Ces dix dernières années, les taux d’incidence du cancer du sein sont restés relativement stables. Toutefois, de récentes études montrent que le taux d’incidence du cancer du sein augmente rapidement chez les femmes américaines d’origines asiatiques. Depuis 2000, celui-ci a augmenté de 50 % chez les femmes d’origines asiatiques et chez les femmes originaires des îles du Pacifique de moins de 50 ans. Selon un rapport publié en 2024 par l’American Cancer Society, cela représente une augmentation de plus de 2 % chaque année depuis 2012.
Avant de nous plonger dans ces nouvelles données, expliquons tout d’abord l’utilisation du terme « femmes américaines d’origines asiatiques ». Les données dont il est question ici sont basées sur des statistiques américaines, car ce type de données démographiques relatives à la santé fait l’objet d’une collecte active aux États-Unis. Tandis qu’au Canada, nous disposons de données limitées sur les races, les revenus et autres facteurs sociaux, car nous n’en recueillons tout simplement aucune. Il nous est donc difficile d’identifier les tendances canadiennes, telles que l’augmentation du taux d’incidence du cancer du sein chez les femmes d’origines asiatiques, et nous sommes contraints de baser nos analyses sur des statistiques américaines qui ne reflètent pas forcément la situation ici. Si vous souhaitez en savoir plus sur la collecte de données raciales et ethniques, vous pouvez lire un récent article de blogue que nous avons publié ici.
En 2000, le taux d’incidence du cancer du sein chez les femmes d’origines asiatiques et les femmes originaires des îles du Pacifique de moins de 50 ans représentait le deuxième taux d’incidence le plus bas de tous les groupes ethniques. Or, selon le rapport cité précédemment, le taux d’incidence du cancer du sein chez ces femmes est devenu le taux le plus élevé et est le même que celui que l’on retrouve chez les femmes blanches, soit environ 86 cas pour 100 000 personnes. Parmi les femmes d’origines asiatiques, les femmes d’origines coréenne, chinoise, philippine et sud-asiatique encourent le risque le plus élevé de développer un cancer du sein. Alors que la plupart des femmes d’origines asiatiques, notamment les femmes d’origines chinoise et japonaise, sont moins susceptibles de mourir d’un cancer du sein que les femmes blanches, le taux de mortalité est plus élevé de 30 % chez les femmes d’origine philippine et celles originaires des îles du Pacifique.
Les taux d’incidence et de mortalité varient largement en fonction des groupes ethniques et les personnes d’origines asiatiques sont très diverses — plus de 40 pays et un nombre innombrable de groupes ethniques. Dans les statistiques sur le cancer du sein, les femmes d’origines asiatiques sont souvent regroupées en un seul groupe, faisant ainsi fi des différentes cultures, langues et origines historiques des différentes communautés. Or, ces différences pourraient influer sur des facteurs comme les taux de dépistage, le nombre de diagnostics précoces et tardifs, les connaissances médicales, l’accès aux services médicaux et d’autres facteurs liés au signalement et à la prévalence.
Par exemple, deux des indicateurs communément utilisés pour évaluer le risque de cancer du sein, l’index de masse corporelle (IMC) et la densité mammaire, sont principalement basés sur les populations d’origine caucasienne et peuvent ne pas être fiables pour évaluer le risque de cancer du sein chez les femmes noires et les femmes d’origines asiatiques. Afin de créer des outils plus fiables pour déterminer le risque de cancer du sein chez ces femmes, il faudrait, par exemple, commencer par définir des normes d’IMC spécifiques à ces populations. La densité mammaire peut également s’avérer être un indicateur peu fiable chez les femmes d’origines asiatiques, puisque celles-ci ont généralement des seins denses. Enfin, les directives préconisant de commencer le dépistage du cancer du sein à 50 ans peuvent s’avérer inutiles puisque l’on constate une forte augmentation du taux d’incidence du cancer du sein chez les femmes d’origines asiatiques âgées de 45 à 49 ans.
Le taux de dépistage du cancer du sein est l’un des plus bas chez les femmes d’origines asiatiques et les femmes originaires des îles du Pacifique. De plus, lorsqu’on leur demande de faire plus d’analyses après une mammographie, elles ont tendance à ne pas les faire ou à les faire beaucoup plus tard. Cela est dû au fait que les préjugés sur le cancer sont encore très présents dans beaucoup de communautés asiatiques, ainsi que la croyance selon laquelle on ne doit consulter un médecin que si une douleur ou une maladie devient insupportable. Les maladies et autres problèmes de santé sont souvent vus comme des problèmes personnels que l’on doit résoudre ou subir par soi-même. Enfin, on considère souvent que parler de ses problèmes de santé avec ses proches ou sa famille ne fait que leur occasionner un stress inutile et que cela positionne la personne comme un fardeau financier ou émotionnel.
Il a été démontré que le fait d’avoir accès à un fournisseur de soins culturellement compétent ou qui parle la même langue avait un impact positif sur la santé des personnes d’origine non caucasienne. Cela serait non seulement utile pour les personnes d’origines asiatiques, mais aussi pour les personnes d’autres origines ethniques, telles que les autochtones, les noirs et les hispaniques. Cela peut s’avérer un pas important vers l’établissement de systèmes de santé plus inclusifs.
La collecte et l’organisation de données selon les groupes ethniques sont importantes pour comprendre les raisons de l’augmentation rapide du taux d’incidence du cancer du sein chez les femmes d’origines asiatiques. En plus d’inclure les populations multiculturelles dans les études et les essais cliniques afin de permettre une meilleure compréhension de l’issue du cancer du sein dans certains sous-groupes, les chercheurs devraient également chercher à mieux comprendre les lacunes des systèmes de santé à l’égard des différentes communautés ethniques. Mais, pour ce faire, il faudrait commencer par recueillir des données pertinentes.