Dans notre rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein.
Par Adriana Ermter
Ça vous dit quelque chose?
Au début : Se lever, trouver une grosseur, se sentir désemparée, paniquer intérieurement, aller voir son médecin, aller voir un spécialiste, faire une mammographie, aller voir un oncologue, faire une échographie, faire une IRM, faire une biopsie, refaire le tout plusieurs fois, apprendre qu’on a un cancer du sein, être en état de choc, rentrer chez soi, faire un plan, se mettre au lit et ne pas réussir à dormir.
1er stade : Se lever, se laver avec un savon spécial, remonter la fermeture éclair de son coton ouaté, ne pas mettre de sous-vêtements, remonter son pantalon mou, serrer sa personne-soutien dans ses bras, aller à l’hôpital, mettre une blouse chirurgicale, faire une prière, passer sur la table d’opération, se réveiller, se faire ramener chez soi, prendre des antidouleurs, se glisser lentement et doucement dans son lit et dormir de façon intermittente.
2e stade : Se lever, déjeuner, s’allonger sur le canapé, attendre l’appel de son oncologue avec les résultats du test Oncotype DX, naviguer sur Netflix, faire une sieste, se réveiller, manger de la soupe, parler à sa personne-soutien, faire une autre sieste, souper, se brosser les dents, prendre des antidouleurs, commencer à écouter La Loi et l’Ordre : Crimes sexuels et s’endormir 15 minutes après le début, laisser sa personne-soutien nous mettre au lit et faire des rêves bizarres.
3e stade : Se lever, préparer et emballer son déjeuner et son dîner, aller au bureau, manger un œuf dur, ramasser sa sacoche, aller à l’hôpital, avoir sa séance de radiothérapie ou de chimiothérapie, retourner au bureau, essayer de manger son dîner, essayer de rester alerte, essayer de ne pas vomir, rentrer à la maison, prendre deux Tylenol, essayer de se souvenir de se changer avant de se mettre au lit et dormir comme une souche.
4e stade : Se lever, avoir soif, boire trois verres d’eau, prendre un comprimé de Tamoxifen, aller au travail, avoir des bouffées de chaleur toutes les heures, boire encore plus d’eau, aller aux toilettes toutes les 45 minutes, manger des biscuits salés Goldfish pour dîner, essayer de ne pas s’endormir, rentrer chez soi, prendre un deuxième comprimé de Tamoxifen, souper, aller au lit, se réveiller dans une mare de sueur, changer de draps et de pyjama, retourner au lit, se rendormir, se réveiller dans une mare de sueur, etc. trois ou quatre fois encore.
Aujourd’hui : Se lever, avaler une tasse de café suivie de trois verres d’eau, mettre de la crème sur les rides que l’on n’avait pas en allant se coucher la veille, se regarder dans le miroir, prendre une grande respiration, se sentir reconnaissante d’être là et essayer de rester calme et forte. Se dire qu’on peut y arriver, car oui, vous le pouvez.
Voici-là les premiers stades de la vie d’une personne atteinte d’un cancer du sein. Bien que présentés sous forme de listes et de courts paragraphes, ils n’en restent pas moins réels et vrais. Du moins, c’est comme cela que je les ai vécus.
Que vous soyez au début, au 3e stade ou à aujourd’hui, c’est du pareil au même
Après mon diagnostic, j’étais en mode survie. J’essayais d’absorber autant d’informations que possible sur le cancer du sein, de prendre les meilleures décisions pour moi-même et de rester en bonne santé et en vie. Maintenant que cela fait près de deux ans que je suis en rémission, je me concentre davantage sur ma santé mentale. Cette période ainsi que la période précédente ne sont pas faciles, mais elles restent gérables si on définit ses priorités avec réalisme et si on simplifie ce que l’on veut accomplir chaque jour, comme par exemple gérer ses rendez-vous médicaux en pleine pandémie.
Même si mon centre d’attention change continuellement, mon objectif à long terme, qui est d’être et de rester en excellente santé, reste toujours le même. Pour y parvenir, je dois, tous les jours, construire et alimenter ma foi en moi et en mon corps. Ce n’est pas toujours facile, alors je m’aide d’outils motivants et inspirants pour continuer à avancer.
Non, je ne mets pas de pantalon de yoga et je ne me cache pas dans une pièce spéciale où je fais de la méditation, les jambes croisées et dans le silence total pendant une demi-heure. Ce n’est pas mon style et en plus je vis dans un appartement de 700 m2, où il n’y a qu’une seule porte — celle de la salle de bain — et où il y a deux chats chatons très curieux qui soit jouent, dorment ou ronronne sur moi — j’adore! Malgré cela, je m’astreins à une certaine routine quant à mon bien-être, mes exercices de psychothérapie, mon alimentation et mon activité physique — de longues marches. Je n’oublie pas non plus de puiser dans des ressources faciles d’accès (Instagram, livres, musique) et vous devriez en faire autant. Laissez-moi vous expliquer ce que ces ressources m’apportent.
Instagram
En particulier les comptes @theedora et @merlinragdoll. Oui, ce sont des comptes qui montrent des photos de vaches et d’un chat, et non je n’ai pas perdu la tête! Pas plus que les 419 000 personnes qui suivent ces deux comptes. J’adore les animaux, leur espièglerie et leurs expressions. En plus, j’adore les messages — très drôles — qui accompagnent les publications, qui sont amusantes et légères, rafraîchissantes et remplies de vie. Regarder ces publications pendant cinq minutes chaque jour me fait sourire et, quelque part, me donne l’impression que la vie est de nouveau simple.
Conseil : On n’a pas besoin de publier de photos sur Instagram pour l’utiliser. Il suffit de créer un compte — le mien est @adrianaermter, de taper sur la loupe qui se trouve en bas de l’écran et de parcourir les photos jusqu’à ce que l’on en trouve qui nous intéresse. Mis à part les vaches et les chats, je suis aussi intéressée par les voyages, la décoration d’intérieur et l’architecture.
Livres
Du moment où j’ai reçu mon diagnostic à environ un an après le début de mon traitement au Tamoxifen, j’avais beaucoup de difficulté à me concentrer. Je n’arrivais pas à lire : j’avais la mémoire trop fuyante pour retenir les mots d’une page à l’autre. Les douleurs, la somnolence, le travail, les traitements et les rendez-vous médicaux m’avaient déjà forcée à faire une croix sur tellement de choses que je refusais qu’il en soit ainsi pour les livres. J’ai donc continué. Mais à cause du fait que je ne pouvais plus lire un livre par semaine, je suis devenue très sélective et j’ai commencé à ne choisir que des histoires de femmes réelles qui, contre toute attente, avaient relevé d’énormes défis, comme les luttes pour la liberté de religion, contre le génocide ou contre un cancer en phase terminale. Des livres comme ceux-ci m’ont beaucoup inspirée : Rescapée de la scientologie de Jenna Miscavige Hills, The Light of Days: The Untold Story of Women Resistance Fighters in Hitler’s Ghettos de Judy Batalion, et Between Two Kingdoms: A Memoir of Life Interrupted de Suleika Jaouad. Ces histoires m’ont revigorée et m’ont donné envie de me battre et de voir la lumière au fond du tunnel.
Conseils : La plupart des bibliothèques municipales travaillent avec applications gratuites, comme Libby ou OverDrive, qui vous permettent d’emprunter des livres électroniques et audio. Si vous avez du mal à vous concentrer ou même à lire, je vous conseille d’essayer les livres audio : il suffit d’appuyer sur « lecture », de fermer les yeux et de laisser son moral s’élever.
Musique
J’ai mis du temps à me faire des listes de lecture. Mais quand je me suis rendu compte à quel point c’était réjouissant d’organiser mes chansons et mes albums favoris en listes, je les ai complètement adoptées! On peut dire que mes listes Relaxation, Instrumentale et Latine ont bien tourné lors de mes trajets quotidiens entre la maison, le bureau et l’hôpital, et lorsque j’étais couchée sur mon canapé, trop fatiguée pour faire quoi que ce soit si ce n’est rester immobile et laisser mon esprit s’évader. Aujourd’hui encore, j’ai recours à ces listes pour m’aider avec certaines émotions. Lorsque je n’arrive pas à dormir le soir à cause de la douleur ou que je grelotte tout en transpirant, la bande originale du film Les Ailes pourpres : Le Mystère des flamants, de The Cinematic Orchestra & The London Metropolitan Orchestra, me permet de me relaxer et d’apaiser mon corps. Quand je me sens vulnérable et que j’ai besoin d’un petit encouragement, je joue un morceau de l’album Every Kingdom, de Ben Howard. Et quand j’ai besoin de me sentir en vie et invincible, j’active la lecture aléatoire de ma liste Latine, pour écouter des chansons d’Elvis Crespo, de Grupo Extra et de Daddy Yankee, ce qui me donne toujours envie de danser — même si je ne le fais que dans ma tête.
Conseil : Si, comme moi, vous êtes de la vieille école et que vous avez toujours un abonnement à Bell, Telus ou Rogers, vous avez sûrement accès à des chaînes musicales sur votre téléviseur : musique classique, pop ou latine. Sinon, vous pouvez aussi utiliser les applications Google Play Music, Spotify, YouTube Red ou Amazon Music, qui proposent des listes de lecture toutes faites, gratuites et payantes.
Quel que soit ce que vous choisissez de faire, sachez que ces simples activités peuvent avoir un impact extraordinaire sur le cœur, le mental et l’estime de soi.
Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Figure Skater Fitness et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec ses deux chatons, Murphy et Olive. Vous pouvez la suivre sur Instagram (@AdrianaErmter).