Par Trisha Mourot
Ma vie a basculé à jamais le jour où j’ai reçu l’appel téléphonique que tous redoutent. Tôt, un matin en mars 2015, mon chirurgien téléphonait pour me communiquer les résultats de ma plus récente biopsie. La bosse qui n’était probablement qu’un kyste bénin s’avérait en fait cancéreuse. Mon chirurgien a continué de me parler pour m’expliquer le diagnostic plus en détail. Cependant, la seule chose que j’ai entendue était que je souffrais d’un cancer. J’avais l’impression que mon monde s’effondrait.
Comment cela avait-il pu m’arriver ? Je n’avais que 37 ans. J’avais un mari aimant et trois petites filles. Je considérais mon style de vie comme relativement sain. La vie venait à peine de commencer pour nous. Malheureusement, j’ai dû mettre de côté temporairement ma carrière en enseignement. Les examens IRM, les tomodensitogrammes, les scintigraphies osseuses, les biopsies de vérification et les rendez-vous au Saskatoon Cancer Centre et au Breast Health Centre remplissaient désormais ma vie.
Au moment de recevoir mon diagnostic, je ne savais aucunement qu’il existait différents sous-types de cancer du sein.
Le mien était triple positif, c’est-à-dire à récepteurs d’œstrogènes positifs, à récepteurs de progestérone positifs et HER2 positif.
Le terme HER2 fait référence à la protéine HER2 (récepteur 2 du facteur de croissance épidermique humain) qui est surexprimée dans les cellules cancéreuses. Ce type de cancer du sein tend à grossir et à se propager plus rapidement que les autres. Il s’avère particulièrement agressif et nécessite des traitements additionnels.
Mon équipe de traitement a opté pour une chimiothérapie néoadjuvante dans l’espoir de réduire la taille de la tumeur en premier lieu. Je subirais ensuite une double mastectomie, 17 perfusions de Herceptin, puis au moins cinq ans d’hormonothérapie.
Ce schéma posologique s’avérait étourdissant pour mon mari et moi, mais nous étions prêts à faire ce qu’il fallait pour que je puisse vieillir à ses côtés et voir nos enfants grandir.
Pendant que je subissais mes traitements de chimiothérapie et que je me remettais de mon intervention chirurgicale, notre famille, nos amis et les membres de la petite communauté de Wakaw en Saskatchewan se sont mobilisés. Des personnes apportaient des repas et des cadeaux, nettoyaient la maison, surveillaient nos enfants. Certains ont même organisé une collecte de fonds pour compenser notre perte de revenus et les frais de déplacement pour se rendre au lieu de traitement. Nous ne nous sommes jamais sentis aussi aimés.
Le traitement a constitué une expérience tellement horrible pour moi sur les plans physique et psychologique que je ne le souhaite pas à mon pire ennemi. Au cours de la deuxième moitié du traitement de chimiothérapie, j’ai reçu un médicament appelé docétaxel. Le simple fait de taper ce mot me donne des frissons dans le dos. Le docétaxel affecte les os et les muscles. Je me déplaçais dans la maison comme si j’avais 80 ans. Souvent, je me couchais sur le canapé et je ne bougeais pas d’un poil tellement j’avais mal. Mais je n’ai jamais lâché ; j’étais résolue à demeurer optimiste.
Octobre 2015 a marqué la fin de la chimiothérapie. Une grande fête familiale a été organisée — petits gâteaux roses inclus — dans la salle de chimiothérapie.
Il nous restait un seul autre obstacle à surmonter : la mastectomie bilatérale. Mes seins étaient extrêmement denses et mon équipe médicale m’avait fortement recommandé de songer à me les faire enlever. À bien des égards, l’intervention chirurgicale a été plus facile que la chimiothérapie.
En décembre, nous avons reçu la nouvelle importante que nous attendions. Mon rapport de pathologie consécutif à l’opération stipulait que la réponse à la chimiothérapie semblait complète et qu’aucune trace de cancer n’avait pu être décelée dans mes ganglions lymphatiques ! Mon diagnostic est passé de cancer du sein de stade II à un de stade Ib.
Le 18 juillet 2016, je me suis assise dans le fauteuil de chimiothérapie pour la 17e et dernière perfusion de Herceptin. Les mots me manquent pour dire à quel point je suis reconnaissante non seulement qu’un tel médicament ait été inventé, mais également de vivre au Canada où j’y ai eu accès. Nous espérons que ce médicament miracle m’a sauvé la vie.
Lorsque je repense à cette expérience, j’ai souvent l’impression que je vivais la vie d’une autre personne. Cela fait maintenant un an que j’ai terminé les traitements et tous mes rendez-vous de suivi en oncologie et en chirurgie se sont bien déroulés.
Je demeure optimiste. Je vis dans le présent et je tente de profiter de la vie le plus possible. J’ai eu la chance de visiter Banff, Edmonton, Vancouver, Ottawa, Montréal, Disneyland et les Bahamas l’année dernière.
Un mot me vient en tête lorsque je songe à mes dix-huit mois de traitement : « survivante ». Je suis passée à travers cette épreuve ! J’ai réussi ! Ça a fait de moi une meilleure personne, plus patiente et plus gentille, qui apprécie davantage la vie.