Par Suzanne Paintin
Le 4 janvier 2010, je me métamorphosai en mouche posée sur le mur du bureau de mon chirurgien. Je le rencontrais pour recevoir les résultats de ma biopsie. Nous croyions qu’il s’agirait d’un rendez-vous rapide puisque le test préliminaire des fluides avant la biopsie n’avait révélé aucune trace de cancer. Je me rappelle entendre le médecin me dire : « Malheureusement c’était cancéreux… » J’eus l’impression de vivre une expérience extracorporelle. Je nous observais de haut, mon médecin et moi. Mon monde changea soudainement, physiquement et mentalement.
Mon parcours débuta avec une intervention chirurgicale en mars 2010. J’entrepris ensuite une chimiothérapie le 1er avril, et ce n’était pas un poisson d’avril.
Mon premier bain s’avéra difficile psychologiquement et physiquement. Je pouvais à peine bouger. J’étais couverte d’ecchymoses et d’agrafes (des points de suture) en plus d’être enflée à cause de l’opération. Je me sentais comme si j’avais perdu le contrôle de tâches simples. Heureusement, mon mari était là pour m’aider à me laver, à entrer dans la baignoire et à en sortir. Nous devions nous assurer que les zones opérées demeuraient sèches.
Après avoir passé deux semaines alitée et malade, je retrouvai suffisamment d’énergie pour quitter l’étage supérieur de notre maison afin d’aller me promener dehors. Or, je fus incapable d’ouvrir la porte d’entrée. Cette situation me bouleversa et j’éclatai en sanglots. Mon mari ouvrit rapidement la porte pour moi et souligna sur une note positive que je m’aventurais dehors. Cette fameuse marche dura presque 30 minutes et me mena deux maisons plus loin. Me retrouver à l’extérieur s’avéra agréable même si les effets secondaires des médicaments me rendaient très sensible à la lumière, au bruit et aux odeurs.
Lors d’une de mes pires journées, je ressentais tellement de douleur et d’angoisse que je crus que Dieu m’avait abandonnée. Quelques jours plus tard, je réalisai que Dieu ne m’avait pas du tout délaissée. Il me permit de traverser les jours les plus difficiles de ma vie. C’était comme mon poème préféré, « Footprints in the Sand ».
J’entrepris des traitements de radiothérapie en août 2010 après six cycles de chimiothérapie. En décembre 2010, je reçus un diagnostic que je considère comme le trophée de mon cancer : celui de lymphœdème. Mon sein et mon bras commencèrent à enfler et à me sembler lourds. Ma nouvelle normalité venait encore de changer.
Je m’estime chanceuse. On m’envoya consulter une massothérapeute fantastique formée en drainage lymphatique manuel. Elle m’enseigna des exercices de drainage lymphatique à effectuer quotidiennement. Je continue d’aller la voir une fois par mois pour m’aider à garder le contrôle de mon lymphœdème. Je porte un manchon de compression le jour et un vêtement de compression la nuit.
Les gens me demandent ce que c’est de vivre avec un lymphœdème. Ça change une vie, mais ça ne m’arrête pas. Je fais les choses différemment. Si je me sens incapable de passer l’aspirateur partout dans la maison en une journée, j’étale cette tâche sur deux ou trois jours. J’ai appris à écouter mon corps. C’est acceptable de ne pas tout accomplir le même jour, de s’accorder une pause, de relaxer et de regarder la télévision.
J’ai également fait partie d’une équipe de bateau-dragon formidable, Chemo Savvy, composée de femmes dévouées qui ont survécu à un cancer du sein. Environ le tiers d’entre elles souffrent d’un lymphœdème. Le bateau-dragon s’avère un excellent exercice pour mon bras. Mes coéquipières m’ont enseigné à ne jamais lâcher. Elles s’entraînent à sec durant l’hiver pour être prêtes à pagayer dès que la neige sera fondue. J’ai cependant dû quitter l’équipe, le temps d’apprendre à gérer mon vertige à l’aide de quelques exercices. Il y a quelques années, je suis tombée d’une échelle en peinturant dans la maison. Je prévois de réintégrer l’équipe d’ici un à deux ans, quand mes enfants seront un peu plus vieux et que j’aurai davantage de temps puisqu’il me reste des travaux de peinture extérieure à effectuer autour de la maison cette année.
J’appartiens également à un groupe de soutien consacré au lymphœdème. Nous nous rencontrons le troisième mardi de chaque mois. D’excellents conférenciers viennent discuter de nombreux sujets liés à la santé. Il s’agit d’un environnement sûr où nous pouvons partager nos réflexions et nos expériences en lien avec notre lymphœdème.
Chaque jour, quelque chose me rappelle mon lymphœdème. Il peut s’agir d’une douleur dans le bras, d’une aisselle endolorie, d’un côté de mon corps qui fait mal ou de toutes ces choses.
Pour me procurer des soutiens-gorges qui me conviennent davantage, c’est-à-dire ceux sans armatures avec des ailes plus larges offrant un bon soutien, je me rends désormais dans un magasin de lingerie à Selkirk au Manitoba.
Il y a un coût à tout. Je m’estime chanceuse. Le régime d’assurance en milieu de travail de mon mari rembourse 80 pour cent du prix des vêtements de compression. Mon dernier manchon m’a coûté 220 $. Il devrait durer environ trois mois si je le porte tous les jours.
J’ai appris quelque chose hier au Manitoba lymphedema symposium auquel j’assistais : on peut apprendre à accepter de vivre avec un lymphœdème, mais on n’est pas obligé d’aimer cela.
La plupart des journées sont merveilleuses. Je suis si reconnaissante d’être en vie malgré les moments frustrants ou les jours où j’éprouve plus de difficulté à m’adapter à ma nouvelle normalité imposée par le lymphœdème, le vertige, l’aponévrosite plantaire, etc. Grâce à l’amour et au soutien de ma famille et de mes amis reçus après la chimiothérapie, je crois que je peux tout surmonter. Chaque jour est une journée superbe pour être en vie, vivre, aimer, rire et sourire.