Il y a environ dix ans, Charlotte Pennell taillait les arbustes de son jardin à Winnipeg. Une branche lui sembla particulièrement difficile à couper. Elle baissa les yeux et remarqua qu’elle coupait un de ses doigts. Elle fut horrifiée en constatant qu’elle ressentait aussi peu de sensations dans sa main.
Depuis 2007, cette survivante du cancer du sein vit avec des lésions nerveuses, de la douleur et l’engourdissement de sa main et de son bras gauches qui nuisent à tous les aspects de son quotidien. Elle éprouve de la difficulté à s’habiller, à boutonner ses vêtements et à mettre des boucles d’oreille. Utiliser un couteau pour couper des aliments s’avère ardu. Elle ne peut pas soulever d’objets lourds ou lever les bras au-dessus de sa tête. Elle dut échanger sa voiture à transmission manuelle contre une à transmission automatique.
Elle fut également contrainte de renoncer à la pratique de nombreuses activités qu’elle affectionnait. Elle ne peut plus boxer, ni faire du kayak, ni pagayer avec son équipe de bateau-dragon, Chemo Savvy. Courir est hors de question à cause des risques de chute. À la place, elle marche, pratique un yoga modifié et nage en utilisant son bon bras.
Charlotte vit avec une maladie appelée plexopathie brachiale induite par la radiothérapie. Il s’agit d’un rare effet secondaire de la radiothérapie destinée à traiter le cancer du sein. Elle touche environ un pour cent des patientes et survient lorsque le traitement endommage le plexus brachial, une zone située de part et d’autre du cou où les racines nerveuses de la moelle épinière se scindent pour devenir les nerfs de chaque bras.
La maladie de Charlotte est si inusitée qu’il s’avéra impossible pour la Société canadienne du cancer de trouver une paire aidante bénévole atteinte de la même maladie. La plupart des membres de son équipe médicale ne savaient pas comment l’aider non plus. Des médecins émirent l’hypothèse qu’elle avait un nerf coincé ou qu’elle avait surutilisé son épaule en faisant du bateau-dragon. Ils réalisèrent une scintigraphie cérébrale pour vérifier si elle souffrait d’une tumeur cérébrale. La possibilité d’une crise cardiaque fut même examinée.
Pendant sept ans, Charlotte tenta d’obtenir un diagnostic. Une infirmière du Breast & Gyne Cancer Centre of Hope d’Action cancer Manitoba la renvoya vers un radio-oncologue d’Action cancer Manitoba qui l’écouta et posa le diagnostic exact. Charlotte fut reconnaissante d’enfin pouvoir mettre un nom sur ses difficultés.
Il n’existe aucun remède contre la plexopathie brachiale. Charlotte soulage sa douleur à l’aide de médicaments. Découvrir le bon ne fut pas facile. « La douleur névralgique ne répond pas aux analgésiques typiques », affirme-t-elle. Aussi, quand elle consomme trop de médicaments, elle devient maladroite et perd l’équilibre. Lorsqu’elle n’en prend pas assez, la douleur devient trop intense. Ce n’est que cette année qu’elle est parvenue à trouver la dose idéale.
Charlotte reçut un diagnostic de cancer du sein de stade IIb en 2001. Elle découvrit une bosse dans son sein. Une mammographie et une biopsie plus tard, le diagnostic fut confirmé. Elle subit ensuite une mastectomie, une chimiothérapie et une radiothérapie.
Puisque son cancer possédait des récepteurs d’œstrogènes positifs, elle prit du tamoxifène pendant deux ans et un inhibiteur d’œstrogènes pendant quatre ans.
Craignant une récidive, elle subit une mastectomie prophylactique en 2003. Elle considérait qu’il était préférable pour elle d’avoir recours à une telle intervention pendant qu’elle était encore jeune et forte. Elle n’opta pas pour une reconstruction. Elle ne porte des prothèses que lorsqu’elle veut être plus chic. « Mon apparence ne me préoccupe pas », soutient-elle.
La plexopathie brachiale ne se manifesta qu’en 2007.
Charlotte aurait aimé que ses médecins lui fassent connaître l’existence de cette maladie avant d’entreprendre les traitements de radiothérapie. « Je ne me rappelle pas entendre quiconque me dire que les lésions nerveuses constituaient un effet secondaire de la radiothérapie », déclare-t-elle. « Des explications plus approfondies seraient peut-être de mise. »
Elle demanda à ses médecins pourquoi ils ne lui avaient pas parlé de ce risque. « Ils répondirent qu’ils ne voulaient pas m’effrayer. » Charlotte soutient qu’elle aurait quand même accepté le traitement. Elle aurait cependant aimé être mieux informée.
Son cancer du sein lui enseigna à s’affirmer davantage. « Si je suis en désaccord avec quelque chose, je ne la tolère plus. J’écoute plus mon corps et je prends plus soin de moi. Je mange mieux. Je suis beaucoup plus en forme. J’évite le stress. Je m’assure de faire des choses que j’aime et je m’abstiens de faire celles que je n’aime pas. »
En tant qu’enseignante à la retraite, elle est reconnaissante d’avoir les moyens d’embaucher des personnes pour nettoyer sa maison et pelleter son entrée. Elle peut également appeler son fils et ses filles pour obtenir de l’aide. « Je peux ménager mon bras pour autres choses », déclare-t-elle.
Charlotte, âgée de 71 ans, ne sait pas à quelle vitesse sa plexopathie brachiale évoluera. Elle vit donc au jour le jour. Elle peut encore utiliser son pouce gauche et deux doigts pour saisir des objets. « Tant que ça reste comme ça, je peux me débrouiller », soutient-elle.