Par Rebecca Dahle
Les pires semaines de ma vie venaient finalement de s’achever. Six semaines s’étaient écoulées depuis ma tumorectomie. Six semaines terrifiantes durant lesquelles j’ai été confrontée à de nombreuses inconnues dans un état de désillusion total. L’attente se terminait enfin : je rencontrerais pour la première fois mon oncologue médical. Elle examinerait mon rapport de pathologie et m’expliquerait mon plan de traitement. En route vers mon rendez-vous, je me sentais prête à affronter tous les obstacles. Après avoir vécu les jours les plus sombres de ma vie, j’en étais ressortie forte et optimiste. J’avais effectué beaucoup de recherches et j’avais décidé que les chances étaient de mon côté, que je pouvais m’en tirer… à moins qu’il ne soit question d’un cancer du sein triple négatif (CSTN) parce que ce diagnostic changerait la donne. Cependant, cela ne m’inquiétait pas puisque je savais que le CSTN ne constituait que 10 % à 20 % des cancers du sein et que, outre mon âge, je ne présentais pas vraiment de facteurs de risque. Je suis donc arrivée pleine d’espoir à mon rendez-vous lorsque j’ai été frappée par ce que j’appelle le pire scénario. Dès que j’ai entendu « votre cancer est triple négatif », j’ai éclaté en sanglots. Je ne me souviens plus du reste de l’entretien.
Entre ma tumorectomie et ma rencontre avec l’oncologue, j’avais eu beaucoup de temps pour réfléchir et me questionner. Je ne connaissais aucun expert auprès de qui m’informer, alors je me suis tournée vers Internet. Je sais que chercher sur Google est l’une des pires choses à faire, mais ma curiosité et mon besoin d’obtenir des réponses ont pris le dessus. Avant d’apprendre que j’avais un cancer du sein, je ne connaissais même pas l’existence du CSTN. Ma mère, qui allait très bien, avait eu un cancer du sein à récepteurs hormonaux positifs et je pensais, comme beaucoup d’autres personnes, qu’il s’agissait du seul type. Je n’ai pas consacré beaucoup de temps à lire sur le CSTN, mais suffisamment pour savoir que je ne voulais pas en souffrir. J’avais lu qu’il ne possédait pas de récepteurs d’œstrogène, de progestérone et de HER2 et qu’il constituait une forme agressive de cancer qui offrait peu d’options de traitement. J’avais aussi appris qu’il s’agissait du type le plus susceptible de provoquer une récidive dans les cinq années suivant la détection et habituellement ailleurs dans le corps. C’était inquiétant !
Les chocs ne se sont pas limités à mon diagnostic de CSTN. Je savais déjà que je devais me soumettre à une radiothérapie parce que j’avais choisi de subir une tumorectomie au lieu d’une mastectomie, mais j’espérais éviter la chimiothérapie. Apprendre qu’en raison de sa nature agressive, le CSTN était presque toujours traité à l’aide d’une chimiothérapie, peu importe la taille de la tumeur ou son degré de propagation dans les ganglions lymphatiques, a été un autre coup dur.
Étant donné que j’ai reçu mon diagnostic à 39 ans et que le CSTN est souvent associé à une mutation des gènes BRCA, j’ai passé un test de dépistage génétique. Après une attente insoutenable de huit semaines, j’ai été avisée que je possédais une mutation génétique BRCA1. J’ai encore une fois éclaté en sanglots lorsque j’ai appris la nouvelle. Comment était-ce possible ? À l’exception du diagnostic de cancer du sein reçu deux ans auparavant par ma mère, il n’existait aucun antécédent de la maladie dans ma famille. J’ai tout de suite pensé à mes quatre filles. Je ne m’inquiétais plus uniquement pour moi, mais également pour mes enfants innocentes qui, nous le savons maintenant, ont 50 % de risque d’être elles aussi porteuses de la mutation.
Non seulement la présence d’une mutation des gènes BRCA1 confirme l’hérédité du risque, mais elle s’accompagne également d’une recommandation de passer à nouveau sous le bistouri. La tumorectomie qu’on m’avait conseillée au début n’était plus jugée suffisante. J’aurais besoin d’une mastectomie bilatérale pour me protéger d’un éventuel autre cancer du sein. On m’enlèverait donc mes deux seins, mais aussi mes ovaires et mes trompes de Fallope et, en plus, je devais subir cette opération dès que possible. Les porteuses de la mutation BRCA1 ont 45 % plus de risque de souffrir d’un cancer des ovaires et l’exérèse des ovaires et des trompes de Fallope est recommandée entre 35 et 40 ans ou lorsqu’une femme ne veut plus d’enfants.
Le diagnostic de cancer constituait déjà en soi le pire scénario. Au début de mon parcours contre le cancer, j’avais l’impression qu’au moment où les choses ne pouvaient être pires, elles le devenaient. Dès que je surmontais un obstacle, un autre apparaissait. Je désirais de bonnes nouvelles et priais pour en recevoir, mais je me retrouvais toujours dans une situation où le pire m’était annoncé. Cela a été très éprouvant pour moi. À de nombreuses reprises, j’ai perdu tout espoir et j’ai cru que j’étais condamnée. Je sais que les choses auraient pu être bien plus graves. Ma mère, qui allait bien et ne présentait aucun signe de la maladie au moment de mon diagnostic, est décédée à 62 ans alors que je subissais encore mes traitements. Je suis encore là et j’ai de très bonnes raisons d’être reconnaissante. Même si le rétablissement s’avère long, je suis une survivante et un jour, je m’épanouirai à nouveau.
J’ai survécu à la chimiothérapie, à la radiothérapie, à quatre opérations, à une hospitalisation de six jours en raison d’une infection postopératoire, à un essai clinique, à des scintigraphies osseuses, à des échographies, à de multiples biopsies, à des mammographies, à des examens d’IRM, à des tomodensitogrammes et à d’innombrables autres choses que je n’aurais pas réussi à imaginer avant mon cancer. J’en ai appris beaucoup sur cette maladie, mais aussi (et surtout) à propos de moi et de la valeur des relations. J’ai affronté des questions de vie ou de mort. Je sais maintenant comment surmonter le deuil et réconforter les personnes endeuillées. J’ai triomphé de ce qui m’apparaissait comme le pire des scénarios et je ne m’en porte que mieux.
Pour celles et ceux qui ont récemment reçu un diagnostic :
Ne faites pas de recherches sur Google. Vraiment. Ne succombez pas à la tentation. Cela n’a fait que susciter des craintes chez moi et presque rien de ce que j’ai lu ne s’est avéré.
N’essayez pas de deviner ou de prédire comment tout cela se terminera. C’est impossible à savoir. Ne vous inquiétez pas tant que vous n’avez pas une bonne raison de le faire.
Vivez dans le moment présent, un jour à la fois. Ce n’est pas qu’un cliché : cela aide vraiment.
Même votre pire scénario peut être surmonté. Ne lâchez pas.