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La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole

Accident vasculaire cérébral, COVID, cancer : la lutte d’une soignante elle-même frappée par le cancer du sein

Par Monique Tremblay

Les soignants s’entendent souvent dire « vous devez prendre aussi soin de vous lorsque vous prenez soin des autres ». Facile à dire, pas facile à faire.

Cette phrase, je l’ai écrite en juin 2021 en vue de mon mémoire. À ce moment-là, je ne savais pas que 15 mois plus tard, j’écrirais sur un tout autre défi qui se présenterait à moi. Avant de vous raconter mon expérience avec le cancer du sein, je dois vous présenter le contexte dans lequel je vivais.

En décembre 2005, Rick, mon mari, a fait un accident vasculaire cérébral. Ça a complètement changé nos vies. Depuis, il est en soins de longue durée et moi, je suis devenue sa soignante. Il m’avait fallu des années pour mettre en place une routine qui me permettait de prendre soin de moi-même. Mais, en 2020, la COVID est arrivée et cela a tout chamboulé : le système de soins de longue durée déjà dysfonctionnel s’est transformé en vrai chaos. Confinement, test PCR, vaccin, tous ces mots étaient entrés dans mon vocabulaire de tous les jours. Pour couronner le tout, mon mari et moi avons dû subir une séparation forcée pendant 137 jours. Nous étions tout juste autorisés à nous parler sur FaceTime une fois par semaine, pendant 30 minutes. Et puis, en août 2022, les choses sont finalement plus ou moins revenues à la normale.

Cette normalité a duré jusqu’au 26 septembre 2022, date à laquelle on m’a fait un prélèvement pour une biopsie. Le 11 octobre 2022, je recevais les résultats de la biopsie : « carcinome canalaire invasif au stade 2 »! Je suis passée de la frénésie à la peur. J’ai demandé à mon médecin si je devrais subir une mastectomie, comme ma mère. Il m’a rassuré : « Non. Il a été détecté tôt. Il y a 17 ans, lorsque votre mère avait le cancer, les traitements n’étaient pas aussi avancés ». Après l’appel, je suis restée là assise, en silence. Mes pensées défilaient dans tous les sens et mon imagination alimentait ma peur.

Tout au long de ma lutte contre le cancer, je n’arrêtais pas de penser à Rick. Qu’allait-il devenir si je mourais? Si je me basais sur mon expérience, les faits et mon instinct, j’avais l’impression qu’il serait abandonné à son sort, qu’on l’oublierait et qu’il resterait seul, comme la plupart des personnes en soins de longue durée. Quelques amis pourraient éventuellement décider de l’aider, mais je ne pouvais pas compter là-dessus. Mon esprit et mon cœur me disaient que je n’avais qu’une seule option : je devais me battre et vaincre le cancer. Je ne pouvais pas me cacher sous les couvertures, me lamenter dans mon coin et jouer la victime. Je devais absolument faire face à ma peur.

Pendant cette période, prendre soin de moi n’a pas été facile. J’étais terrifiée et je me sentais terriblement seule. Quand Rick avait eu son accident vasculaire cérébral, beaucoup de nos proches n’avaient pas su comment réagir et cela m’avait profondément surprise et blessée. Petit à petit, ils avaient tous disparu de notre vie. Seuls quelques-uns étaient encore là. J’ai mis mes craintes de côté et annoncé mon diagnostic aux personnes qui, je l’espérais, resteraient à mes côtés si j’avais besoin d’elles. Hélas, ces personnes ont elles aussi disparu. J’avais l’impression d’avoir une « date de péremption » inscrite sur le front qui donnait la permission aux gens de m’abandonner parce que j’avais un cancer.

Néanmoins, je n’avais pas tout perdu. J’ai pu bénéficier du soutien de quelques membres de ma famille, d’autres amis et de quelques connaissances avec lesquelles j’avais repris contact. Ces personnes m’ont accompagnée à mes rendez-vous médicaux, m’ont aidé avec mes tâches ménagères et sont même venues m’aider à décorer le sapin de Noël. Mais surtout, je pouvais leur téléphoner quand j’avais besoin de parler. Elles m’écoutaient alors avec empathie et sans jugement. Elles m’ont prouvé qu’il existait encore des gens formidables qui tenaient à moi.

Mon expérience en tant que soignante et victime d’un cancer du sein m’a appris qu’il est important pour moi d’écrire ce que je vis. L’écriture en temps réel m’a permis de garder la tête sur les épaules, du moins à certains moments. Cela m’a permis de réfléchir sur ce qui se passait et de penser à ce qui s’en venait. Biopsie, opération, irradiation, traitements médicamenteux… J’ai consigné chaque étape, chaque émotion et tout ce que j’ai appris pendant cette période. Ces histoires feront partie de mon mémoire. Je pense qu’il est important pour les soignantes atteintes d’un cancer du sein, en particulier pour celles qui s’occupent de personnes en soins de longue durée, de lire mes histoires. Elles parlent d’autosuffisance et, dans une moindre mesure, d’obstination.

Et puis, dans ma lutte contre le cancer, j’ai une arme secrète : un sens de l’humour espiègle et sarcastique! Il me permet de préserver ma santé mentale à certains moments. Cela fait 18 ans que je l’utilise dans mon quotidien de soignante. J’ai toujours de la difficulté à prendre soin de moi, mais je m’y efforce chaque jour. Mes cicatrices émotionnelles et ma nouvelle cicatrice de 2,5 pouces sur la poitrine attestent de mon courage.

Monique Tremblay est co-auteure de Musically Yours. Aujourd’hui, elle s’attelle à compiler ses expériences en tant que soignante et victime du cancer du sein pour un futur mémoire. Pour en savoir plus, visitez son site Web (en anglais).


Les points de vue et les expériences exprimés à travers les histoires personnelles sur le blog Our Voices sont ceux des auteurs et de leurs expériences vécues. Ils ne reflètent pas nécessairement la position du Réseau canadien du cancer du sein. Les informations fournies n’ont pas été examinées médicalement et ne sont pas destinées à remplacer un avis médical professionnel. Demandez toujours conseil à votre équipe de soins lorsque vous envisagez vos plans et objectifs de traitement.