Par Robyn Goldman
Adapté de billets initialement publiés sur le compte Instagram de Robyn et correspondant à des entrées de son journal intime destinées à ses abonnés et à elle-même alors qu’elle raconte son expérience avec un cancer du sein triple négatif à l’âge de 33 ans. Ce qui suit est la deuxième partie.
42e jour : 1er décembre 2021
Je vais bien.
La peur et la nervosité sont toujours là, mais je vais bien. J’arrive à trouver une certaine paix et une certaine sérénité dans tout ce chaos. Cela fait 42 jours que m’a vie a radicalement changé. C’est dur d’arriver à accepter les choses quand on reçoit ce genre de diagnostic et qu’en plus, on vit la fin d’une relation. Pourtant, je continue de sourire et de rire. La vie est incroyable. L’univers a sa manière à lui de faire les choses que je ne comprendrais jamais complètement, mais le fait est qu’on arrive toujours à voir la lumière, même dans les pires moments.
Au début, j’avais pris une autre voie. Je ne me sentais pas en sécurité. J’avais des questions auxquelles je n’avais pas de réponses et je n’avais personne pour me guider. Et puis tout a changé. C’est vrai ce qu’on dit, que les gens n’arrivent pas par hasard dans nos vies. Mon ange, Ada, à qui je dois tellement, m’a encouragé à poser mes questions. C’est grâce à elle si, deux jours avant mon opération, j’ai cherché à avoir une seconde opinion. Et Esmée, l’une de mes amies les plus chères, mais aussi ma sœur à vie, m’a présentée à ma nouvelle équipe soignante, à l’Hôpital général de North York, là où je serai traitée dorénavant.
Lorsque l’on n’a jamais vécu quelque chose comme ça, on ne sait pas par où commencer, quelles questions poser, ni quoi faire. C’est bien de recevoir des conseils de ses amis et des groupes d’entraide, mais comment faire pour filtrer toutes les informations que l’on reçoit? À l’Hôpital général de North York, ils m’ont vraiment aidée. Je suis arrivée chez eux à mon point le plus bas et ils m’ont redonné espoir. Je suis infiniment reconnaissante envers les personnes qui m’ont apporté de l’amour et du soutien. Je dois ma vie à tant de gens. Littéralement. Je me sens en sécurité maintenant. Je me sens sereine. J’ai obtenu des réponses à mes questions. L’avenir me semble radieux. Je suis exactement là où je suis censée être. Je suis motivée et plus forte que jamais. Je suis capable de me lever chaque jour, de mettre ce foutu rouge à lèvres et de faire ce que j’ai à faire. Je n’ai pas le choix et je dois le faire pour moi-même. Parce que c’est ça ma situation et je ne peux pas y échapper. Le cancer ne m’a pas volé ma vie, au contraire, il m’a montré ce qu’elle est réellement.
47e jour : 6 décembre 2021
On y est.
La chimiothérapie a commencé. Mis à part l’inconnu, c’est ce que j’appréhendais le plus dans cette aventure. Je me suis posé tellement de questions à ce sujet lorsque j’ai appris que j’avais un cancer du sein. Comment allais-je me sentir? Est-ce que ça ferait mal? Quels seraient les effets secondaires? À quoi ressemblerait la salle de chimiothérapie?
En ce moment, le silence de la salle est interrompu par le bip des machines et le bruit de la pluie sur les vitres. Bien que ça semble être un temps de circonstance, j’entrevois quand même la lumière et je me dis que je me rapproche de la fin du traitement et de la ligne d’arrivée.
55e jour : 14 décembre 2021
Cela fait huit jours que j’ai commencé à affronter le fameux « démon rouge ». C’est comme ça qu’on appelle la première partie de mon traitement de chimiothérapie. Quel nom affreux pour un traitement qui est censé nous sauver la vie! L’équipe des relations publiques du cancer n’est pas très bonne!
État mental du moment : Je vais bien. Je ne savais pas à quoi m’attendre et j’ai été frappé de plein fouet par ma première séance de chimiothérapie. Je suis une battante, mais pas une super-héroïne. Je vais prendre les médicaments qu’on m’a prescrits, et je vais bien faire attention d’écouter mon corps tout en me battant doucement. Je le sens vraiment bien! Allons-y (mais en douceur quand même)! J’aboie fort, mais je ne mords pas!
Aujourd’hui, j’ai emballé mes produits et mes accessoires pour cheveux. C’était dur. Je sais bien que « ce sont juste des cheveux ». Mais sont-ils uniquement cela?
Chaque jour, après le réveil, on se regarde dans le miroir qui nous renvoie une image de nous-mêmes, de ce que nous sommes. Pour moi, ce ne sont pas « juste des cheveux ». Ils font partie de mon identité et de cette image de moi que je vois. Je ne pense pas que ce soit mal d’admettre ça. Mes cheveux vont beaucoup me manquer. Ça va me manquer de patienter dix minutes — beaucoup plus que les trois à cinq minutes recommandées — dans ma douche pendant que l’après-shampooing fait son effet. Ça va me manquer de rester au salon de coiffure pendant six heures à raconter nos histoires d’amour (et de trahison), de bureau et de famille. Ça va me manquer de sortir du salon en pensant que je suis la femme la plus sexy au monde. Et puis, pour l’instant, personne ne sait que je suis malade. Je ne porte aucun badge ni épinglette disant que j’ai un cancer, mais une fois que je n’aurais plus mes cheveux, je serai marquée au fer rouge : j’ai un cancer et tout le monde le sait. Je m’en suis bien tirée, jusqu’ici, face au cancer, mais la vraie bataille commencera quand je commencerai à prendre mes cheveux. Il faudra que je me défende corps et âme. Mais ça me rend triste et j’ai peur : que verrai-je dans le miroir? comment me reconnaîtrai-je?
Allez, un dernier séchage de cheveux.
63e jour : 22 décembre 2021
C’est arrivé.
Ça devait arriver.
Je n’ai plus de cheveux.
Je ne me reconnais pas vraiment dans le miroir. La personne que je vois me semble familière. Elle a l’air un peu triste et apeurée. Nous avons tellement de choses à apprendre l’une de l’autre. Aujourd’hui, je me suis douchée pour la première fois depuis que je me suis rasé la tête. C’est la première fois que je laisse l’eau couler sur mon crâne, puis le long de mon corps. Ce corps si puissant, si robuste et si résilient. Je suis sortie de la douche et je me suis préparée, comme à mon habitude. Je considère les douleurs musculaires et autres, la perte de cheveux et la fatigue comme des signes que le traitement marche. Je suis si près de la ligne d’arrivée que je la vois. J’ai commencé à réfléchir à ce que ma vie sera une fois que tout ça sera fini : une vie simple et lumineuse, remplie d’amour et de gratitude.
71e jour : 30 décembre 2021
Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. J’ai 34 ans. Pour être honnête, je n’ai jamais été fan de mon anniversaire, mais cette année, c’est différent. Cette année, je vais réfléchir aux raisons pour lesquelles j’aime mon anniversaire et à l’année qui s’est écoulée. C’est une année à marquer dans les annales, c’est sûr! Assurément l’année la plus difficile à ce jour : un amour, une trahison et un diagnostic qui a changé ma vie à jamais. Mais, malgré tout ça, il y a tellement de beauté autour de moi et de choses pour lesquelles je suis reconnaissante.
Cette année, pour mon anniversaire, je célèbre ma vie, mon parcours et les gens qui en font partie.
À ma famille et à mes amis : Vous avez toujours été là dans les moments difficiles. Vous m’avez aidée à voir ce que je vaux quand je n’arrivais plus à voir. Vous avez été mes jambes quand je ne pouvais plus me mettre debout. Vous avez été ma voix quand je ne savais plus quoi dire. Aujourd’hui, je vous honore autant que je m’honore moi-même. Vous m’avez redonné la vie et vous m’avez apporté un amour et un soutien inconditionnels.
À mes sœurs d’infortune : Vous aussi, je vous honore aujourd’hui. J’honore celles qui peuvent continuer à célébrer, mais surtout celles qui ne peuvent plus le faire. Vous serez toujours célébrées. L’un de mes vœux d’anniversaire serait que nous puissions toutes voir la beauté de ce défi qui se présente à nous et de ce que nous pouvons en tirer.
À moi : Aujourd’hui est le jour de ta renaissance. C’est aussi une année qui s’achève et une autre qui commence. Aujourd’hui, c’est le jour où tu choisis de t’honorer, de reconnaître tout ce que tu as accompli, de te souvenir des défis auxquels tu as dû faire face et d’être consciente de ce qui te motive. Malgré le chemin parcouru, l’aventure n’est pas encore finie et ce feu qui m’anime n’en deviendra que plus grand. Aujourd’hui, je me suis réveillée et j’ai mangé du gâteau au déjeuner, j’ai reçu de jolies fleurs d’une amie que je n’ai pas vue depuis longtemps, je me suis connectée à mon travail et j’ai souri. Tout simplement.
Je suis exactement là où je suis censée être.
Je suis fière du chapitre 33 de Robyn et très excitée à l’idée de voir ce que le chapitre 34 lui réserve.
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