Lorsque le sujet d’une assurance médicaments a refait surface en 2018, le Réseau canadien du cancer du sein (RCCS) a continué de défendre l’idée d’une assurance médicaments nationale complète et équitable. Selon nous, une telle assurance devrait offrir à la population un meilleur accès aux médicaments vitaux et garantir un accès équitable à ces médicaments à l’échelle nationale. C’est pourquoi nous avons accueilli avec joie l’annonce d’un nouveau projet de loi pour la mise en place progressive d’une assurance médicaments universelle à payeur unique. Présenté le 29 février 2024, le projet de loi C-64 (Loi concernant l’assurance médicaments) doit encore passer par le processus législatif avant que la Loi entre en vigueur.
Que dit la Loi concernant l’assurance médicaments?
On sait, pour l’instant, que les contraceptifs et les médicaments pour le traitement du diabète seront couverts dès le « premier dollar », ce qui signifie que les coûts de ces deux types de médicaments seront pris en charge dans leur intégralité. Outre cet aspect bien connu, la Loi fait également référence aux principes de la Loi canadienne sur la santé et reconnaît que l’incapacité de certaines personnes à payer leurs médicaments a des répercussions sur les systèmes de santé. Pour y remédier, la mise en place de l’assurance médicaments se fera progressivement et selon un système à payeur unique qui privilégiera la collaboration entre les provinces, les territoires, les peuples autochtones et le gouvernement fédéral. Ce dernier s’est déjà engagé à financer l’assurance médicaments à long terme. En effet, en mars 2023, il a annoncé un investissement pouvant aller jusqu’à 1,5 milliard de dollars sur trois ans en soutien à la toute première Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares.
Quel avenir pour l’assurance médicaments?
Il est encore trop tôt pour savoir à quoi ressemblera l’assurance médicaments au Canada et connaître les provinces qui adopteront la Loi en premier. Bien que celles-ci aient le droit de ne pas l’adopter, il est important de rappeler qu’au moment où nous écrivons ce billet, rien n’a encore été décidé. À mesure que les négociations se dérouleront, nous pourrons avoir une meilleure idée de ce que le refus d’adoption de la Loi par les provinces signifiera pour les populations concernées. En outre, il est fort possible que la nouvelle Agence canadienne des médicaments (ACM) ait un rôle déterminant dans l’assurance médicaments. Elle pourrait, par exemple, être chargée de conseiller le ou la ministre de la Santé et d’évaluer les progrès de l’assurance médicaments. Toutefois, selon certaines critiques, le langage utilisé dans la Loi n’obligerait pas le ou la ministre de la Santé à solliciter la collaboration de l’ACM sur ces points. Pareillement, bien que le gouvernement fédéral s’engage à demander à l’ACM d’élaborer une stratégie d’achat en gros de médicaments, une liste de médicaments essentiels ainsi qu’une stratégie pancanadienne relative à l’utilisation appropriée des médicaments, celle-ci est libre de choisir la manière dont elle va répondre à ces demandes.
Qu’est-ce que cela signifie pour les personnes atteintes d’un cancer du sein?
Bien que les contraceptifs et les médicaments pour le traitement du diabète ne soient pas spécifiquement liés au domaine de l’oncologie, leur prise en charge par l’assurance médicaments est une bonne nouvelle pour les personnes atteintes d’un cancer du sein. En effet, le traitement du diabète peut s’avérer important chez les personnes atteintes d’un cancer du sein puisque les personnes diabétiques sont plus susceptibles de développer un cancer du sein et que certains traitements contre le cancer du sein peuvent augmenter le risque de diabète de type 2. Et puis, la couverture universelle des contraceptifs représente une étape importante pour la santé des femmes.
Cela dit, le RCCS a toujours prôné qu’une assurance médicaments devait améliorer l’équité et l’accès aux traitements contre le cancer du sein, ce que la Loi concernant l’assurance médicaments ne fait pas. En 2019, nous avions déterminé que l’équité, les délais, l’admissibilité, la non-assurance et la sous-assurance représentaient les principaux défis liés au traitement du cancer. Or, ces défis sont toujours d’actualité. De plus, les experts arguent qu’un accès plus rapide aux traitements devrait être l’un des objectifs principaux de l’assurance médicaments, tandis que les défenseurs des droits et des intérêts des patients insistent sur le fait que l’assurance médicaments ne devrait pas offrir une couverture moindre que celle que les assurés ont déjà.
Avec ce projet de loi sur l’assurance médicaments, la question est de savoir si l’accès aux médicaments doit être un pilier du système de santé ou s’il s’agit uniquement d’un service additionnel. Nous espérons que cette loi ravivera les valeurs canadiennes qui voudraient que l’accès aux soins soit basé sur les besoins et non sur la capacité à payer. Toutefois, certaines provinces, comme le Québec et l’Alberta, ayant déjà déclaré ne pas vouloir participer au programme national d’assurance médicaments, il semblerait également que l’on doive régler la question de la diversité des programmes de prise en charge des médicaments au Canada.