En octobre 2013, Allegra Kawa, qui habite Edmonton, subit l’ablation chirurgicale de ses deux seins. Elle songe également à la possibilité d’opter pour une hystérectomie et une ovariectomie.
Elle n’avait pas le cancer et elle était en pleine santé. Cependant, d’importants antécédents familiaux de cancers du sein et de l’ovaire l’avaient encouragée à se soumettre à des tests génétiques. Elle découvrit ainsi qu’elle était porteuse d’une mutation du gène BRCA1, ce qui l’exposait à un risque élevé de souffrir de ces cancers.
Elle avait vu sa cousine mourir à 30 ans d’un cancer du sein métastatique. Sa grand-mère maternelle fut atteinte d’un cancer de l’ovaire à 40 ans avant de décéder six ans plus tard. Sa mère eut un cancer du sein à 35 ans.
Allegra affirme qu’habituellement, les opérations prophylactiques sont effectuées lorsque la patiente est âgée de 25 ans et plus. Toutefois, son risque était tellement élevé qu’elle fut opérée à 23 ans.
L’intervention chirurgicale qu’elle subit consistait en une incision sous le sein, ce qui préservait son mamelon. Le tissu mammaire était ensuite retiré pour permettre la pose d’un expanseur tissulaire sous le muscle pectoral.
Pendant six semaines, de l’eau saline était graduellement ajoutée dans la prothèse d’expansion afin d’étirer la peau. Puis, en mai 2014, l’expanseur fut enlevé et les implants, insérés.
Au cours de la période d’étirement de la peau, « la pression sur le mamelon devint si grande que l’aréole se décolora et perdit sa forme », déclare Allegra. Elle décida de se faire tatouer l’aréole pour lui redonner sa couleur.
Cela ne constitua toutefois pas pour elle la fin des procédures chirurgicales. Plus tard, elle tomba et se blessa au sein. Les chirurgiens tentèrent de réparer les dégâts. Ils s’inquiétèrent de la possible présence d’un lymphome. Ils prélevèrent alors du tissu supplémentaire et le firent analyser en laboratoire.
Aucune trace de lymphome ne fut trouvée, mais Allegra était restée avec un sein qui « tombait en quelque sorte, qui ne paraissait plus aussi joli ». Elle en éprouvait une grande gêne et voulait se cacher de son mari.
« Cela me mena à un état un peu dépressif. Je me disais “Je ne serai plus belle à ses yeux”. Cette situation constitua un obstacle à nos relations intimes. »
Une autre opération permit une légère amélioration de son apparence. « Ils tentèrent de le réparer, mais tout ne fut pas réglé. Je me dis alors : “Je vais simplement continuer à vivre ma vie” », soutient-elle.
En 2017, son mari et elle éprouvèrent des difficultés conjugales et ils se séparèrent.
Un mois plus tard, Allegra donnait naissance à son fils, son rayon de soleil. Elle ne pouvait pas allaiter. Elle fut « très agacée » par les gens qui lui demandaient pourquoi elle avait recours à du lait maternisé. « Si vous allaitez en public, on vous regarde de travers. Et si vous n’allaitez pas, on vous regarde aussi ainsi. Quoi que nous fassions, nous avons tort ! »
Même si la probabilité pour Allegra de souffrir d’un cancer du sein est grandement réduite, son risque de cancer de l’ovaire demeure élevé. Lorsqu’elle atteindra 34 ans, elle commencera à passer des tests de dépistage du cancer de l’ovaire. Elle devra également décider si elle subira ou non l’ablation des ovaires et de l’utérus.
« Ils voudraient que je me prononce avant d’avoir 40 ans idéalement parce que c’est à cet âge que mon risque sera le plus élevé. Cette décision est sans doute la plus terrifiante pour moi, car en tant qu’infirmière, je connais l’importance de l’œstrogène et des ovaires pour la santé des femmes, surtout pour les santés cardiovasculaire et osseuse. »
Elle songe à opter pour l’hormonothérapie substitutive parce que, explique-t-elle, « la ménopause provoquée par une opération commencerait d’un coup, sans la progression qui se fait habituellement naturellement au cours d’une vie. Il s’agit d’un gros choc pour le corps. » Son risque de cancer du sein s’avère plus faible à cause de sa double mastectomie. Conséquemment, l’hormonothérapie substitutive représente un risque moindre pour elle que pour les autres femmes qui ont encore leurs seins.
Allegra affirme qu’elle reçut de « bons soins » de la part du chirurgien généraliste et du chirurgien plasticien qui effectuèrent sa mastectomie et sa reconstruction mammaire. Cependant, il lui avait manqué de l’information concernant spécifiquement les mastectomies prophylactiques. La plupart des renseignements obtenus s’adressaient aux patientes atteintes d’un cancer du sein.
Elle aurait aimé savoir davantage à quoi ressembleraient ses seins au toucher après une mastectomie et à quoi s’attendre pour l’opération et le rétablissement. Elle ne savait pas non plus ce qu’elle devait mettre dans sa valise en prévision de son séjour à l’hôpital. De plus, elle aurait souhaité que son mari reçoive plus de soutien.
Elle constate que ses seins paraissent maintenant moins sensibles. « La poitrine devient très froide très vite et on ne s’en rend pas compte », soutient-elle.
Elle recommande d’utiliser un cordon placé autour du cou pour tenir les drains pendant la douche. (Les drains sont des tubes de plastiques insérés dans la zone opérée pour en retirer le liquide. Ils sont enlevés quelques semaines après l’intervention chirurgicale.)
Elle suggère également de poser beaucoup de questions à l’équipe médicale et à d’autres patientes qui ont vécu la même chose. Elle considère que la Journée de sensibilisation à la reconstruction mammaire (qui se tient annuellement en octobre) et la Hereditary Breast and Ovarian Cancer Society s’avèrent de bonnes sources d’informations.
Allegra souhaite dire aux autres patientes qui s’apprêtent à vivre la même expérience qu’elle que « vous n’avez pas à être seule. Entourez-vous des membres de votre famille. Des gens que vous aimez. Ne vous isolez pas. Vous avez la possibilité de prendre une décision pour vous. Ne laissez personne la prendre à votre place. Si le dépistage est la voie que vous désirez suivre, allez-y. Si vous changez d’idée, c’est correct. Vous avez le plein contrôle de votre corps. »