Par Adriana Ermter
Dans notre rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein.
Ce matin, je n’avais aucun espoir. Non. Je n’avais pas encore pris mon déjeuner et mon esprit était complètement accaparé par ce nœud que j’avais à l’estomac : un sentiment persistent d’anxiété et de frustration, et cette certitude que je ne savais vraiment pas ce que je faisais de ma vie ni ce que l’avenir me réservait.
Rien de tout cela n’a à voir avec le cancer du sein. La tumeur a été extraite de mon corps, les traitements quotidiens sont derrière moi et j’ai jeté mon dernier flacon de tamoxifène. Je n’ai plus de cancer. Lors de ma dernière visite de contrôle, qui comprenait une mammographie et une échographie, mon médecin m’a donné le feu vert pour vivre comme je le voulais jusqu’à ma prochaine visite de contrôle, dans six mois.
Alors, quel est le problème? C’est la question à un million de dollars!
Coincée
Au lieu d’être envahie par la joie de savoir que je n’ai toujours aucun cancer, je me sens coincée, comme si mon esprit était figé et que mon corps était emprisonné — la faute au tamoxifène, certainement. Même mon compte en banque, le nombre de « J’aime » sur mon profil Hinge et le manque de messages dans ma messagerie semblaient suggérer que je m’enlisais : je me sentais coincée, coincée, coincée! Et ça me faisait ch...!
Croyez-moi, je ne suis pas en train de m’apitoyer sur mon sort ni de demander, de manière passive-agressive, à quelqu’un — n’importe qui — de me sauver! Je suis juste en train de décrire mon état d’esprit du moment. Même si je ne suis pas comme ça tous les jours, je le suis assez souvent pour avoir envie d’en sortir. Je ne supporte pas d’être comme ça, c’est horrible. Et puis, je vais devoir faire beaucoup d’efforts pour me sortir de cet état et me sentir mieux or, je n’ai pas envie d’en faire. Je déteste me sentir coincée et, en même temps, je me sens bien comme ça.
Mon refuge
Assise sur mon canapé, habillée en mou et mes deux chats au pelage soyeux ronronnant à côté de moi, je regarde les femmes de The Real Housewives of New Jersey hurler entre elles. C’est là où j’en suis et c’est biiiien mieux comme ça : je peux m’apitoyer sur mon sort et me replier sur moi-même. Si j’étais toujours dans ma période où je mangeais de la pâte à biscuits à saveur de gâteau d’anniversaire de Pillsbury — tellement bon — tout en secouant la tête devant le narcissisme hallucinant de Teresa et le léchage de bottes pitoyable de Jackie, c’est ce que je serais sans aucun doute en train de faire! Je ne m’embêterais même pas avec cette histoire d’espoir! Mais, récemment, j’ai décidé de réduire mon apport alimentaire en sucre et les tranches de pomme que je suis en train de manger ne favorisent pas le mode léthargique. Maintenant, j’ai besoin de vraies endorphines.
La Bitter Betty en moi ricanerait sûrement et se dirait : « Laisse faire, ça n’en vaut pas la peine. Va plutôt te chercher de la pâte à biscuits. » (Betty est quelqu’un d’autoritaire et a l’habitude qu’on fasse comme elle veut.) Le problème, c’est que ça en vaut la peine! Cela fait des mois que je me bats contre ce manque d’espoir et, lorsque j’aimerais me complaire dedans, quelque chose en moi fait tilt et m’empêche de me laisser aller. Ce matin, j’ai eu un de ces épisodes de désespoir, mais à la seconde où j’ai commencé à écrire mon article et à décrire à quel point je me sentais grognon, mon moral est remonté. Pas bien haut, mais juste ce qu’il faut.
Ma routine matinale
C’est libérateur d’étaler ces sentiments déplaisants comme ça, au vu et au su de tous — mais aussi dans mon journal, pour moi-même. Ça me permet d’évacuer la pression qui est en moi. Aussi, dans les matins comme ce matin, lorsque je sens une forte résistance à vivre, je prends le carnet que j’ai acheté au Dollar Store et j’y décris ce que je ressens.
Cette routine matinale, je l’ai depuis bien avant mon cancer du sein. Ce n’est pas glamour, mais ça marche. Et elle ne s’arrête pas là : j’avale aussi trois verres d’eau, je lis quelques pages ou un chapitre d’un mémoire quelconque, je remplis les pages du jour d’un cahier de développement personnel, je fais un peu de méditation — honnêtement, il s’agit juste de faire des exercices de respiration les yeux fermés jusqu’à ce que mon programme de la journée envahisse mon esprit — et je fais un peu d’écriture libre dans mon journal. Cette routine, c’est ma bouée de secours. Toute comme la respiration, elle m’est essentielle pour vivre et, quand je ne la fais pas, je ressens ce même sentiment d’inconfort que je ressens quand je quitte la maison sans mon téléphone.
Besoin de plus
Depuis peu, environ les trois derniers mois, cette routine matinale ne me suffit plus. Mon niveau de stress, dû à la peur de la récidive et au fait de m’être rendu compte que j’alternais constamment entre anxiété et attente, s’est intensifié et se manifeste dans tous les aspects de ma vie.
Après être restée couchée dans mon canapé pendant des mois pendant et après mes traitements contre le cancer du sein, je m’étais promis d’accomplir mes rêves une fois que j’aurais recouvré la santé et de l’énergie. Si j’ai pu, effectivement, réaliser certaines choses de ma liste, je n’ai rien fait des choses les plus importantes. Je ressens un vide, comme si je ne vivais pas pleinement ma vie. J’ai laissé la peur et l’inquiétude s’emparer de moi, et maintenant je n’ai plus d’espoir quant à mon travail, mon apparence physique et mon état d’esprit. J’étais trop occupée à me replier sur moi-même.
Ça a été très dur à admettre. J’ai pris tout mon temps pour y faire face et agir. Mes séances de thérapie hebdomadaires et les balados motivationnels m’ont bien aidée. Mais pour être honnête, le fait qu’une ancienne amie qui avait eu un parcours similaire au mien — sans le cancer — ait maintenant une carrière très réussie et soit peut-être devenue millionnaire a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Je sais, c’est petit de ma part, mais merci, mon Dieu, car cela m’a permis de me bouger.
En route vers l’espoir
Ma nouvelle approche ne comporte rien d’extraordinaire ni d’innovant. J’aurais bien aimé! Non, je m’y prends lentement, mais sûrement, pour me motiver à être plus efficace dans mon travail, l’activité physique et ma vie sentimentale, et pour me débarrasser de cette peur de la récidive omniprésente.
Le fait de nager deux fois par semaine à la piscine communautaire a été un catalyseur important. Mais ce n’était pas gagné d’avance. Comme la tumeur se trouvait sous mon aisselle et sur le côté de mon sein droit, on m’a enlevé un gros morceau de chair ainsi que plusieurs ganglions lymphatiques, ce qui fait que ma récupération physique se faisait lentement. Ça m’a pris plusieurs mois à trouver une routine de natation qui me satisfaisait. Au début, j’ai dû me faire aider par un adolescent de 16 ans pour réapprendre les mouvements, puisque mon épaule droite et les muscles de mon bras avaient été affectés par l’opération. Quand on y pense, c’est drôle, parce que j’ai encadré des athlètes de haut niveau en natation artistique — anciennement natation synchronisée — au niveau national. J’ai fait preuve d’humilité et maintenant, nager est la seule chose que je souhaite faire. Ces mouvements réguliers, même je les réalise à la vitesse d’une tortue, me permettent d’éclaircir mon esprit et de faire de la place pour de l’espoir.
J’utilise la règle des cinq secondes, de Mel Robbins, une conférencière en motivation, qui consiste à compter à rebours à partir de 5 – 5, 4, 3, 2, 1 — pour parvenir à éteindre la télé et à me lever du canapé. Cela a pour effet de m’encourager à allumer mon ordinateur et à travailler sur mes projets personnels de façon plus régulière, et pas juste les projets que je fais dans le cadre de mon travail. Même si je n’écris qu’un seul mot ou que je relis des paragraphes déjà écrits, je me sens mieux et plus légère. Je ne sais pas pourquoi ce compte à rebours est plus efficace que le fait d’essayer moi-même de motiver à agir, mais ça l’est et je suis reconnaissante aux femmes comme Mel de partager leur sagesse de manière si authentique et avec le public afin que nous puissions en tirer parti. Ce qui m’amène à vous parler de mon troisième point : la gratitude.
Lorsque j’écris dans mon journal, je prends toujours quelques minutes pour écrire ce en quoi je suis reconnaissante. Je mentionne toujours mes chats, Murphy et Olive. Parfois, j’inclus le fauteuil en velours vert que j’ai acheté en solde, en ligne, il y a huit ans, après l’avoir zieuté pendant six mois. Je peux également parler des peintures que j’ai faites, encadrées et accrochées aux murs de mon condo. Je suis toujours reconnaissante pour mon condo; j’adore ce petit cocon que j’ai acheté avec mon propre argent.
La semaine dernière, j’ai écrit que j’étais reconnaissante d’avoir pu voir un roselin familier à gorge rouge qui était venu se poser sur mon balcon. Je n’en avais jamais vu auparavant, et comme je vis dans un gratte-ciel en centre-ville, son apparition avait quelque chose de spécial. Je savais que sa venue n’avait rien d’un hasard et qu’il était là pour me délivrer un message. (Je sais, j’ai l’air un peu folle, mais je suis sérieuse, vous allez voir!) J’ai donc effectué une recherche en ligne sur cet oiseau et j’ai découvert qu’il symbolisait la joie, la liberté et l’amour, et qu’il était signe d’une transformation et d’un développement spirituel puissants. On l’associe à l’énergie, à la chance et à la prospérité. Il sait s’adapter, est résilient et florissant. Sa venue apporte un message de joie et d’espoir, et le sentiment que l’on est sur la bonne voie.
Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Living Luxe, Figure Skater Fitness et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec ses deux chats, Murphy et Olive. Vous pouvez la suivre sur Instagram (@AdrianaErmter)