Par Adriana Ermter
Dans notre rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein.
Dire que le cancer du sein entraîne un bouleversement psychologique est un euphémisme! Aucune quantité de yoga, de psychothérapie et d’expérience de vie ne peut préparer à cette maladie. Quand on m’a annoncé le diagnostic, j’ai eu l’impression de tomber dans un gouffre sans fin duquel je n’avais aucun moyen de sortir. Ce diagnostic n’était pas quelque chose que je pouvais négocier ou surmonter avec de la détermination — deux choses pour lesquelles je suis plutôt bonne, en général. Le manque de contrôle et l’incapacité de changer quoi que ce soit à la situation m’ont alors frappée de plein fouet. Sans autre alternative ni même de marche à suivre, j’ai donc dû accepter que le cancer était devenu ma nouvelle réalité, ce qui m’a terrorisée et m’a ballotté entre dépression et anxiété.
J’aurais aimé pouvoir dire que ces deux états — dépressif et anxieux — ont été brefs, mais ça n’a pas été le cas. Ils allaient et venaient, sans rime ni raison, et tout ce que je pouvais faire c’était y faire face et les accepter. Je ressens encore de l’anxiété de temps en temps, mais je suis beaucoup plus capable de la gérer aujourd’hui. Je ne suis plus la personne que j’étais avant le cancer. Je suis devenu quelqu’un d’autre et je privilégie ma santé mentale d’une autre façon. Je me concentre désormais sur moi-même et sur ma paix intérieure. Et je m’y attelle tous les jours.
Peut-être est-ce ce que vous êtes en train de vivre? Peut-être passez-vous, vous aussi, par des phases difficiles dues à la dépression, un symptôme de stress post-traumatique (SSPT) ou de l’anxiété? J’aurais aimé pouvoir vous rassurer et vous dire qu’avec le temps, ces moments passeront, mais je ne peux pas et je ne veux pas. La force mentale est trop importante pour votre guérison pour ignorer ce que vous ressentez. En revanche, je peux vous parler de la composante émotionnelle du cancer et des émotions que vous pourriez ressentir, et vous expliquer comment les reconnaître et les comprendre afin de préserver votre bien-être psychologique. Pour moi, le savoir est synonyme de force, et ce, même quand nous nous sentons faible et fatigué(e) et que nous souffrons physiquement. C’est pourquoi je vous donne dans ce qui suit des pistes qui vous permettront de mieux discerner ce que vous vivez ainsi que des ressources qui fourniront le soutien dont vous avez besoin afin de retrouver votre force mentale et de vous retrouver vous-même.
Anxiété
L’anxiété peut se manifester sous diverses formes : inquiétude constante, nervosité, crise d’angoisse, etc. Elle peut être déclenchée par l’incertitude liée aux traitements, la peur de la récidive, ou encore les changements physiques découlant des opérations, de la chimiothérapie et de la radiothérapie. Mon anxiété pouvait parfois être si intense que j’avais l’impression de ne plus pouvoir respirer. Ça pouvait m’arriver n’importe où, au travail ou dans le métro. Des sueurs froides inondaient subitement tout mon corps, me laissant trempée et frissonnante avec une impression d’étouffer. Les gens assis à côté de moi me regardaient avec de grands yeux, puis s’éloignaient rapidement de moi. C’était vraiment embarrassant.
Une amie à moi qui fait du yoga m’a suggéré de faire de la respiration profonde. Je me rappelle avoir voulu l’étrangler quand elle m’a dit ça! Et puis, un jour, alors que j’étais couchée sur mon lit en pleine crise d’angoisse, je me suis rappelé ce qu’elle m’avait dit. J’ai essayé et ça a marché. Depuis je me suis beaucoup exercée à cette technique et j’arrive maintenant à me calmer en inspirant et en expirant lentement. Ça prend environ une minute, mais ça marche. Vous pouvez aussi consulter le site de l’Association canadienne pour la santé mentale qui propose du soutien et des stratégies pour la gestion de l’anxiété.
Symptôme de stress post-traumatique (SSPT)
Un cancer du sein, c’est stressant. Il est donc normal que les personnes qui le vivent et qui doivent gérer l’annonce du diagnostic, une ou plusieurs opérations chirurgicales et des traitements chimiques ou radiothérapiques développent un SSPT. Les symptômes les plus communs sont les flash-back, les cauchemars et les réactions émotionnelles intenses, comme fondre en larmes et avoir des accès de colère ou de rage. Ces symptômes peuvent être déclenchés par un souvenir, un environnement ou une situation. Ils peuvent survenir sur le moment ou des jours, voire des semaines, plus tard. Chaque personne vit le SSPT différemment et la majorité des gens ne souhaitent pas en parler de peur de revivre l’expérience traumatisante. Cela peut donc sembler plus facile, ou même plus sécuritaire, d’enfouir ces émotions terrifiantes et désagréables au plus profond de soi ou de les compartimenter.
Or, en parler aide beaucoup. Je ne dis pas d’en parler avec vos parents, vos amis ou vos collègues, mais avec un(e) psychothérapeute. J’ai moi-même fait un léger SSPT juste après mon opération, avant le début des traitements. Je faisais d’horribles cauchemars et pendant que je faisais ces cauchemars, je me réveillais, mais partiellement, ce qui fait que quand je me rendormais, les cauchemars reprenaient là où ils s’étaient arrêtés. Le fait d’en parler avec mon thérapeute a complètement changé la donne. Elle m’a aidée à comprendre ce que je ressentais et à gérer ces émotions en toute conscience. Ça m’a beaucoup aidée, car j’avais enfin l’impression que je faisais quelque chose de manière proactive pour moi et puis, mon sommeil s’est amélioré. Si vous n’avez pas encore de thérapeute, une personne en qui vous avez toute confiance, ces organismes vous aideront à en trouver un(e) en fonction de vos besoins : BetterHelp Online Therapy (site Web en anglais, mais peut aider à trouver un(e) thérapeute francophone) et l’Association canadienne du counseling et de psychothérapie.
Dépression
Tristesse permanente, perte d’intérêt, perte d’appétit, incapacité à dormir ou changement des habitudes de sommeil : tous ces signes, qui sont des symptômes communs du cancer du sein, peuvent aussi être les symptômes d’une dépression. Ils sont souvent dus au caractère angoissant de la maladie associé aux conséquences physiques des traitements. En y repensant, je suis maintenant persuadée que j’ai fait une dépression pendant mes traitements. J’étais exténuée, physiquement et mentalement, et j’essayais de prétendre que tout allait bien et que j’étais toujours la même personne. C’était tellement faux.
Je n’étais pas préparée aux vagues d’isolement et de désespoir qui allaient m’envahir, et ce, à n’importe quel moment. Comme je travaillais pendant les traitements, je ne récupérais pas comme il le fallait et mon médecin a insisté pour que je travaille moins et que je passe à trois jours par semaine. J’étais terrifiée à l’idée de devoir faire ça, car à l’époque, mon environnement de travail n’était pas des plus compréhensif. Au final, cet ajustement m’a été bien utile, et m’a permis de me rendre compte que j’étais mentalement épuisée et que je devais faire quelques changements afin de préserver ma santé mentale. En prenant du temps pour réfléchir et analyser mes pensées, je me suis sentie mieux. Les choses sont devenues plus claires et j’ai pu commencer à repenser ma vie, à regarder au-delà de la maladie et à imaginer mon avenir. Ce sont ces petites lueurs d’espoir dans mon avenir qui m’ont aidé à redevenir moi-même — Adriana qui adore son chat (ses deux chats, maintenant), qui fait pousser des piments sur son balcon l’été, qui rêve de vivre au Mexique et qui est incapable d’utiliser iCloud sans aide — ou tout autre plateforme technique ou gadget. Toutefois, la dépression est une maladie multifactorielle, qui requiert de l’aide. La Société pour les troubles de l’humeur du Canada est une très bonne ressource pour les personnes qui, comme moi, sont aux prises avec la dépression.
Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Living Luxe, Figure Skater Fitness et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec ses deux chatons, Murphy et Olive. Vous pouvez la suivre sur Instagram (@AdrianaErmter).