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La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole

Le stade invisible du cancer du sein

Par Elizabeth Barnes

La Course à la vie CIBC ayant bientôt lieu, je me remémore la première fois où j’ai participé à cette course en tant que patiente, il y a de cela six ans, alors que je n’avais plus de cheveux et que j’étais toujours en état de choc. Et je me dis que ma seconde participation, que je ferai cette année en tant que survivante du cancer du sein, sera bien différente de cette première expérience.

J’ai de la difficulté à utiliser le mot « survivante ». Peut-être est-ce parce que, six ans après mon diagnostic, je ne me vois toujours pas comme une survivante. Ce mot suppose qu’on s’en est sorti. Or, j’ai toujours l’impression d’y être. Je me sens terriblement coupable de ne pas me voir comme une survivante, alors que beaucoup de gens — dont ma mère et mon frère — auraient donné cher pour survivre à la maladie. Ne me méprenez pas, je suis reconnaissante d’y avoir survécu et je m’en rends compte chaque jour, et ce, même quand je dois faire quelque chose que je n’aime vraiment pas : je suis reconnaissante de pouvoir m’adonner à cette tâche, car je sais que si j’étais toujours malade, je donnerais tout ce que j’ai pour être capable de la faire. Je suis plus que reconnaissante d’avoir la chance de pouvoir vieillir, d’être avec mes proches et de pouvoir embrasser mes petits-enfants. Je le sais et je le ressens : j’ai beaucoup de chance.

Tout de suite après mon diagnostic, j’ai enchaîné analyses, rendez-vous, décisions, opérations chirurgicales et traitements, tout cela avec un fort sentiment de certitude que ma mort était imminente. Pendant que je rassurais mes enfants en leur disant que tout allait bien se passer, dans le secret, je préparais une liste de chansons pour mes funérailles. Bien que cette période entre mon diagnostic et ma dernière opération ait été terrible, quand j’y repense, tout cela m’apparaît comme un moment flou où j’étais très occupée et où j’avançais sur pilote automatique. Je n’ai vraiment aucun souvenir du temps qui passe pendant cette période-là.

Pendant les traitements, j’aimais bien rencontrer des spécialistes chaque semaine. À chaque séance de chimiothérapie, comme je savais que cela pouvait potentiellement me sauver la vie, je misais tout sur ma force mentale, même si cela m’affaiblissait énormément physiquement et que je devais subir les effets secondaires pendant des jours. Après la première opération, la chimio, la radiothérapie et une deuxième opération, on m’a déclarée « ASM », c’est-à-dire que je n’avais aucun signe de la maladie, et j’ai pu enfin sonner la cloche. À un moment donné, pendant ce périple, j’ai découvert que j’étais porteuse du gène BRCA2. Je vous raconterai une autre fois la douleur, la tristesse et la culpabilité que cette découverte a provoquées en moi. Et puis, tout d’un coup, les rendez-vous ont cessé et je ne voyais plus aucun spécialiste. J’étais ravie et en même temps… terrifiée.

Peu de gens parlent de l’après-cancer.

Cela a été dur de retourner travailler après avoir été malade pendant toute une partie de l’année. J’avais perdu le jargon lié à mon travail et je manquais cruellement de confiance en moi. Avant le cancer, j’adorais faire des gâteaux. Mais, la première fois que j’ai voulu faire des muffins, quand je me sentais mieux, je ne me rappelais plus ce que « 1/2 » voulait dire. À l’épicerie, j’avais de la difficulté à compter et à mettre cinq pommes dans un sachet; je devais m’y prendre à plusieurs reprises avant de pouvoir y arriver. J’avais entendu parler du brouillard cérébral induit par la chimio, mais là, c’était vraiment extrêmement.

Aujourd’hui, je suis physiquement guérie. Je travaille, je suis active et je suis redevenue moi-même. Mais, maintenant, chaque douleur, chaque grosseur, chaque éternuement me paralysent de peur que le cancer ne revienne. Même si six ans se sont écoulés depuis mon diagnostic, tout résultat inhabituel dans mes analyses sanguines génère en moi un sentiment d’anxiété qui m’étourdit, me fait transpirer et me donne la nausée au point que je ne puisse pas travailler. Ce sentiment d’anxiété et celui de peur que je ne connaissais pas auparavant interfèrent désormais avec mes activités quotidiennes. Même si, physiquement, je semble bien, psychologiquement, mon âme, ma psyché et ma sensation de bien-être en ont sévèrement pâti.

Six ans se sont écoulés depuis mon diagnostic et c’est seulement maintenant, après plusieurs séances de thérapie et un changement de mentalité — auparavant concentrée sur la maladie, je suis maintenant concentrée sur mon bien-être —, que j’ai l’impression que je vais peut-être arriver à redevenir la personne que j’étais avant. Et puis, de toutes les façons, si je dois retomber malade, autant que je sois en pleine santé quand cela arrivera. Je me sens changée par l’après-cancer, possiblement plus que par le cancer lui-même. Que cela soit rationnel ou pas, je ne peux m’empêcher de voir la récidive pointer son bout de nez à chaque coin de rue. Quand j’étais malade, ma santé mentale soutenait ma santé physique. Maintenant que je suis au stade de la survie, c’est ma santé physique qui nourrit ma santé mentale. On n’est jamais prêt quand le cancer survient, mais on ne l’est pas plus pour l’après-cancer, ce stade invisible et long.

Cette fois-ci, je cours pour faire de la sensibilisation à tous les stades du cancer, qu’ils soient visibles ou invisibles, à la force mentale qu’il faut avoir pendant et après un cancer et au cancer héréditaire; et puis je cours aussi pour ma maman et mon frère.


Les points de vue et les expériences exprimés à travers les histoires personnelles sur le blog Our Voices sont ceux des auteurs et de leurs expériences vécues. Ils ne reflètent pas nécessairement la position du Réseau canadien du cancer du sein. Les informations fournies n’ont pas été examinées médicalement et ne sont pas destinées à remplacer un avis médical professionnel. Demandez toujours conseil à votre équipe de soins lorsque vous envisagez vos plans et objectifs de traitement.