Par Brenda Cummings
Ceci est la dernière partie de l’histoire Brenda. Lisez le deuxième partie.
La période suivante a été marquée par encore plus de problèmes. L’alendronate, que j’avais commencé à prendre pour mon ostéoporose, était problématique pour quelqu’un souffrant de reflux gastrique comme moi, ce que j’avais signalé à mon médecin, qui n’avait pourtant pas changé son ordonnance. La veille de mon tomodensitogramme, je me suis réveillée avec un étrange gonflement au niveau de la gorge et je n’ai même pas pu avaler un morceau d’orange. On aurait dit que ma gorge était fermée comme une fermeture éclair, empêchant quoi que ce soit de passer, et produisant une grande quantité de salive que je devais cracher. Au bout de quelques heures, comme cela ne s’était pas arrangé, je suis allée aux urgences où j’ai attendu quatre heures, en crachant régulièrement dans un évier, et où on m’a donné un inhibiteur de la pompe à protons pour réduire la production d’acide. Comme cela n’a pas fonctionné, puisque je ne pouvais pas déglutir, ils m’ont injecté un relaxant musculaire. Cette procédure a été extrêmement douloureuse, mais c’était ça ou aller à l’hôpital de Chatham pour une dilatation œsophagienne d’urgence.
Avant mon tomodensitogramme, prévu le lendemain matin à Chatham, je devais boire deux bouteilles d’un soluté de contraste épais au baryum. Cela n’allait clairement pas pouvoir se faire puisque j’avais passé les 50 minutes du trajet en bus à cracher dans un gobelet que j’avais apporté à cet effet. Au moins, me disais-je, pour la partie thoracique, ils allaient utiliser un produit de contraste intraveineux, ce qui fait que les éléments les plus importants allaient pouvoir être visibles sur les clichés.
Cinq jours ont passé avant que je puisse avaler autre chose que des petites gorgées d’eau — pour l’inhibiteur de la pompe à protons et les divers substituts de repas liquides aromatisés que je devais prendre. Mesurant 1,65 m (5,5 pi) pour à peine 45 kg (100 lb), je n’avais pas beaucoup d’énergie. J’avais l’habitude de faire des infections urinaires et, le samedi suivant, j’ai ressenti les signes révélateurs d’une nouvelle infection, qui allait cette fois être accompagnée de saignements, ce que je n’avais jamais expérimenté auparavant. Je suis donc retournée aux urgences où l’on m’a donné une nouvelle ordonnance. Le traitement prescrit n’ayant pas fonctionné, deux semaines plus tard, je me suis retrouvée à l’hôpital de nouveau avec des douleurs intenses et des saignements abondants. Je suis rentrée chez moi avec une ordonnance de Sulfatrim, un antibiotique.
L’infection urinaire était maintenant sous contrôle. J’ai ensuite reçu un appel du pneumologue, qui a demandé à ce que l’on ait une consultation par Zoom immédiatement afin de pouvoir discuter des résultats du tomodensitogramme. À ma demande, il m’a donné accès aux clichés dynamiques en ligne qu’il m’a expliqués. Il y avait un gonflement modéré des ganglions lymphatiques thoraciques avec une série de petites lésions dans la muqueuse pleurale droite. (En faisant des recherches, j’ai découvert que ces lésions pouvaient endommager le nerf phrénique, lequel contrôle le diaphragme et peut éventuellement le paralyser.) Une demi-douzaine de lésions avaient également été observées dans le foie, dont quatre mesurant moins d’un centimètre.
La cytologie suivante avait confirmé un cancer de stade IV, mais elle ne suffisait pas à déterminer la présence ou l’absence de la protéine HER2, que l’on détermine généralement par une biopsie tissulaire. Elle a toutefois révélé quelque chose d’intéressant pour moi. On m’avait dit que mon cancer était très sensible aux hormones — 90 % aux œstrogènes et 60 % à la progestérone. Je pouvais donc être optimiste puisque des médicaments ciblés, développés ces dernières années, donnaient des résultats prometteurs pour ce type de cancer. Ce qui m’a surpris, c’est de me souvenir clairement que mon premier cancer n’était pas hormonodépendant. Mis à part cela, les nouvelles étaient rassurantes.
En un rien de temps, on m’a pris rendez-vous pour qu’un cathéter soit inséré dans ma poitrine afin que l’on puisse faire le drainage du liquide pleural à mon domicile. Toutefois, une fois le cathéter posé, j’ai choisi de me rendre à la clinique VON de mon hôpital toutes les 48 heures afin d’effectuer ce drainage, et cela m’a permis de devenir rapidement amie avec mes gentilles infirmières.
En préparation de ma première consultation, le centre de cancérologie de London avait lancé des recherches afin de retrouver mes dossiers médicaux pour comparer mon premier cancer — que j’avais eu 25 ans auparavant — à mon cancer actuel. Trois semaines ont passé avant que je reçoive enfin un appel de la préposée aux admissions. Malgré des demandes répétées à l’hôpital de Toronto, ils avaient du mal à localiser mes dossiers médicaux. Lorsque je leur ai donné les noms de mes oncologues qui avaient évidemment évolué dans leur carrière, voire pris leur retraite, j’ai été stupéfaite d’entendre que les dossiers des patients restaient la propriété des médecins. La province n’a-t-elle pas un dépôt central des dossiers des patients? Eh bien, non. Et l’hôpital, ne conserve-t-il pas au moins ses propres dossiers? Non plus.
Je sentais mon adrénaline monter, je savais ce qu’elle allait demander. J’étais déjà en train de me diriger vers le fond d’un placard sombre, lorsqu’elle me demanda d’une voix à peine perceptible : « Vous n’auriez pas...? ». « Oui! », ai-je répondu avec excitation. On était le jeudi avant Pâques et le centre de cancérologie fermait pour le long week-end de quatre jours, mais je lui ai promis de scanner les documents et de les lui envoyer par courriel avant son retour, le mardi suivant. Ma consultation initiale avec l’oncologue principal était prévue le vendredi suivant, il n’y avait donc pas de temps à perdre. « Mettons la machine en marche! », me suis-je dit.
* * * * *
Pour celles et ceux qui ont déjà vécu cela, je n’ai pas besoin de vous décrire ce que l’on ressent lorsque l’on rejoint le « club » des personnes atteintes d’un cancer quand on arrive dans une salle d’attente sombre et qu’on prend un numéro. Quand, dans le service d’hématologie, on peut lire une affiche qui dit « si vous traversez l’enfer, continuez d’avancer. » Quand on est assis là, avec un bipeur, en attente de nos ordonnances. Quand on entend les gongs retentir et qu’on applaudit lorsque d’autres terminent leur traitement de radiothérapie ou de chimiothérapie. Ou quand on entend l’annonce glaçante « code bleu » lorsqu’on attend dans une salle d’examen vide pour voir le médecin ou un(e) interne.
Et puis, ils finissent par arriver et on avance. La première question que j’ai posée à mon équipe médicale était évidemment de savoir comment j’avais pu développer un cancer du sein métastatique du côté où j’avais eu une mastectomie. Ils ont supposé que le cancer actuel s’était lentement développé à partir du tissu résiduel laissé après la mastectomie. D’accord, mais alors, pourquoi est-il si différent du premier cancer? Étonnamment, ils ont déterminé qu’il s’agissait probablement d’un nouveau cancer et non d’une récidive de mon premier cancer. Bien qu’il faille toutefois confirmer cela à l’aide d’une biopsie, il semble que j’ai tout simplement eu de la malchance.
La bonne nouvelle que j’étais effectivement une bonne candidate pour l’un des nouveaux médicaments ciblés a été tempérée par le fait que celui-ci était encore sous brevet. En plus de coûter plus de 5 000 dollars par mois (je n’ai pas d’assurance privée), le palbociclib nécessite une approbation d’accès exceptionnel de la province et l’attente de cette fameuse approbation allait me créer encore de l’anxiété. Finalement, mon dossier a été accepté et j’ai été surprise que ça soit Pfizer, le fabricant, qui m’en informe plutôt que mes médecins. Quelques jours plus tard, je payais un chauffeur de Purolator pour la livraison d’un petit sac blanc contenant le précieux médicament ainsi qu’un inhibiteur de l’aromatase pour baisser mon taux d’œstrogènes. J’ai fêté cela en envoyant un courriel à ma famille qui disait « Santé! ».
Aussi miraculeux que cela puisse paraître, en quelques jours, je me sentais mieux. J’avais réussi à dormir pour la première fois depuis des semaines et, lentement mais sûrement, la quantité de liquide drainé de ma poitrine commençait à diminuer. Le cathéter a finalement pu être retiré en juillet dernier, quatre mois après son insertion. Il ne m’en fallait pas plus pour être heureuse.
Au cours de l’année passée, j’ai fait sept tomodensitogrammes, deux IRM et une scintigraphie osseuse, qui a révélé des problèmes sur trois côtes et la dégénérescence de quelques vertèbres lombaires, en plus de la dégénérescence — plus courante — des mains, des hanches et des genoux. Les médicaments de chimiothérapie passés et présents étant susceptibles d’accélérer l’amincissement des os, j’ai été mise sous perfusion intraveineuse semestrielle d’acide zolédronique pour traiter l’ostéoporose. J’ai subi deux gastroscopies avec dilatation œsophagienne pour « étirer » une sténose de la gorge, et une troisième a déjà été planifiée. Alors que mon hémidiaphragme droit est toujours bloqué en mode expiration, c’est-à-dire qu’il ne se détend pas complètement après l’expiration, ma conversion d’oxygène se situe, de manière constante, entre 97 % et 100 %.
Mais le mieux, c’est que mes récents tomodensitogrammes ont montré une réduction des lésions hépatiques, les deux plus grandes ayant été évaluées comme peu susceptibles d’être liées, et les lésions pleurales repérées sur le premier tomodensitogramme se sont fondues dans du tissu cicatriciel.
Si j’ai appris quelque chose de cette expérience, c’est que rien n’est acquis lorsqu’il s’agit du cancer. Je savoure chaque jour et commence le suivant avec de la simple gratitude. Je sais que tout peut changer en un battement de cœur et que s’inquiéter du prochain battement ne peut apporter que des palpitations. Or le stress est l’ennemi numéro un lorsque l’on est atteinte d’un cancer du sein métastatique.
Suis-je dans le déni? En partie peut-être, mais c’est ainsi que je me lève chaque matin. Je m’occuperai de demain quand il viendra et je ferai ce que je peux, aujourd’hui, pour mener une vie sans regret. Si vous vivez la même chose, je vous souhaite une longue et heureuse vie.