By continuing to use our site, you consent to the processing of cookies, user data (location information, type and version of the OS, the type and version of the browser, the type of device and the resolution of its screen, the source of where the user came from, from which site or for what advertisement, language OS and Browser, which pages are opened and to which buttons the user presses, ip-address) for the purpose of site functioning, retargeting and statistical surveys and reviews. If you do not want your data to be processed, please leave the site.

La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole

Demeurer maître de son dossier médical, garder espoir et persévérer

Par Elyse Normandin

Je suis une femme de 43 ans, maman de deux enfants incroyables, en amour depuis 20 ans avec mon merveilleux Martin et professionnelle de recherche dans le domaine de la santé. J’étais, jusqu’en août 2018, considérée comme survivante d’un cancer du sein que j’avais traité du mieux possible, alors que mon garçon n’avait pas encore un an (en 2012), par des traitements de chimiothérapie, de radiothérapie et d’hormonothérapie, par une mastectomie et finalement une reconstruction mammaire.

En septembre 2018, une météorite effrayante s’abat sur ma famille et sur moi. En l’espace d’un moment, je passe de patiente en rémission à condamnée à une morte trop prochaine. Mes enfants n’ont alors que 7 et 9 ans. Mon nouveau diagnostic est sans appel : cancer du sein métastatique (stade 4) avec métastases au dos, au bassin et aux poumons. Cette récidive complètement inattendue est vécue comme un abominable drame d’une injustice incompréhensible pour la maman que je suis.


Lors de l’épreuve de 2012, j’avais pris l’habitude d’informer ma famille et mes amis des différentes étapes que je vivais et de mon état (de façon honnête et aussi humoristique que possible) via un blog personnel. J’y relatais d’une part les petits accrocs organisationnels rencontrés et les étranges cheminements bureaucratiques empruntés et d’autre part, les fantastiques ressources qui se cachent dans notre grand réseau de santé et les merveilleuses personnes humaines qui j’y ai croisées. Mes écrits dénotaient déjà l’importance de prendre en main son propre dossier médical, de faire valoir ses choix et ses droits, de se tenir le plus informée possible, de poser autant de questions qu’il est nécessaire pour se sentir rassurée et de garder toujours espoir. Lors de l’annonce de ma récidive en septembre 2018, je n’ai pas trouvé l’énergie de reprendre mon blog. J’aurais voulu continuer à écrire, mais je n’en avais plus ni l’énergie ni la capacité. En plus de l’épouvantable diagnostic qui me menait prématurément vers la mort, j’ai dû faire face à une épreuve encore plus difficile que toutes celles vécues depuis 2012-2013.

De mars 2018 à septembre 2018, j’ai mal au dos, aux hanches et aux jambes, un mal subtil, qui ne cesse de croître de jour en jour pour finalement devenir totalement intolérable. Après avoir faire un scan, consulté deux ostéopathes, deux physiothérapeutes, trois médecins, un chiropraticien, une massothérapeute et une acuponctrice, je me présente aux urgences de mon hôpital de quartier en chaise roulante car je n’arrive plus à me tenir debout sans hurler de douleur. Un nouveau scan et huit heures plus tard, une jeune urgentologue bien organisée, Dre D, m’informe, sans grand détour et avec le support moral d’un épouvantail, que mon dos et mes hanches sont envahis par les métastases. TCHAKKK !

 Le lendemain, assise dans ma chaise roulante, je vois un oncologue, Dr Pearson, pour débuter l’analyse de mon dossier, et un orthopédiste, Dr A, pour évaluer l’état de mes jambes et mon dos. Verdict radical de ce dernier : « Vous avez de multiples petites fractures au bassin et à la colonne, ainsi qu’une fracture majeure à la hanche droite ». Entre deux soubresauts, j’ose lui demander ce qu’il peut faire pour m’aider. Sa réponse résonne encore dans ma tête : « Vous êtes mieux de vous habituer à votre chaise roulante car elle sera votre meilleure amie pour les jours qu’il vous reste à vivre. »  TCHAKKK ! Et pour éviter une seconde question et m’expliquer encore plus clairement la situation, il ajoute : « Les os rongés ainsi par les métastases ne se réparent pas par eux-mêmes. Il m’est impossible de vous opérer, car les os autour de votre hanche sont en trop mauvais état. Il aurait fallu venir plus tôt... » TCHAKKK ! TCHAKKK ! Et RETCHAKKK ! Je suis cassée. Triplement brisée en deux. Une faille dans mon corps, une autre dans mon cœur et une dans mon âme.

Mi-septembre 2018

Après les durs premiers jours de vie en chaise roulante, les douloureux regards de mes enfants paniqués, les premiers traitements de chimiothérapie et le partage insoutenable de ces mauvaises nouvelles avec mes proches, mon espoir remonte à la surface et me pousse à demander un nouveau rendez-vous avec ledit orthopédiste auquel j’ai par hasard été assignée. Il ne me reste que peu de jours à vivre, peut-être 900, peut-être 3000, mais peut-être 82. Aucun pronostic ne peut être émis. Mais j’aimerais tant pouvoir profiter de chacune de ces journées avec mes enfants comme la maman que j’ai toujours été. Je ne suis pas encore morte. Et je refuse qu’une partie de moi encore utile (mes jambes) meure avant le reste. Malgré ma petitesse et mon anonymat, je le supplie de réviser la situation et d’évaluer s’il ne peut pas y avoir une autre issue, s’il ne connaît pas un ou une collègue qui ferait des opérations spéciales, des tentatives hors-normes. Je suis prête à tout essayer. Je n’ai plus grand-chose à perdre de toute façon. Devant mon insistance, il réfléchit et me propose d’envoyer mes radios à une collègue doublement spécialisée en oncologie et en orthopédie à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, Dre Mottar. Ouf ! Enfin, je me sens écoutée. Deux jours plus tard, il m’appelle lui-même à la maison un soir pour m’informer que sa collègue ne peut, malgré ses grands savoirs, absolument rien faire pour moi. Il me rapporte textuellement ses mots : « Je ne peux pas faire de miracle ». Il y a des mots que l’on n’oublie jamais. Moi, je veux encore croire aux miracles.

Octobre 2018

Je poursuis mes traitements et j’apprends à vivre en chaise roulante dans ma maison non adaptée. Je n’ai plus le droit (ni l’envie) du mettre du poids sur ma jambe droite. Je suis totalement dépendante de mes proches aidants. Je ne peux ni m’habiller, ni me laver, ni me faire à manger seule. Mes enfants ne reconnaissent plus leur maman autrefois vive, présente et souriante.

Novembre 2018

On trouve enfin les bons médicaments pour calmer mes douleurs. Mon moral revient tranquillement, mais pas mon autonomie. J’ai travaillé plus de dix ans auprès des personnes handicapées physiquement. Je connais les dernières avancées incroyables réalisées dans le domaine, j’ai vu plusieurs personnes franchir des obstacles insurmontables dans des situations incroyables. J’ai encore quelques réserves d’espoir et je ne peux pas me résigner à penser qu’il n’est pas possible de remplacer quelques os par une prothèse, de coller, de bricoler quelque chose, d’au moins essayer. Je pars donc à la recherche d’autres spécialistes en oncologie et en orthopédie. J’en parle à tous les médecins que je croise : mon médecin de famille, mes cousins, mes amis… Je tombe enfin sur une piste. La Dre Stéfane Gaudry, spécialisée en gestion de la douleur, est sensible à ma situation. Elle me parle de deux de ses amis médecins qui tentent parfois des opérations spéciales, qui sont des cow-boys de la médecine, qui sortent du cadre habituel. Le premier pratique en Colombie-Britannique et l’autre au CHUM.

4 décembre 2019

Je rencontre un radiologiste-cow-boy au CHUM, Dr Tomas Moser. Avant même que je puisse lui raconter mon histoire et l’informer des refus déjà obtenus, il me dit tout calmement, sans hésiter, qu’il peut assurément m’opérer, que rien n’est impossible et qu’il doit discuter de mon cas avec ses collègues avant de me confirmer le type d’opération exacte. Mais que je retrouverai assurément l’usage de mes jambes (!!!). Si je le pouvais, je me mettrais à genou pour le remercier. Après tant de durs coups, je peine à croire que la solution à mon problème se trouvait tout près et tout simplement à quelques kilomètres de chez moi. Que j’aurais pu ne jamais rencontrer cet homme, ne jamais foncer, ne jamais garder espoir. Martin et moi sommes terriblement soulagés, mais nous refusons de festoyer officiellement avant d’avoir l’assurance qu’il ne s’agit pas d’une fausse bonne nouvelle. J’attends le cœur un peu plus léger un deuxième rendez-vous.

17 janvier 2019

Mon dossier est transféré à un Dr Nicholas Newman, orthopédiste reconnu et fervent défenseur de l’autonomie des personnes en situation d’handicap. Lorsque je rencontre cet homme souriant, vif, rassurant, généreux et d’un professionnalisme incroyable, je suis tout de suite en confiance. Un ange passe. Il m’annonce qu’il veut/peut/va m’opérer. (!) Que je pourrai assurément me tenir sur mes deux jambes. (!!) Que j’aurai probablement besoin d’une canne toute ma vie, mais que je marcherai. Que je pourrai me tenir debout pour cuisiner, pour brosser les cheveux de ma fille et peut-être même prendre mon garçon dans mes bras. (!!!) Je sens le miracle me chatouiller les pieds.

27 février 2019

Fraîchement opérée, après plus de six mois en chaise roulante, je me lève sur mes deux jambes solidement appuyée sur ma nouvelle hanche droite fixée par de nombreuses longues vis. Une vente chez Rona selon Dr Newman. ;) Le lendemain, je marche quelques pas dans ma chambre. Le surlendemain, je traverse le corridor ; puis, tout le département. Je marche à nouveau ; je vis mon petit miracle !

Novembre 2019

Après quelques mois de réadaptation, je marche pratiquement comme avant. J’ai remisé mon déambulateur et même ma canne récemment. J’ai recommencé à conduire ma voiture et à rouler à vélo. J’ai repris une portion de ma vie exactement où je l’avais déposée en septembre 2018. Je soigne tous les jours les nombreuses métastases qui me rongent, mais je vis, j’avance, je vole. Je sors, je bouge, je danse avec mes enfants. Et chaque jour, je me remercie intérieurement d’avoir gardé espoir, pris mon dossier en main, poussé des portes, eu le courage de poser des questions et la volonté de croire aux miracles. Je ne saurais oublier de mentionner que j’ai eu la chance d’avoir plein de petits anges autour de moi (pour faire rouler la maisonnée pendant que je tentais de remonter la pente), ce qui m’a laissé du temps pour voir à mon dossier médical. Et je ne cesse de penser aux nombreuses personnes qui n’ont pas cette chance, qui sont soit seules, soit trop épuisées par la maladie pour trouver les meilleurs alliés pour les accompagner dans les dédales du réseau de la santé. Je les invite ainsi que leurs proches aidants à garder espoir, à rester maîtres de leur dossier médical, à émettre leur opinion, à demeurer fiers afin d’être totalement informés pour trouver le bon chemin, les bons intervenants, les bons soins dans leur parcours médical.


Les points de vue et les expériences exprimés à travers les histoires personnelles sur le blog Our Voices sont ceux des auteurs et de leurs expériences vécues. Ils ne reflètent pas nécessairement la position du Réseau canadien du cancer du sein. Les informations fournies n’ont pas été examinées médicalement et ne sont pas destinées à remplacer un avis médical professionnel. Demandez toujours conseil à votre équipe de soins lorsque vous envisagez vos plans et objectifs de traitement.