Par Sherri Pierman
J’aimerais raconter mon expérience avec le cancer du sein dans l’espoir que cela puisse aider quelqu’un aux prises avec la maladie et que cela l’aide à ne pas se sentir seul(e), et aussi pour m’aider moi à aller de l’avant. J’ai bien sûr connu des moments difficiles : des moments où je me sentais seule, des moments où j’essayais de contenir mes émotions, des moments où je ne voulais pas en parler et des moments où je devais être forte alors que je pleurais à l’intérieur. Malgré le soutien des amis et de la famille, on garde toujours ce sentiment que personne ne comprend ce que l’on vit ou que la vie continue pour les gens autour de nous, alors que la nôtre est en suspens.
En septembre 2022, à l’âge de 45 ans, j’ai appris que j’avais un cancer du sein à récepteurs d’œstrogènes positifs (ER+). Jusque-là, je menais une existence bien remplie. J’étais une mère et une épouse, et cela faisait 17 ans que je travaillais dans une aciérie. Depuis mon diagnostic, ma vie n’est plus la même et j’essaie toujours de m’habituer à ma « nouvelle réalité », qui est désormais rythmée par de bons et de mauvais jours.
Mon histoire avec le cancer commence le jour où j’ai constaté qu’un liquide s’écoulait de mon sein droit. Sur le moment, j’ai mis ça sur le compte d’un déséquilibre hormonal et je n’y ai plus pensé jusqu’à ce que je constate, six mois plus tard, que l’écoulement était toujours présent et que mon sein me démangeait. J’avais également constaté que j’étais de plus en plus fatiguée chaque jour. Je dormais beaucoup et il me fallait faire une sieste si je voulais passer la journée. Je me suis donc dit qu’il valait mieux que je prenne rendez-vous avec mon médecin afin de savoir ce qu’il m’arrivait.
Mon médecin m’a immédiatement pris rendez-vous pour faire une mammographie et des analyses de sang. Pendant la mammographie, j’ai senti que quelque chose n’allait pas, parce que le radiologue a voulu prendre des radios supplémentaires de mon sein droit sous différents angles. Ensuite, on m’a transférée dans la salle d’échographie pour qu’on me fasse une microbiopsie. C’est à ce moment-là que j’ai été certaine que quelque chose n’allait pas et que mon cœur s’est arrêté de battre! J’ai essayé de me persuader qu’il s’agissait d’un kyste, mais au plus profond de moi, je savais que c’était un cancer. Je connais mon corps et c’est ce que je ressentais à ce moment-là.
La semaine qui a suivi a été de la pure torture : en attente des résultats de la biopsie, je ne pouvais m’empêcher d’imaginer le pire! Je n’arrivais pas à penser à autre chose, je n’arrivais pas à dormir et j’étais dans un état de confusion permanente! Je vivais un mélange de dépression, d’anxiété et d’inconnue. Et puis, les résultats sont arrivés et mes craintes se sont concrétisées.
J’avais un carcinome canalaire invasif. Sur le coup, je n’ai pas pleuré. Je n’y arrivais pas! Je ne sais pas si c’était parce que j’étais en état de choc ou si c’est parce que j’essayais d’être forte et que je ne voulais pas m’effondrer devant mon médecin. Toutes sortes de pensées me sont venues à l’esprit : Pourquoi moi? Quel stade? Allais-je mourir? Allait-on m’enlever mes seins? Le cancer s’était-il propagé?
Ce jour-là, ma vie a changé et j’ai commencé à la voir différemment. Il y a des aspects positifs et des aspects négatifs. Au cours des deux semaines qui ont suivi, tout s’est passé tellement vite que je ne savais plus où donner de la tête. Analyses, aiguilles, procédures, rendez-vous… J’ai cru que ça n’allait jamais s’arrêter. Je n’en pouvais plus qu’on me tâte et qu’on m’examine. À la fin de ces deux semaines, on m’a fait une tumorectomie pour retirer la tumeur et quatre ganglions lymphatiques de mon aisselle. J’étais vraiment soulagée que l’opération ait eu lieu, car je pouvais enfin être seule, me reposer dans mon lit et prendre le temps de digérer tout ce qu’il s’était passé.
Deux mois après mon opération, les rendez-vous ont repris, car on devait me faire des marquages en vue de la radiothérapie. On m’a tatoué quatre petits points bleus afin de pouvoir bien m’aligner avec la machine et s’assurer que ce soit exactement la même zone qui soit traitée à chaque séance. J’ai fait 21 séances de radiothérapie. À la fin, mes seins étaient tout rouges et boursouflés, et mon corps était exténué. La clinique d’oncologie commençait à ressembler à ma seconde maison!
J’adorais entendre les autres personnes sonner la cloche pour célébrer la fin de leur traitement. Chaque jour, je regardais la cloche en sachant qu’un jour, ce serait à moi de la faire sonner. Lorsque ce jour est enfin arrivé, je souriais tellement fort que ma vue était obstruée par les joues! J’étais contente d’avoir fini la radiothérapie et de reprendre ma vie.
Enfin, c’est ce que je croyais. Une fois par mois, pendant les 12 mois qui ont suivi, on m’a posé un implant (Zoladex) dans l’estomac pour empêcher mes ovaires de produire des œstrogènes et de nourrir les éventuelles cellules cancéreuses restées dans mon organisme. Le premier implant a été le pire, car cela m’a immédiatement mise en ménopause! Bouffées de chaleur, douleurs osseuses, douleurs musculaires, pieds endoloris… Je m’asseyais sur le canapé et je pleurais, parce que je ne me sentais plus moi-même et que tout mon corps me faisait horriblement mal. Au bout de 12 mois — et de 12 implants, on m’a finalement enlevé les ovaires pour que je puisse arrêter ce traitement. Cela a été la meilleure décision que j’ai jamais prise!
J’ai également décidé de ne pas prendre un traitement médicamenteux d’une durée de cinq ans dont l’objectif était de réduire le risque de récidive à cause des effets secondaires et pour raisons personnelles. Au final, il s’agit de « votre corps et de votre vie », et vous devez vous sentir en accord avec les décisions que vous prenez.
Une nouvelle réalité, mais sans cancer! Cela fait maintenant un an et demi qu’on m’a diagnostiqué un cancer du sein. Je ne me fais toujours pas à ma nouvelle réalité. J’ai de bons et de mauvais jours. J’essaie de continuer ma vie et j’espère avoir laissé ce chapitre derrière moi. Mon corps n’est toujours pas prêt à faire tout un tas de choses que j’avais l’habitude de faire, mais je vais y arriver. Lentement mais sûrement. Certains jours, je dois vraiment me motiver. Je sais qu’un jour, je redeviendrai la personne que j’étais avant, il faut juste que je sois patiente. La patience et la force sont indispensables si l’on veut s’en sortir.