Dans notre rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein.
Par Adriana Ermter
Récemment, après avoir souffert pendant huit heures de douleurs abdominales tellement intenses que j’étais pliée en deux, j’ai cédé aux pressions de ma sœur Liz qui jugeait qu’une visite à l’hôpital s’avérait nécessaire. J’ai rampé jusqu’au rez-de-chaussée, fait appel aux services d’Uber, caché mon nez et ma bouche sous un couvre-visage à motifs et je suis partie. Douze heures, trois doses de morphine et un test d’imagerie par résonnance magnétique (IRM) du bas de l’abdomen plus tard, l’urgentologue m’a annoncé qu’une lésion sur le côté droit de mon foie était responsable de la douleur. En se basant sur les scintigraphies de mes organes principaux réalisées avant ma chirurgie mammaire, la lésion était nouvelle et potentiellement attribuable à la tumeur originale ou au traitement reçu après mon opération. Une échographie a ensuite révélé que la lésion mesure cinq centimètres de long par cinq centimètres de large et cinq centimètres de profond. Un deuxième test d’IRM a été fixé.
Choisir la survie
Je n’avais toutefois pas prévu de devoir planifier une toute nouvelle série de rendez-vous médicaux pour déterminer si ma tumeur hépatique est maligne. Selon la clinique Mayo, environ 42 pour cent des survivantes et survivants du cancer du sein doivent affronter une récidive locale (dans le sein) ou même une récidive à distance (aussi connue sous le nom de cancer secondaire). Dans ce type de récidive, le cancer se propage dans d’autres parties du corps, plus fréquemment dans les os, les poumons ou le foie. Ces cancers supplémentaires peuvent être attribuables au traitement du cancer du sein initial ou à la radiothérapie pour retirer et détruire les cellules mammaires cancéreuses. Cette possibilité est clairement mentionnée dans la documentation. Je le sais parce que c’était écrit dans les dépliants que m’a remis le personnel médical et infirmier lors de mon diagnostic et après mon opération. Cela ne m’a toutefois pas empêchée d’effectuer le même choix que 60 pour cent des Américaines dans la même situation selon la US Breast Cancer Organization : après un diagnostic de cancer du sein à un stade précoce, opter pour une tumorectomie (c’est-à-dire une mastectomie partielle) et une combinaison opération-radiothérapie pour accroître les chances de survie.
Je voulais survivre, alors j’ai consciemment choisi les deux, de façon aussi délibérée que j’avais choisi de subir une chirurgie mammaire conservatrice et de faire tester ma tumeur à l’aide de la technologie Oncotype DX pour aider à déterminer si j’avais besoin d’une chimiothérapie agressive, d’une chimiothérapie orale (le tamoxifène) ou des deux. Bien entendu, les membres de mon équipe d’oncologie avaient pris la peine de me donner leurs opinions d’experts à chaque étape, mais ultimement, je choisissais. Je pense qu’il importe de le souligner. Les décisions relatives à ma santé physique et à la façon dont je désirais traverser chaque étape de mon cancer du sein — et maintenant peut-être mon cancer du foie — me revenaient entièrement et totalement. Cela semble aller de soi, mais ce n’est pas une évidence.
Choisir l’éducation
Quand j’ai appris que je souffrais d’un cancer du sein, mon cerveau est devenu surchargé. Pendant des mois, les médecins de la clinique du cancer du sein — là où je m’étais rendue lorsque j’avais senti une bosse dure à l’aisselle droite — avaient balayé du revers de la main mon inquiétude. En dépit du fait que je réclamais constamment de passer plus de tests, ils ont continué à ignorer mes demandes pendant les six mois suivants. Mon choix, c’est-à-dire celui de harceler poliment et assidûment la clinique, a porté ses fruits. J’ai subi les tests nécessaires et reçu un diagnostic de cancer du sein. Je ne souhaitais pas obtenir un tel verdict, mais j’étais reconnaissante de détenir une réponse.
C’est à ce moment que l’ambivalence s’est transformée en un déferlement d’informations générales à propos des échographies et des biopsies, de la tumorectomie, de la gestion de la douleur, des séries de traitements possibles et des effets secondaires. Tout se déroulait très rapidement. Je peinais à suivre le rythme et j’avais l’impression d’avoir été abandonnée. Alors, après chaque rendez-vous (à l’époque, j’en avais environ tous les deux jours), je retournais à la maison et j’effectuais des recherches sur le cancer du sein dans Google pour mieux comprendre, pour apprendre et pour obtenir des éclaircissements. Je ne recommande pas nécessairement d’agir ainsi. À trois heures du matin, mon insomnie causée par l’anxiété ne faisait que s’aggraver. Couchée dans mon lit, je fixais le plafond en tentant de me rappeler les paroles de la chanson « Now That We Found Love » de Heavy D & The Boys. Parfois, en plein milieu de la nuit, j’achetais en ligne impulsivement des chandails et pantalons coordonnés en coton ouaté dans des teintes de violet, de bleu, de bleu foncé ou de gris. C’était le seul moyen que j’avais trouvé pour atténuer le tourbillon de pensées qui m’assaillait. Je voulais comprendre exactement ce qui m’arrivait, pour me sentir en contrôle et effectuer les bons choix. Rien ne me fournissait des informations précises : ni les documents imprimés, ni les généralisations bien rédigées sur du beau papier glacé remises par mes médecins, ni le site WebMD, ni les publications des sociétés du cancer que je me devais de consulter. Je devais en savoir plus.
Choisir la ténacité
Ce manque de renseignements précis s’avère toutefois compréhensible. Chaque jour, 75 Canadiennes reçoivent un diagnostic de cancer du sein selon la Société canadienne du cancer. Il n’existe ni suffisamment d’oncologues ni suffisamment d’heures dans une journée pour communiquer adéquatement avec chaque nouvelle patiente (ou patient) pour leur expliquer ce qu’elles méritent de savoir. Et en raison de cette situation de travail à la chaîne, les médecins deviennent insensibles, voire imperméables, à la maladie et à la façon dont elle ébranle la vie de chaque individu qui reçoit un tel diagnostic. C’est le problème avec le cancer du sein. Chaque personne est unique, tout comme son cancer du sein. Néanmoins, les renseignements transmis sont très généraux, ce qui oblique à fouiller davantage pour acquérir plus de connaissances et, finalement, décider comment aller de l’avant. Du moins, c’est mon opinion.
Presque tous les gens à qui j’ai divulgué mon cancer du sein avaient eux aussi une opinion, en particulier sur la série de traitements que je devrais entreprendre. Une amie proche a fortement milité en faveur d’une mastectomie totale bilatérale. Des membres de sa famille étaient décédés d’autres types de cancer et elle favorisait une approche extrême. Un autre ami répétait souvent que je devrais craindre de mourir. J’ai dû lui demander gentiment, mais fermement, de cesser de parler ainsi puisque m’inquiéter n’a jamais bien fonctionné dans mon cas. Mon père m’a suggéré de retourner vivre à Calgary pour que ma famille puisse prendre soin de moi tandis qu’un membre de ma famille a minimisé la gravité de ma maladie, de l’opération et du rétablissement en les qualifiant de procédures faciles et routinières. Ils étaient tous bien intentionnés. Je les ai donc tous écoutés, mais j’ai fait à ma tête. Cela s’est aussi révélé un de mes choix et il s’agissait probablement du meilleur.
Me choisir
Selon moi, il n’existe pas de meilleure façon de faire face à un cancer du sein et à tout ce qu’il entraîne, y compris un possible cancer secondaire. Je ne peux pas prédire ce que l’avenir me réserve. Je peux seulement prendre les bonnes décisions pour moi-même à chaque instant. Parce que je crois fermement que l’information et la connaissance confèrent un certain pouvoir, j’ai décidé de m’éduquer. Je me tire souvent d’affaire seule, ce qui veut dire que j’ai trop lu, que j’ai découvert beaucoup de choses et que j’ai choisi de chercher, de trouver et de puiser dans l’expérience d’autres femmes qui sont passées par le même chemin que moi. Parfois, ces renseignements se retrouvent dans des billets de blogues personnels comme celui-ci sur le site du Réseau canadien du cancer du sein ou sur d’autres sites Web comme Rethink Breast Cancer.
Deux femmes sont devenues inestimables à mes yeux : une ex-collègue et une nouvelle amie que je connaissais depuis des années puisque nous travaillions dans la même industrie. Elles ont toutes deux partagé avec candeur, souci du détail et compassion leurs expériences de première main avec moi. Sur la recommandation d’un ami commun, j’ai cherché à rencontrer la première femme lorsque j’ai reçu mon diagnostic. C’est elle, et non pas mon équipe d’oncologie, qui m’a préparée à mon intervention chirurgicale et qui m’a encouragée à acheter non pas un, mais plusieurs soutiens-gorges doux et sans armature pour minimiser la douleur pendant le sommeil. C’est elle qui m’a avertie que je serais tatouée d’une série de points avant de commencer ma radiothérapie, que je me sentirais totalement et complètement épuisée durant tous ces traitements et qui m’a confirmé que c’était acceptable de dormir dès que je ne travaillais pas. Ma deuxième amie m’a accompagnée tout au long de mon rétablissement. Elle m’a tenu la main dans le brouillard cognitif que j’ai dû et que je dois toujours affronter. Nos cancers et nos situations personnelles sont similaires à la différence qu’elle a traversé ces épreuves une année avant moi. J’ai l’impression que personne d’autre ne comprend aussi bien cette partie de ma vie qu’elle. Elle demeure pour moi une source de réconfort. Elle me donne aussi un autre son de cloche quand je me sens médiocre alors que je tente d’accepter la nouvelle personne que je suis depuis mon cancer du sein.
J’ai décidé d’entendre et d’apprendre de ces femmes et de leur parcours. Elles m’ont donné les outils dont j’avais besoin pour prendre des décisions éclairées pour moi-même, ce qui en retour m’a aidée à écouter et à suivre mon instinct. Encore maintenant, je persiste à adopter la ligne de conduite qui me semble la plus avantageuse pour moi. L’ensemble de tous mes choix me rappelle que même dans l’incertitude, c’est moi qui prends l’ultime décision. Alors aujourd’hui, alors que j’attends le prochain test, ses résultats et la nouvelle voie qui s’ouvre devant moi, je sais que j’ai toujours un choix. Je continue donc de me choisir.
Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Figure Skater Fitness et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec sa chatte très gâtée Trixie-Belle. Vous pouvez la suivre sur Instagram au @AdrianaErmter