Par Christine McKay
J’étais sous le choc quand j’ai appris que j’avais un cancer du sein. Mes mammographies n’avaient jamais rien montré. Un jour, j’ai remarqué qu’un de mes mamelons était inverti. Je suis donc allée voir mon médecin, qui m’a recommandée d’urgence à une clinique du sein à Ottawa. Là, on m’a fait faire des analyses qui ont montré que j’avais un carcinome lobulaire à un stade avancé.
Le mois qui a suivi reste flou : j’ai fait beaucoup de tomodensitogrammes, j’ai rencontré un chirurgien, un radio-oncologue et un oncologue médical. Le jour de ma rencontre avec l’oncologue médical, je devais ressembler à un chevreuil aveuglé par les phares d’une voiture, parce qu’il m’a pris la main et m’a dit que j’allais m’en sortir. J’ai senti que j’étais entre de bonnes mains.
Je n’avais jamais entendu parler du carcinome lobulaire. Ça ne se présente pas sous la forme d’une grosseur, mais d’une zone de tissu dense. C’est donc difficile à détecter à l’autopalpation si on a les seins denses ou si le tissu mammaire présente des irrégularités.
Cela fait maintenant 10 ans, en janvier 2013, que j’ai reçu mon diagnostic. Bien que cela n’ait pas été de tout repos, les traitements ne m’ont pas laissé de séquelles majeures à long terme. En revanche, j’ai connu quatre récidives locales (cutanées) au niveau de la paroi de la cage thoracique depuis 2015, ce qui est inhabituel, même dans le cas des carcinomes lobulaires, qui sont connus pour former des métastases dans des endroits incongrus. À la fin des traitements, j’ai été mise sous tamoxifène, létrozole, exémestane et, maintenant, fulvestrant. À chaque récidive, j’ai dû faire une biopsie du tissu touché, passé d’autres tomodensitogrammes et changé de traitement systémique.
Aujourd’hui encore, 10 ans après, je n’ai pas récupéré mon énergie et je dois limiter mes activités. Si j’ai besoin d’un jour de repos, je me repose. Avec la pandémie, j’ai dû réduire mes activités sociales et récréatives. Ça me manque, même si mes amis et ma famille m’apportent beaucoup de soutien et d’amour.
Deux ans après avoir reçu mon diagnostic, mon unique sœur est morte d’un cancer du canal cholédoque, ce qui fut un choc. J’ai dû mettre fin à ma carrière, ce qui a entraîné des répercussions financières sur ma pension de retraite, qui aurait été plus importante si j’avais pu continuer à travailler. J’ai essayé de recommencer à travailler, mais j’ai dû me mettre en invalidité de longue durée (avantage heureusement offert par mon travail) au bout de moins d’un an. Je trouve ça injuste que quand on est atteinte d’un cancer métastatique, qu’il faille être vraiment malade pour bénéficier du crédit d’impôt pour personnes handicapées, parce qu’on doit faire face à beaucoup de dépenses lorsque l’on est atteinte d’un cancer, en particulier lorsqu’il se trouve à un stade avancé.
Je sais que je présente un risque élevé de récidive et qu’il y a de grandes chances que des métastases se forment dans des endroits incongrus, comme dans le tractus gastrique, les orbites oculaires, les leptoméninges (cerveau) ainsi que dans les endroits habituels où se développent les métastases des carcinomes canalaires, comme les poumons, le foie et les os. Ces métastases sont plus susceptibles de se former après 10 ans. Il n’y a pas grand-chose que je puisse faire pour me préparer à ça, alors j’essaie de ne pas trop y penser.
Je pense que le plus gros impact que j’ai sur les autres, c’est de parler ouvertement de mon carcinome lobulaire et des hauts et des bas dus aux traitements. Je défends les intérêts des patientes pour la recherche avec la Locular Breast Cancer Alliance (LBCA) et le Réseau canadien du cancer du sein (RCCS). Grâce à cela, j’ai été impliquée dans des projets intéressants comme la conception d’un sondage afin de déterminer les lacunes en matière de carcinomes lobulaires dans la population, j’ai défendu les droits des patientes pour deux demandes de subvention et j’ai participé au développement de l’outil ParcoursPatient du RCCS.
J’ai rencontré des femmes merveilleuses et j’en ai vu mourir d’autres d’un cancer du sein métastatique. J’ai appris qu’il est important de faire confiance à son corps et de persévérer pour se faire examiner et soigner, le cas échéant. Cela est tout particulièrement vrai lorsque l’on a un carcinome lobulaire, car il faut surveiller les sites où des métastases peuvent se développer.
Je ne connaissais rien du carcinome lobulaire et j’aimerais que la prévention sur le cancer du sein cesse de se focaliser sur la détection de masses ou de grosseurs dans les seins, et qu’elle s’étende aux autres symptômes, comme le font des organisations telles que Know Your Lemons. J’aimerais également qu’on cesse avec les messages roses tout mignons pendant le Mois de la sensibilisation au cancer du sein qui, à mon avis, ne reflètent pas la gravité du cancer du sein.
À l’avenir, en tant que défenseure des intérêts des personnes atteintes d’un cancer du sein, j’aimerais que plus de fonds soient accordés à des études portant sur la compréhension et le traitement des cancers du sein métastatiques et que plus d’études portent sur le carcinome lobulaire.
J’aimerais que les gouvernements provinciaux financent le séquençage de nouvelle génération pour les mutations génomiques afin que les patientes puissent bénéficier de traitements personnalisés et que l’on arrête de perdre du temps et de mettre en péril la santé des gens en leur administrant des traitements non adaptés. En attendant, il faudrait que les assurances privées commencent à le prendre en charge.
J’aimerais que les personnes atteintes d’un cancer métastatique bénéficient du crédit d’impôt fédéral pour personnes handicapées afin de réduire la charge financière et le stress associé des personnes concernées et de leur famille. Le seuil actuel pour pouvoir en bénéficier est trop élevé pour la plupart des personnes atteintes d’un cancer métastatique.
Enfin, j’aimerais que le point de vue des patientes et de leurs porte-parole soit pris en compte dans la recherche et l’élaboration des politiques. Il faudrait également qu’il y ait plus de diversité et d’équité au sein des défenseurs des intérêts des patients, et que l’on aide celles et ceux particulièrement marginalisés à obtenir de l’aide et à faire profiter la communauté de leur expérience.
Ressources anglophones
Groupe Facebook : Living with Lobular Breast Cancer in Canada
Twitter : @lobbccanada
Site Web : Lobular Breast Cancer Alliance