Par Karin
Cela faisait cinq ans environ que je ressentais des picotements dans l’un de mes seins. Ne voulant pas surcharger le système de santé, je ne suis pas le genre de personne à courir chez le médecin dès que j’ai un petit problème. J’ai toujours été sportive et active, et mon but a toujours été de mener une vie active. Je mangeais sainement, buvais rarement de l’alcool et maintenais un poids santé. Mon médecin me félicitait même pour mon hygiène de vie.
Mais la douleur empirait. Mon médecin m’assura qu’il n’y avait aucun signe de cancer sur la mammographie et l’échographie que j’avais faites. Je ne savais pas quoi dire, mais je savais que quelque chose n’allait pas. J’ai fini par demander à sa secrétaire de lui demander une lettre de recommandation pour aller voir un chirurgien qui pourrait enlever ce qui me causait des douleurs dans le sein. La lettre de recommandation indiquait comme motif « excision de confort ».
J’ai dû attendre deux mois pour voir un chirurgien. J’avais désormais une grosseur de 2 cm dans le sein et le mamelon était inverti. Le jour d’après, on m’a fait faire une biopsie et, une semaine plus tard, on m’a appris que j’avais un carcinome lobulaire infiltrant. Je n’étais pas surprise d’apprendre que j’avais un cancer du sein. Depuis l’âge de 20 ans, on me disait que j’avais des seins nodulaires et qu’il serait difficile de faire la différence entre un nodule bénin et un nodule malin.
Tout de suite après avoir reçu mon diagnostic, j’ai demandé que l’on me fasse une mastectomie. La mastectomie a eu lieu neuf semaines plus tard, après un nombre incalculable de radiographies en tout genre (une IRM, une mammographie, deux échographies, une biopsie par IRM d’un autre nodule). L’opération a montré que mon très petit sein de bonnet A renfermait une tumeur lobulaire continue de 71 x 58 x 33 mm. On m’a ensuite fait faire un test Oncotype, qui a donné un faible score de récidive, et j’ai pu commencer à prendre de l’Anastrazole, un inhibiteur de l’aromatase, avant de faire la radiothérapie.
Si j’ai dû attendre deux mois pour mon premier rendez-vous avec le chirurgien, c’est parce que mon médecin avait indiqué dans sa lettre de recommandation qu’il s’agissait d’une « excision de confort ». Et j’ai dû attendre deux mois de plus pour l’opération. Je ne sais pas pourquoi, d’autant que l’hôpital où l’on m’avait envoyée était reconnu pour ces excellentes échéances pour les opérations en lien avec le cancer du sein. J’aurais voulu que l’opération se fasse plus tôt, avant celle de mon mari, qui devait se faire opérer de la hanche. J’ai vu le chirurgien une seule fois, puis on a eu cinq courtes consultations téléphoniques par la suite. Ces consultations n’ayant pas répondu à mes attentes, j’ai imprimé et relié un PDF de 32 pages rédigé par l’hôpital Sunnybrook afin de savoir à quoi je devais m’attendre. Le service d’imagerie de cet hôpital, qui n’était pas un centre régional de cancérologie, était désorganisé. Le chirurgien et l’équipe d’imagerie diagnostique s’échangeaient les informations par téléphone, par l’entremise de la secrétaire du chirurgien, et les examens étaient planifiés un à la fois. Une fois, ils ont voulu me faire faire un autre type d’examen et s’attendaient à ce que je patiente là pendant trois heures, le temps qu’il me trouve une place. Ils me demandaient constamment de revenir pour faire d’autres examens. Les trois médecins que j’ai vus — le chirurgien, le radio-oncologue et l’oncologue médical — avaient toujours le même discours général concernant ce qui se passerait ensuite. Ils m’ont tous les trois parlé d’une chimiothérapie et d’un échéancier de 12 mois, alors que cela ne s’appliquent pas aux carcinomes lobulaires, mais plutôt aux carcinomes canalaires.
Le carcinome lobulaire a été une longue courbe d’apprentissage pour moi. J’ai fini par écouter des présentations faites lors du Cleveland Breast Cancer Summit de 2023, dont le thème portait sur le carcinome lobulaire, lors de l’International ILC Symposium, et lors d’autres événements de ce type. Environ deux semaines avant de recevoir les résultats de mon test Oncotype, je me suis rendu compte toute seule qu’étant donné la nature de mon cancer, « carcinome lobulaire infiltrant classique », je n’aurais probablement pas à faire de chimiothérapie. J’aurais largement préféré qu’un oncologue médical qui connaissait le carcinome lobulaire infiltrant m’explique cela après les résultats de ma biopsie. J’aurais ainsi pu avoir une meilleure idée des résultats potentiels des traitements administrés en cas de carcinome lobulaire infiltrant et j’aurais pu également savoir qu’il était fort probable que je n’ai pas besoin de chimiothérapie. Cela m’aurait évité quatre mois de stress inutiles ainsi qu’à mes proches.
Lors de ma conversation téléphonique avec le radio-oncologue, je lui ai demandé de m’expliquer comment la radiothérapie pourrait cibler avec précision la tumeur lobulaire qui s’était développée dans une seule lignée cellulaire sans détruire les cellules avoisinantes. Il s’est fâché et m’a demandé si je voulais avoir une seconde opinion. J’y ai réfléchi plus tard et, le lendemain, j’ai demandé à avoir une recommandation pour une consultation à l’hôpital Princess Margaret. Cette consultation a été fantastique : j’ai passé une heure avec quatre personnes qui avaient chacune lu mon dossier et qui connaissaient le carcinome lobulaire ainsi que les différentes conférences qui avaient récemment eu lieu sur le carcinome lobulaire. Et puis, ces personnes m’ont donné une information capitale : oui, la radiothérapie endommage les cellules cancéreuses et les cellules saines, mais les cellules saines sont capables de se réparer. Les salles d’attente étaient relaxantes, ce qui m’aidait à être moins stressée. Mais le mieux, c’est qu’ils avaient de nombreuses ressources en ligne sur divers sujet, comme les relations sexuelles, des informations destinées aux patients et des vidéos qui expliquaient la radiothérapie.
Je trouve cela difficile de me réveiller chaque matin et de sentir les agrafes chirurgicales sur mon côté gauche, sans compter cette sensation de congestion dans mon aisselle due à l’ablation des ganglions sentinelles. La plupart des gens trouvent que ma convalescence a été rapide, ce qui fait que je ne constate pas de différence majeure dans mes relations avec les gens. Je progresse bien en matière de forme physique. Le matin, avant de sortir de mon lit, je fais des exercices et des étirements avec mes mains et mes bras. Une fois debout, je continue de faire des exercices de mobilité avec mes bras, comme ceux indiqués dans la brochure sur la chirurgie mammaire de la Société canadienne du cancer. J’évite de rester assise trop longtemps, je bois beaucoup d’eau et je fais de la marche. Tous les 15 jours environ, je me fais faire un massage de drainage lymphatique, je fais de la physiothérapie pour mes cicatrices et des exercices d’amplitude de mouvement pour le bras où les ganglions sentinelles ont été enlevés. Même si, pour certains, les relations sexuelles ne sont pas importantes quand on a plus de 60 ans, mon mari et moi sommes contents d’avoir retrouvé de bonnes relations sexuelles.
Je ressens toujours de la colère quant à la façon dont j’ai été prise en charge — la façon dont la douleur dans mon sein a été ignorée et le fait que l’on ne m’ait pas envoyée dans un centre régional de cancérologie ou dans un centre spécialisé dans la santé des seins, c’est-à-dire là où le personnel aurait eu une meilleure connaissance de la présence d’un carcinome lobulaire en cas de forte densité mammaire. J’aimerais maintenant que quelqu’un m’explique en détail mon pronostic en termes de survie globale, mais j’ai peur de demander et de recevoir une réponse générique. Cela dit, il est important de défendre ses droits et ses intérêts en tant que patient. Familiarisez-vous avec vos seins. Les miens ont failli me tuer. Connaissez votre densité mammaire; si vos seins sont de type C ou D, renseignez-vous pour savoir ce que cela signifie et ce que vous devez faire. Le carcinome lobulaire ne se présente pas sous la forme d’une grosseur. Si vous sentez que quelque chose ne va pas, insistez pour faire les examens appropriés.