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La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole


C’est un fait, je me sens bien quand je parais bien!

Dans notre rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein.

Quand j’étais petite, je m’arrêtais chaque fois que je passais devant un miroir pour me regarder. Et je me faisais réprimander. Beaucoup. Ma mère et mes tantes me disaient soit que ce n’était pas bien de faire ça, que c’était vaniteux ou d’arrêter — parfois les trois en même temps! Oui, je le faisais pour m’admirer la plupart du temps, mais après l’âge de 12 ans, quand j’étais au secondaire, je le faisais plus par insécurité. Je voulais m’assurer que je n’avais pas l’air bizarre, que mes cheveux coupés au carré étaient bien ramassés derrière mon oreille gauche ou que mon visage saturé de produits Ten O Six ne brillait pas comme une orange. Si je me regardais dans le miroir, c’était pour me rassurer sur mon apparence. Je voulais être sûre que j’étais plus ou moins correcte.

Cette phase ne m’a pas passé. Au contraire, j’ai appris à accepter ce côté de moi. Ça s’est passé quand j’ai déménagé de Calgary pour aller à l’université à Toronto et que j’ai commencé à penser que se sentir jolie n’avait absolument rien à voir avec le fait de se regarder dans le miroir. Femmes ou petites filles, nous devrions toutes avoir le droit de nous regarder dans un miroir, dans la vitrine d’un magasin ou sur l’écran de notre téléphone quand ça nous chante et sans qu’on nous le reproche. C’est devenu ma devise!

Puis, j’ai eu un cancer du sein et j’ai cessé de me regarder dans le miroir.

Au début, je ne le faisais plus parce que je n’arrivais pas à supporter la vue de mes paupières inférieures sans cils. Après mon opération, j’étais trop occupée à dormir dans mon lit ou à végéter sur mon canapé pour me soucier de mon apparence. Pendant les traitements, je continuais à travailler — je ne pouvais me permettre de quitter mon emploi à plein temps qui n’offrait pas d’assurance-invalidité de courte durée — et j’étais trop fatiguée pour penser à me regarder dans un miroir. Plus tard, j’avais honte des 40 livres que j’avais pris en trois mois de prise quotidienne de Tamoxifène. À l’époque, chaque semaine, je passais devant la salle où l’organisme Belle et bien dans sa peau organisait ses ateliers, à l’hôpital Princess Margaret, et où des bénévoles aidaient d’autres femmes à regagner leur confiance en elles en leur faisant essayer des perruques à la mode et des tuques, et en leur offrant des massages du visage et des cours de maquillage. Et pourtant, ça ne m’a jamais traversé l’esprit que je pouvais, moi aussi, participer à ces ateliers et rebâtir mon estime personnelle auprès d’autres femmes.

Quelle ironie! Avant le cancer, avant de travailler dans le secteur caritatif, quand j’étais éditrice et rédactrice pour des magazines féminins, j’avais l’habitude d’écrire des articles sur les ateliers offerts par cet organisme. Mais quand mon tour est arrivé d’avoir un cancer du sein — soyons réaliste, c’est toujours le tour de quelqu’un, puisqu’une femme sur huit est atteinte d’un cancer du sein, je n’étais pas prête psychologiquement à participer à leurs ateliers.

Je ne parlais jamais du cancer en dehors de ma famille et d’un cercle restreint d’amis. C’était trop énorme, trop accablant, trop tout. J’ai seulement commencé à en parler après être tombée sur une ancienne collègue qui, travaillant alors pour l’organisme Rethink Breast Cancer, m’a proposé d’écrire des articles pour eux. Il a fallu encore quelques mois pour me convaincre, car je ne pensais vraiment pas avoir quelque chose à offrir à qui que ce soit. Il aura fallu mon premier article et la vague de soutien qu’il a suscitée de la part de patientes et de survivantes pour que je voie les choses autrement. J’aurais aimé m’être ouverte et avoir rejoint cette communauté de femmes courageuses beaucoup plus tôt.

Elles m’ont offert leur sympathie. Elles connaissaient et comprenaient ce que j’endurais. Beaucoup d’entre elles faisaient partie de groupes de soutien en ligne et dans la vraie vie – le blogue du Réseau canadien du cancer du sein, les retraites organisées par Rethink Breast Cancer, les ateliers de Belle et bien dans sa peau. Elles ont validé mon expérience et m’ont fait me sentir à ma place. Grâce à elles, j’ai compris que je me suffisais à moi-même et que c’était correct de recommencer à me regarder dans le miroir.

Le cancer étant dur et cruel, j’ai mis du temps à comprendre ça. Le cancer a sapé ma confiance et mon estime personnelles. Il m’a pris certaines parties de mon corps et détruit mon sentiment de féminité. Et pourtant, je sais — j’espère — que ces sentiments ne dureront pas éternellement. Et même si je continue à avoir de la difficulté à accepter mon apparence, j’ose maintenant me regarder dans un miroir... En particulier lorsque je mets du mascara sur mes cils, qui ont repoussé, ou du gel sur mes sourcils pour leur donner un air plus fourni. Et je fais ça chaque jour. Ça me procure un sentiment de normalité. Je le fais pour moi et pour toutes les femmes qui ne peuvent pas le faire. Ce n’est ni de l’égoïsme ni de la vanité, il s’agit là de mon salut, de ma propre préservation et de rébellion.

Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Living LuxeFigure Skater Fitness et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec ses deux chatons, Murphy et Olive. Vous pouvez la suivre sur Instagram (@AdrianaErmter).