By continuing to use our site, you consent to the processing of cookies, user data (location information, type and version of the OS, the type and version of the browser, the type of device and the resolution of its screen, the source of where the user came from, from which site or for what advertisement, language OS and Browser, which pages are opened and to which buttons the user presses, ip-address) for the purpose of site functioning, retargeting and statistical surveys and reviews. If you do not want your data to be processed, please leave the site.

La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole

Êtes-vous capable de finir votre traitement de tamoxifène?

Par Adriana Ermter

Dans notre rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein.

J’ai échoué au tamoxifène. J’ai arrêté le traitement juste avant d’atteindre la moitié de la durée qui m’avait été prescrite — 5 ans. Au bout de 14 jours, cet antiœstrogène avait complètement détruit ma mémoire à court terme, puis il a commencé à me tourmenter quotidiennement avec sa propre version de 99 Problems de Jay-Z. Je suis tellement chanceuse, que j’ai vécu chacun de ces 99 problèmes!

Les médecins avaient vaguement mentionné un ou deux effets secondaires possibles en me remettant une brochure médicale, mais personne ne m’avait prévenue que le tamoxifène effacerait complètement la personne que j’étais, que je ne me reconnaîtrais plus devant un miroir et que je serais épuisée. Et pourtant, c’est ce qu’il s’est passé en un rien de temps.

Des vagues de fatigue m’envahissaient chaque jour, rendant la moquette si attrayante que j’aurais rampé sous mon bureau pour m’y coucher et dormir. Seule la présence de ma chef, dont le bureau se trouvait juste derrière moi, m’en empêchait. Mais, mon corps aurait vraiment apprécié. Mes articulations devenues toutes raides étaient si douloureuses que la rampe était devenue ma bouée de secours indispensable lorsque je montais et descendais des escaliers. Et puis, il y avait ces maux de tête, ces pulsions, qui m’aveuglaient de douleur, ces constantes nausées qui m’obligeaient à toujours avoir une boîte de biscuits Goldfish dans mon sac, comme s’il s’agissait de mon dernier repas — parfois ça l’était, et ces bouffées de chaleur toutes les heures qui enflammaient tout mon corps et me laissaient rougeoyante et trempée jusqu’aux os.

La nuit, les suées nocturnes me trempaient de la tête aux pieds interrompant tous mes rêves et me forçant à toujours avoir un pyjama et des draps de rechange, et des serviettes près de mon oreiller. En revanche, mon vagin s’apparentait au désert du Sahara! Le tamoxifène avait catapulté mes ovaires en ménopause et arrêté mes menstruations — seul bon point de ce médicament. Il avait étouffé ma libido et puis, alors que j’étais célibataire et que j’avais envie de faire des rencontres, j’avais pris 40 livres dans les trois premiers mois du traitement, ce qui avait anéanti mon estime de moi. Vous comprendrez donc pourquoi je n’ai pas pu finir mon traitement. Et je ne suis pas la seule.

Selon une étude faite en 2018 par l’Institut Gustave-Roussy, situé à Villejuif, en France, près d’une femme préménopausée sur cinq qui, comme moi, est traitée pour un cancer du sein de stade précoce (stades I à III) n’arrive pas à terminer son traitement de cinq ou dix ans de tamoxifène. Ne connaissant pas les 12 000 femmes qui ont participé à cette étude, je ne peux me prononcer sur les raisons pour lesquelles elles ont arrêté leur traitement. Mais, je ne serais pas étonnée qu’il s’agisse des mêmes raisons que les miennes : la qualité de vie.

L’effet cumulé des désagréments quotidiens et le stress émotionnel que génère la prise du médicament en lui-même peuvent amener à penser qu’il est impossible de pouvoir continuer le traitement jusqu’à son terme. Je ne me rappelais plus des noms des gens. Mes pensées étaient fugaces : elles survenaient, puis s’en allaient aussitôt. Comme je n’arrivais pas à me concentrer, mon travail, c’est-à-dire effectuer des recherches et écrire des articles, me prenait dix fois plus de temps. J’ai dû arrêter de lire, de voir mes amis, de regarder les informations et de faire de la marche. Plus rien ne m’intéressait, ce qui n’est pas évident pour quelqu’un de curieux comme moi qui a un million de questions et d’idées par minute. Je me sentais bête et inutile. Quand j’étais seule chez moi, l’anxiété et les pensées négatives prenaient le dessus. Je manquais d’initiative et de motivation pour faire les choses les plus élémentaires, comme me doucher, me brosser les dents et faire à manger. Il m’est d’ailleurs arrivé plusieurs fois de ne pas manger le soir. Tout ce que je voulais, c’était dormir. Mais, même ça, je n’y arrivais pas! Les effets secondaires du tamoxifène ne me laissaient aucun répit.

Je suis peut-être une dégonflée pour n’avoir pas persévéré, mais je ne regrette pas ma décision d’arrêter ce traitement, car j’ai pu récupérer ma vie. Récemment, j’ai passé la barre des cinq ans de rémission et, si je n’avais pas arrêté le traitement, je serais toujours en train de prendre cette petite pilule blanche et j’en aurais encore pour six mois. Bien que ma mémoire se soit améliorée, je n’ai pas retrouvé toutes mes facultés dans ce domaine, ce qui me dérange. Mais, j’ai retrouvé mon énergie et je m’active! Je peux lire un livre sans avoir à relire la même phrase plusieurs fois. J’ai des objectifs et j’ai fait des rétroplannings pour pouvoir les atteindre. Je me sens bien. Je sais que je ne redeviendrai jamais la personne que j’étais avant le cancer et j’ai toujours des kilos dus au tamoxifène à perdre, mais je contrôle de nouveau ma vie.

Tout le monde ne peut pas faire le même choix que moi. Ce n’est certainement pas recommandé par les médecins et, si vous pouvez continuer le traitement, faites-le. J’ai pris un énorme risque en arrêtant le mien, mais je ne l’ai pas fait sur un coup de tête ni en cachette. J’ai d’abord rapporté à mes médecins tous les effets secondaires handicapants [EG1] que je vivais. Sur leurs conseils, j’ai attendu que les trois premiers passent afin de « voir » si ces effets disparaîtraient. Au bout des trois mois, comme ils étaient toujours là, on m’a prescrit différentes posologies du médicament; on m’a prescrit des médicaments complémentaires et j’ai pris des compléments naturels pour me redonner de l’énergie, améliorer ma mémoire, réduire mon anxiété et bloquer mes glandes sudoripares. J’ai pris des mélanges de Tylenol et d’Advil, fait des bains au sel d’Epsom, appliqué des compresses froides sur mon front et ma poitrine, bu du thé à la menthe et sucé des pastilles au gingembre. Rien n’y a fait.

Je n’avais pas d’autre choix que d’arrêter le tamoxifène. J’ai pesé le pour et le contre en évaluant soigneusement ce qui pourrait se passer si je continuais le traitement et si je l’arrêtais. Je ne peux pas dire avec certitude que j’ai fait le bon choix, car je ne sais pas ce que l’avenir me réserve. Je sais qu’en arrêtant le traitement avant la fin, il se peut que je coure un plus grand risque d’avoir de nouveau un cancer, de développer des métastases ou, même, de mourir. Ce n’est pas un choix que j’ai fait à la légère et, parfois, je me demande si tout va bien aller pour moi. Mais, l’inconnu fait partie de la maladie. Par exemple, je ne savais pas que j’allais trouver une grosseur sous mon aisselle droite alors que j’étais en déplacement en Jordanie. Je ne savais pas non plus que j’aurais un cancer du sein et que je serais l’une de ces femmes sur huit qui sont atteintes d’un cancer du sein. Et pourtant, c’est le cas. Je ne sais pas non plus ce que l’avenir me réserve et je n’ai aucun moyen de le contrôler. En revanche, je sais qu’en arrêtant le tamoxifène, j’ai pu me réapproprier ma vie. Et rien que pour ça, ça en a valu la peine.

Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Living Luxe, Figure Skater Fitness et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec ses deux chatons, Murphy et Olive. Vous pouvez la suivre sur Instagram (@AdrianaErmter).

The views and experiences expressed through personal stories on Our Voices Blog are those of the authors and their lived experiences. They do not necessarily reflect the position of the Canadian Breast Cancer Network. The information provided has not been medically reviewed and is not intended to be a substitute for professional medical advice. Always seek the guidance of your healthcare team when considering your treatment plans and goals.