Par Adriana Ermter
Dans notre rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein.
Récemment, une femme de l’Alberta aux prises avec un diagnostic de cancer du sein, m’a contactée sur Instagram. Nous avions déjà communiqué et partagé certaines de nos expériences avec le cancer du sein; c’était donc agréable d’avoir de ses nouvelles. Cette fois-ci, cependant, au lieu de m’envoyer une mise à jour par écrit, elle m’a envoyé un segment vidéo de la deuxième saison de The Big C, une série télévisée actuellement diffusée sur Prime TV. La série met en vedette l’actrice Laura Linney dans le rôle de Cathy, une mère de famille qui habite en banlieue qui a reçu un diagnostic de mélanome au stade IV. Dans cette scène, Cathy conseille un groupe de jeunes étudiants en médecine sur la manière de traiter leurs patients atteints d’un cancer. Voici ce qu’elle dit :
« Vous devez regarder vos patients. Parler une langue qu’ils comprennent, et non comme un manuel de médecine. Vous devez nous demander comment on se sent vraiment, et non comment va notre cancer. Comment on se sent. Parce qu’on a vraiment la trouille. Et quand on vous dit ça, ne pensez même pas à laisser transparaître la peur dans votre regard, comme la moitié d’entre vous maintenant. Passez du temps avec nous. Un peu plus de deux minutes, c’est tout. Souvenez-vous de notre prénom. Oh… et quand ça ne va pas, quand ça ne va vraiment pas, tenez notre main et ne la lâchez pas. Il y a une chance que vous soyez la dernière personne que l’on voit sur cette terre. Si ça vous fait peur, alors peut-être que vous ne devriez pas être médecin oncologue. »
C’est vraiment très fort. Et, quand j’ai regardé ce segment, j’ai pleuré. Je l’avais déjà vu, quand la série est sortie en 2010, mais je l’avais oubliée et, soyons honnêtes, c’était dix ans avant de recevoir mon diagnostic; alors, l’idée d’avoir un cancer et de vouloir ce genre de relation entre le médecin et son patient ne m’avait même pas effleuré l’esprit. La vie nous réserve bien des surprises…
Une fois avec mon diagnostic, cependant, je n’ai pas vraiment reçu l’attention recommandée par Cathy… Bien au contraire. La relation que j’ai eue avec mon médecin était stérile. Le chirurgien, qui est en fait un homme très amical, n’aurait pas pu avoir l’air plus blasé que lorsqu’il a regardé les résultats de ma biopsie et m’a annoncé que j’avais un cancer. Il a prononcé ses paroles avec la même désinvolture que s’il m’avait annoncé qu’il était allé manger un sandwich à la cafétéria. Mon oncologue était un peu plus détachée quand elle a énuméré une par une mes options de chimiothérapie et de radiothérapie, un peu comme une liste d’épicerie dans laquelle « j’avais la chance de choisir » les articles. Pendant mes traitements quotidiens de radiothérapie, mes rendez-vous hebdomadaires avec le radiologue duraient aussi longtemps qu’un claquement de doigts. Quant à mes préoccupations concernant ma peau brûlée, les nausées incessantes, mon cerveau embrumé et l’épuisement débilitant… Hé bien, généralement, un des membres de mon équipe oncologique se limitait à acquiescer d’un hochement de la tête, peut-être en me remettant un dépliant ou deux et en me suggérant de manger des biscuits salés, de dormir un peu plus ou de sucer des pastilles au gingembre.
Une partie de moi comprend cette attitude. Nous sommes trop nombreux pour que chaque médecin passe plus de cinq minutes, de manière superficielle, avec chacun de nous chaque semaine. Le flot incessant de personnes dans les salles d’attente, où il n’y a même pas assez de place pour s’asseoir, est la preuve des 30 500 femmes canadiennes qui, selon la Société canadienne du cancer, ont reçu un diagnostic de cancer du sein en 2024. Et ça, ce n’est que pour les femmes qui viennent de recevoir leur diagnostic et non pas celles pour qui une chirurgie est prévue, ou celles qui suivent un traitement, ou les femmes qui, comme moi, sont en post-cancer, ont un risque élevé de récidive et se présentent pour leurs tests semestriels.
Cette attitude nonchalante n’est cependant pas de l’indifférence, c’est tout simplement la norme des médecins. Chaque jour, ils ont leur dose de scénarios optimistes et catastrophiques, et tout ce qui se trouve entre les deux; le cancer fait partie de leur réalité professionnelle. Ce n’est pas personnel et ce n’est pas eux ni leur meilleure amie, leur sœur, leur mère ou quelqu’un de leur cercle qui se retrouve nu jusqu’à la taille sous une blouse d’hôpital, allongé sur un morceau de papier froissé posé sur une table d’examen. C’est vous et c’est moi. Ce qui signifie que c’est à nous, à vous et à moi, de modifier la relation que nous entretenons avec notre médecin pour qu’elle ressemble plus à ce que « recommande Cathy », si c’est ce que l’on souhaite.
Je sais que c’est ce que je veux. Alors, je leur dis. Je dis à mes médecins exactement ce que je ressens et ce dont j’ai besoin, puis je leur demande de m’aider. Je suis polie quand je leur demande et j’ai des attentes réalistes. Je n’obtiens pas toujours tout ce que je demande; parfois lors de certaines visites, je ne reçois rien, mais au moins, je l’exprime. Et vous pouvez y arriver aussi.
Soyez prête pour vos rendez-vous; ayez une liste de questions, d’idées et de réflexions. Classez vos idées et commencez par les informations les plus importantes. De cette façon, si vous n’arrivez pas à tout passer en revue, vous ne paniquerez pas. Si vous êtes comme moi et que vous vous inquiétez du cerveau embrumé et des digressions, écrivez vos idées sous forme de points clés pour vous aider à stimuler votre mémoire. Indiquez vos problèmes de santé, comme la fièvre, les vomissements, la douleur et l’épuisement, avec les dates et la durée de chaque symptôme, car ce sont des informations précises que les médecins peuvent utiliser pour vous aider avec les médicaments, le traitement et d’autres choses. Soyez à l’heure. Comme ça, quand vous ferez face à votre équipe médicale, vous maximiserez chaque minute de leur attention qui a été allouée pour votre rendez-vous. Posez des questions, exprimez-vous, n’ayez pas peur de paraître étrange, stupide, ou même folle. Pleurez si vous en avez besoin, parlez de vos frustrations et de vos craintes et demandez aux médecins de parler en termes simples si vous ne comprenez pas ce qu’ils vous disent. Demandez des ressources supplémentaires, comme un accès à un psychothérapeute ou à un nutritionniste, et à participer à des programmes de soutien et à des ateliers gratuits, comme ceux que l’on trouve dans Belle et bien dans sa peau et Wellspring. Et souvenez-vous : la relation médecin-patient vous appartient à 50 % et elle va dans les deux sens; quand vous vous levez et que vous faites votre part, vous aurez l’impression de mieux contrôler votre diagnostic et votre traitement. Cela pourrait même changer la manière dont les médecins travaillent avec vous… et avec toutes les femmes qui vous suivront.
Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Living Luxe, Figure Skater Fitness et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec ses deux chatons, Murphy et Olive. Vous pouvez la suivre sur Instagram (@AdrianaErmter).