Par Terry Ouellette
En juin 2015, je déménageai à London en Ontario. Je me remettais d’une période personnelle plutôt émotive et difficile puisque j’avais divorcé en juin 2014. Je quittais Sault Ste. Marie pour me rapprocher de ma fille, de son mari et de leurs très jeunes enfants. Je savais que je verrais les autres membres de ma famille moins souvent. Je laissais derrière moi mes parents, mes deux sœurs, ma fille et son mari, une autre petite-fille et deux beaux-petits-enfants.
Peu après mon arrivée, soit en octobre 2015, ma mère mourut. Je perdis mon père en juillet 2016. Mes sœurs et moi étions chanceuses d’avoir eu nos parents avec nous aussi longtemps, mais leur décès à moins d’un an d’intervalle s’avéra dur à vivre.
Depuis l’âge de 50 ans, je passais des mammographies de routine. Il y avait toujours une zone suspecte qui nécessitait une deuxième mammographie et cette dernière ne révélait jamais d’anomalie.
Mais, en avril 2016, je remarquai que la forme de la zone suspecte avait changé. Très peu de temps après, je subis comme prévu ma mammographie de routine. Des rendez-vous pour une biopsie et une échographie furent immédiatement fixés.
Hélas, je reçus la nouvelle de mon diagnostic de cancer le jour où je me rendais en voiture à Sault Ste. Marie pour l’enterrement de mon père, le 2 août 2016. Je n’oublierai jamais ce moment avec ma fille. Nous conduisions chacune notre véhicule après avoir appris la nouvelle. Nous devions mettre cette annonce de côté jusqu’après les funérailles. Mon père méritait des obsèques et un enterrement décents. Il n’était pas question de moi à ce moment. Seuls les membres de ma famille rapprochée et mes amis proches connaissaient mon diagnostic. Mon père était un homme merveilleux. J’étais heureuse de constater que les personnes qui s’étaient déplacées ce soir-là pour lui rendre hommage faisaient exactement cela.
Je souffrais d’un cancer lobulaire de stade II au sein gauche (près du cœur) avec récepteurs d’œstrogènes et de progestérone positifs et ne surexprimant pas la HER2.
Je subis une mastectomie du sein gauche et une chimiothérapie qui consista en quatre traitements de chlorhydrate de doxorubicine et de cyclophosphamide suivis de douze traitements de paclitaxel. Puis vinrent 27 séances de radiothérapie.
Une dysfonction cognitive due à la chimiothérapie commença dès le début du traitement et dura presque jusqu’en janvier 2018. La chimiothérapie engendra également de la fatigue (je dormais vraiment beaucoup) et une constipation sévère. Rien ne fonctionnait correctement et je tentai tout ce qui m’était suggéré. Les autres effets secondaires de la chimiothérapie comprenaient une perte d’appétit, un manque d’énergie, la chute des cheveux et de l’enflure.
La radiothérapie causa des brûlures et davantage de fatigue. Ma peau devint noire et pelait comme si j’avais subi un coup de soleil en plein été. Ces effets ne se manifestèrent qu’à la fin du traitement. Je croyais avoir été épargnée, mais ce n’était pas le cas.
À ce moment, je me disais que tout ce que je voulais, c’était demeurer présente et disponible pour ma fille et sa famille à London. Il s’agissait de la raison de mon déménagement, mais mes capacités étaient limitées. Elle m’affirma que c’était le cadet de ses soucis.
Mes sœurs, mon autre fille et mes amis proches, tous à Sault Ste. Marie, me paraissaient bien loin. Je me devais de passer au travers de cette épreuve en étant consciente que je serais seule la plupart du temps. Je n’avais jamais connu rien de tel, bien sûr. Je ne savais pas comment tout cela fonctionnerait, mais je savais que je pouvais m’en sortir.
Les choses allèrent de mal en pis. Ma fille qui résidait à Sault Ste. Marie devait elle aussi faire face à des problèmes de santé au même moment et je ne pouvais pas être là pour elle. Je savais qu’elle était entre bonnes mains puisque son fantastique mari, les membres de sa famille étendue et ses amis la soutenaient.
Il me fallut un certain temps pour me rendre compte que ma fille cadette avait une mère et une sœur aux prises avec des problèmes médicaux importants au même moment. C’était dur d’être ce que je voulais être… une mère.
Mon réseau de soutien s’avéra solide et mes craintes s’apaisèrent. Les kilomètres me semblèrent alors moins nombreux après tout. Un grand nombre de personnes m’offrirent leur aide de différentes façons. Heureusement pour moi, je n’eus jamais à me rendre seule à un traitement de chimiothérapie. Mes sœurs, ma famille, des cousins et quelques-uns de mes meilleurs amis se relayaient pour m’accompagner. Ils partaient donc du nord ou du sud de l’Ontario en plein hiver pour demeurer à mes côtés pendant ces quelques jours plus difficiles. Ils étaient tous là pour moi ; c’était formidable. Ils me consacraient du temps de leur propre vie pour m’apporter du réconfort.
Je reçus plein d’appels téléphoniques, de messages textes, de cartes de souhaits et de visites de tellement de gens. Je reçus aussi un livre de cuisine pour les patients atteints de cancer de quelqu’un que je ne connaissais même pas. Je l’ai donné à une autre personne atteinte d’un cancer puisque je suis rétablie.
Un ami très cher me textait tous les jours, juste pour vérifier si tout allait. Et je ne pouvais pas toujours répondre. Une autre amie, qui souffrait de problèmes physiques et médicaux, offrit de m’aider.
Et je pourrais continuer ainsi. Mon réseau de soutien s’avérait incroyable. Une amie donna un nom à tous ces gens : mes « meneuses de claque ».
Et que dire du fabuleux personnel médical et infirmier ! Ils prirent le temps de m’écouter, de me laisser pleurer, de me conseiller et de répondre à mes questions d’ordre médical. Ils le firent avec cœur. Ils ne se contentaient pas d’accomplir leurs tâches : ils se souciaient de moi. Je ne m’attendais pas à cela. Au début, j’avais peur de tout. Ils réussirent à calmer mes craintes et furent là chaque fois que j’avais besoin d’eux.
J’aimerais dire que mon âge mûr (j’ai 64 ans) me donna de la force. Le séjour à l’hôpital pour ma mastectomie et le fonctionnement du système médical ne m’inquiétaient pas outre mesure puisque j’avais déjà subi plusieurs opérations majeures. L’ablation de mon sein s’avéra une décision facile à prendre : ma tumeur ne se situait qu’à 0,5 mm de ma cage thoracique.
Je demeure très forte et indépendante. Comme toujours, je cherche à me dépasser. J’essaie de ne pas penser trop souvent au fait que je ne possède qu’un sein. De temps à autre toutefois, je me regarde dans le miroir et je pleure.
Ma vie est magnifique. Je suis entourée de ma famille et d’amis tout aussi magnifiques, mais un jour, j’aimerais bien à nouveau partager ma vie avec quelqu’un. Un jour, l’homme qui me convient sera là pour moi et il m’acceptera comme je suis.
Je n’envisage pas encore la reconstruction. Je pense toujours à cette distance d’un demi-millimètre entre ma tumeur et ma cage thoracique.
Mon image corporelle ? Je ne me perçois pas comme moins féminine. Je suis très contente que mes cheveux aient recommencé à pousser. Je me sens mieux maintenant. Je peux dissimuler le fait que j’ai eu le cancer. Je n’en parle que lorsque je le veux. Ce n’est plus apparent comme ce l’était quand j’étais chauve.
Je prévois de continuer à vivre pleinement.
Le cancer ne me définit pas.
J’adore ma vie avec ma famille. J’ai des petits-enfants et des beaux-petits-enfants qui occupent une grande place dans mon existence. Mes filles et mes sœurs sont irremplaçables et mes amis demeurent très importants.
Après sept ans à la retraite, j’ai recommencé à travailler à temps partiel, dans un tout nouveau domaine pour moi. Je suis ravie !
Depuis toujours, je suis une personne optimiste. Je regarde constamment le bon côté des choses et Dieu merci ! Cela m’a aidée à passer au travers de moments difficiles dans ma vie.
Étant donné mon optimisme, on m’invita à parler devant des gens qui font face à un cancer. J’espère avoir été une inspiration pour certains d’entre eux. Je crois vraiment au pouvoir de la pensée positive.
Maintenant, je suis bénévole pour diverses activités liées au cancer du sein, notamment la Course à la vie CIBC (je prends des photographies pendant la course). Je suis aussi photographe lors de défilés de mode, de réceptions, d’activités universitaires et autres. J’ai rencontré des femmes, des hommes et des familles, tous fantastiques. J’espère les avoir aidés d’une quelconque façon.
Je vois également la vie un peu différemment. Je ne perds plus une seule minute !
Pour conclure, j’ai décidé de me faire photographier avant ma mastectomie. Le photographe (Jay Terry, de London en Ontario) a rédigé un magnifique article qui traduit bien mon état d’esprit à ce moment-là. S’il vous plaît, jetez-y un coup d’œil (en anglais seulement) : http://jaytphoto.ca/never-underestimate-power-positive-thinking/