cancer Agency et je pensais que c’était le dernier. J’en avais enfin fini, j’étais enfin délivrée. J’avais bien quelques symptômes de reflux gastro-œsophagien, dont des rots à répétition, mais on m’avait dit que c’était dû à l’anxiété. J’attendais donc les résultats de ce dernier tomodensitogramme en pensant que j’allais enfin pouvoir sortir du monde du cancer. C’était ce que pensait l’équipe soignante et je les croyais étant donné que cela faisait déjà cinq ans et demi qu’on m’avait diagnostiqué un cancer de stade précoce. Même si la peur de la récidive était bien là, j’y croyais dur comme fer, tout comme mon oncologue.

Les résultats ne se firent pas attendre longtemps : « vous avez quelque chose en plein milieu de la poitrine ». Un amas métastatique de ganglions lymphatiques se trouvait derrière mon cœur et exerçait une pression sur mon œsophage et ma trachée. Cela expliquait donc mes rots à répétition. Ma vie a basculé : il me fallait reprendre les traitements, mais cette fois-ci, à vie. J’ai ressenti une immense peine et le traumatisme que ce cancer de stade IV définirait le reste de ma vie.

Au moment où j’écris ces lignes, j’en suis à mon sixième traitement, qui a pour but de cibler la mutation du gène PALB2, laquelle se traduit par un déficit en cellules capables de réparer l’ADN par la recombinaison homologue. Ce déficit produit des amas anormaux de cellules qui ont des répercussions sur mon activité cérébrale, mon oreille gauche, le côté gauche de la boîte crânienne et ma vue. Je me sens vraiment chanceuse de pouvoir bénéficier de ce traitement tant que je le peux, même si je sais que je dois me préparer aux effets secondaires qui, chaque fois, me font l’effet d’un coup de fouet. L’extrême fatigue causée par le traitement est inouïe et j’en suis toujours à apprendre à gérer les médicaments que l’on m’a donnés contre les effets indésirables et la douleur.

Tellement de choses se sont passées au cours des cinq dernières années. Beaucoup de choses m’ont été volées. J’ai eu beaucoup de déchirements intérieurs, de peur, de pertes et de prises de poids, de douleur et de multiples effets secondaires dus aux traitements.

La vue et la possibilité de devenir maman font partie de ces choses que ce cancer de stade IV a enlevées à ma vie.

Une vue volée
J’ai commencé à perdre lentement la vue (30 %) dans l’œil gauche tout récemment. Quelques jours plus tard, c’est passé à 70 %-90 %. Si je couvre mon œil droit, je peux à peine lire ce qu’il y a sur mon téléphone. Quand j’ai les deux yeux ouverts, ma vue périphérique gauche fonctionne un peu si je plisse les yeux et que je dirige ma pupille à gauche, à fond. La vision dédoublée que j’avais en début d’année, avant le traitement, n’a pas empiré, mais c’est ma vue en elle-même qui pose problème maintenant.

Même si les tomodensitogrammes montrent que dans le reste de mon corps, la situation est stable, les clichés d’IRM cérébrale, en revanche, montrent que le cancer progresse dans mon cerveau. Cette progression provoque des lésions et de la douleur névralgique autour de mon œil, de mon oreille et de ma tempe. Je suis extrêmement triste et inquiète. Si seulement l’état de mon cerveau pouvait être aussi stable que celui du reste de mon corps. On m’a proposé à nouveau de faire de la radiothérapie au cerveau, ce que j’ai finalement accepté et que je ferai du 25 juillet au 4 août. Cela comporte des risques et il est possible que cela ne fonctionne pas. Mais même si j’ai 10 % de chance de perdre définitivement la vue dans l’œil gauche, je vais quand même essayer.

Ces derniers jours ont été tellement stressants, pénibles et difficiles. En ce moment, j’ai l’œil gauche complètement fermé à cause à cause d’une métastase qui appuie sur le 3e nerf crânien. En général, j’ai toujours quelque chose pour recouvrir mon œil et j’essaie d’évoluer malgré la perte de vue. Mais, c’est vraiment difficile. Je ne peux plus jardiner, car j’ai besoin d’aide pour me déplacer dans le jardin et je ne peux plus non plus faire de marches, car après, je dois gérer les médicaments, la douleur, etc. Tout cela est si injuste. Pourtant, malgré la douleur, la progression du cancer et la perte de vue, j’essaie de faire ce que je peux. Même si je dois pour cela me reposer souvent, dormir et ne faire que de très petites marches avec les gens qui s’occupent de moi. J’en suis infiniment reconnaissante à mes proches aidants et à mes animaux de compagnie.

Une infertilité forcée
Il y a quelques mois, c’était la Semaine canadienne de sensibilisation à l’infertilité et compte tenu du fait que je ne peux plus avoir de bébé, cela m’a vraiment mis le moral à zéro. Je ressens une immense peine. Je ne suis pourtant pas vraiment stérile, mais la fécondation in vitro à répétition, ce n’est pas pour moi.

C’est le cancer et les traitements qui m’ont empêchée de réaliser mon rêve d’être maman et de voir Mike devenir papa. En 2012, on a fait congeler 10 embryons obtenus par fécondation in vitro au cas où la chimiothérapie que j’allais alors faire pour traiter mon cancer au stade précoce me causerait des problèmes de fertilité, ce qui n’a pas été le cas. Mais comme j’avais un cancer à récepteurs d’œstrogène positifs (ER+), j’ai dû prendre des injections de Zoladex, un traitement qui désactive la fonction ovarienne, ainsi que des médicaments anti-œstrogènes pendant cinq ans. Je ne pouvais donc pas tomber enceinte tant que je n’avais pas fini ces traitements. Je les ai terminés en 2017 et mon cycle est redevenu normal au bout d’un mois. On m’a alors dit d’attendre six mois que les médicaments soient complètement évacués de mon organisme avant d’essayer d’avoir des enfants. Au bout de six mois, pour me rassurer, j’ai demandé à faire un tomodensitogramme et c’est là qu’on a découvert que j’avais un cancer de stade IV dans les ganglions lymphatiques et dans les poumons, ce qui a anéanti mon rêve d’avoir un enfant un jour.

J’ai fait une biopsie qui a confirmé que les cellules cancéreuses présentaient des récepteurs d’œstrogène positifs, ce qui signifiait que le cancer initial était revenu. Cela m’a anéantie. Parce que cela signifiait que je devais reprendre ces traitements à vie, mais aussi parce qu’il n’était plus question d’avoir d’enfants. On m’a donc immédiatement remise sous Zoladex et j’ai commencé mon premier traitement contre le cancer du sein métastatique de stade IV, qui est un cancer incurable.

Je ne peux plus tomber enceinte. Je ne peux plus faire de projets en ce sens. Je ne pourrais jamais être une mère. Tous nos projets ont été anéantis par ce cancer métastatique et les traitements que je prends pour ralentir sa progression. En 2012, lorsque nous avons fait cryoconserver nos 10 embryons, ils ont utilisé la méthode de congélation lente au lieu de la congélation rapide, ce qui fait qu’en 2018, lorsque nous avons essayé d’implanter un embryon chez une mère porteuse, cela a échoué. Aucun des embryons n’a survécu à la méthode de congélation lente. Je repense souvent à l’autre méthode.

Je ne suis donc pas stérile à proprement parler. J’aurais pu fonder une famille si je n’avais pas eu ce diagnostic à 28 ans, si le cancer n’était pas revenu cinq ans et demi plus tard et si j’en avais eu la possibilité. Mais ce cancer nous prive de la possibilité d’être parents. C’est une infertilité forcée.

Et pourtant...
Malgré tout ce que j’ai perdu ces cinq dernières années, il y a beaucoup de bons jours et de bonnes expériences. J’ai vécu des aventures incroyables, des voyages de dernière minute, des moments où j’ai dit OUI, des moments importants, des projets créatifs et je me suis fait de véritables relations dans la communauté. J’ai vécu de l’espoir, des souhaits, de la magie et des moments de libération. Quand je me sens bien physiquement, malgré les métastases dans mon cerveau, l’extrême fatigue, les effets secondaires des traitements et ma perte de vue, je peux aller me promener dans la nature. Cela me procure une sorte différente de répit, cela me permet de m’évader. Je me remplis alors de cette nature. Même si c’est difficile ou ça paraît l’être, je m’accroche à la vie et je respire ce grand air. Il y a tellement de choses importantes. Cela fait cinq ans que j’ai un cancer du sein métastatique de stade IV, je suis toujours en vie et je m’accroche à la vie du mieux que je peux. Je me raccroche à mes proches, instant après instant, et à chaque petite chose qui rend cela possible.


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