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La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole

Les points de vue et les expériences exprimés à travers les histoires personnelles sur le blog Our Voices sont ceux des auteurs et de leurs expériences vécues. Ils ne reflètent pas nécessairement la position du Réseau canadien du cancer du sein. Les informations fournies n’ont pas été examinées médicalement et ne sont pas destinées à remplacer un avis médical professionnel. Demandez toujours conseil à votre équipe de soins lorsque vous envisagez vos plans et objectifs de traitement.

Cinq choses qui créent de la joie dans ma vie

Dans cette nouvelle rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein.

Par Adriana Ermter

C’est drôle que le cancer ait modifié ce que je pense de moi-même et de ma vie. Cela n’a rien eu de comique même si, croyez-moi, j’aurais aimé rire davantage. Il ne s’agissait pas non plus d’une sorte de questionnement existentiel, même si je me suis torturé l’esprit les premières semaines suivant mon diagnostic pour trouver une explication à l’apparition de mon cancer du sein. Selon moi, c’était parce que je n’ai pas utilisé de crème solaire enfant, que j’ai bu et fumé durant ma vingtaine, que j’ai travaillé 80 heures par semaine pour gravir les échelons pendant ma trentaine et que j’ai traversé l’épreuve d’un déchirant divorce qui m’a anéantie durant ma quarantaine. Mais ce n’était pas le cas.

D’après tous les membres de mon équipe médicale, aucun de mes comportements passés ni de mes expériences antérieures ne pouvait expliquer la bosse dure qui se développait dans mon aisselle droite. Le cancer du sein apparaît de façon aléatoire, m’ont-ils affirmé. Alors même si la Société canadienne du cancer affirme que, quotidiennement, 75 Canadiennes reçoivent un diagnostic de cancer du sein et que 14 en meurent (ce qui correspond en passant à 27 375 diagnostics et 5 110 décès annuellement), à moins d’avoir des antécédents familiaux, d’avoir préalablement subi une radiothérapie, d’avoir déjà eu un autre type de cancer, d’être âgée de plus de 50 ans — cette tranche d’âge constitue 83 % de tous les nouveaux cas de cancer du sein selon le gouvernement du Canada — vous n’êtes pas à risque.

Je n’avais aucun coupable à pointer du doigt. J’ai ressenti une très grande déception. Je voulais m’accuser. J’avais besoin d’une raison qui expliquait mon cancer. Sinon, pourquoi moi ?!

J’aurais pu me vautrer dans cet état d’esprit pendant un certain temps. Parfois, je pense que j’aurais dû le faire. Après tout, gérer un cancer du sein se classe assez haut dans l’échelle des choses désagréables. En plus, il m’aurait été facile de justifier ainsi l’ingestion d’une grande quantité crème glacée à la pâte à biscuits. Mais je n’ai pas fléchi. Quelque chose au plus profond de mon être, que je n’arrive pas à expliquer, mais qui a toujours été là, m’a plutôt fait trouver le côté positif de chaque instant.

Je sais. Ça fait cliché. À tel point que j’ai effacé puis recopié à deux reprises la fin du précédent paragraphe. Mais c’est tellement vrai que je la garde. Parce que, de toute évidence, si mon choix avait été le moindrement calculé, j’aurais opté pour la crème glacée, collectionné les pantalons en coton ouaté puis évité les miroirs. Pendant que le médecin tapotait le scintigramme en noir et blanc sur lequel apparaissait ma lésion à l’aisselle et que ses paroles « vous avez un cancer du sein » flottaient dans les airs, voir le bon côté des choses est la seule idée qui m’a traversé l’esprit. C’est donc ce que j’ai fait. J’ai déduit que je n’avais rien à perdre. Et vous savez quoi ? Cela a été une sage décision : elle m’a aidée à demeurer confiante en l’avenir du début de mon parcours contre le cancer jusqu’à aujourd’hui. C’est ce qui se produit lorsqu’on cherche les bons côtés des choses. Ils apparaissent et souvent, créent de la joie. Voici quelques-uns de ces aspects positifs.

1. La gratitude

Je ne veux pas tomber dans l’optimisme à outrance, mais affronter une maladie qui menace le pronostic vital m’a forcée à être plus clairement centrée sur les bonnes choses dans ma vie et les raisons pour lesquelles j’en suis reconnaissante. Par exemple, il peut s’agir du magnifique condominium que je me suis moi-même acheté et des projets d’édition auxquels j’ai choisi de participer. Bien entendu, ma famille et mes amis se retrouvent également dans cette liste, mais, en tant qu’amoureuse finie des chats, je suis tout particulièrement reconnaissante de la présence de ma chatte Trixie-Belle, adoptée dans un refuge. Je suis célibataire, alors l’avoir à mes côtés depuis maintenant quinze ans s’avère d’un grand réconfort. Elle était là durant les moments forts de ma carrière, comme être directrice de la section beauté du magazine Fashion, et ceux moins glorieux comme la fois où j’ai été renvoyée d’une petite publication qui n’existe plus. Trixie s’est blottie contre moi pendant les jours sombres de mon mariage et de mon divorce. Depuis que j’ai reçu mon diagnostic de cancer, elle se charge de me protéger en s’asseyant directement devant mes invités puis en les fixant quand elle a l’impression qu’ils sont restés plus longtemps qu’ils n’auraient dû. J’ai récemment repris l’entraînement et Trixie se considère véritablement comme ma meneuse de claque. Elle alterne entre s’asseoir sur la table basse et miauler ou se laisser tomber au beau milieu de mon tapis de yoga et ronronner alors que je tente de m’entraîner en la contournant.

2. La couleur

Les lilas mauves, les palmiers verts, le rouge à lèvres fuchsia, les océans bleu vif, les carnets illustrés… La couleur m’attire à tel point que peindre est devenu un passe-temps. Je n’ai jamais suivi de cours d’art sauf pendant de mon premier cycle du secondaire. Je ne sais donc pas exactement ce que je fais, mais j’aime ça. Pendant mes traitements, j’ai acheté une énorme toile et je l’ai placée sur mon chevalet dans mon petit salon. Les jours durant lesquels j’avais suffisamment d’énergie, je sélectionnais une couleur, je la modifiais puis je l’utilisais pour peindre le mot « love » à maintes et maintes reprises partout sur la toile. J’ai volontairement choisi ce mot. Je vis seule (avec Trixie la chatte) et j’avais besoin d’un rappel visuel pour ne pas oublier de prendre soin de moi pendant le traitement et de m’aimer malgré les transformations peu désirables de mon corps dues au tamoxifène. Je ne me rappelle plus combien de temps il m’a fallu pour terminer mon tableau. Un mois, peut-être deux. C’était toutefois suffisant pour maintenant me retrouver avec des couches colorées de « love » superposées et étalées sur la toile puis entourées d’un cadre doré. Je l’ai accroché dans mon salon pour le voir tous les jours et, j’espère, ressentir de l’amour.

3. Les amitiés

Connaissez-vous l’expression selon laquelle des amis vous côtoient pour une raison, une saison ou une vie ? J’y crois. Quand j’ai reçu mon diagnostic, il m’a été facile de distinguer mes amis pour la vie parce que, outre mes sœurs et mes parents, ils étaient les seuls à qui je souhaitais l’annoncer. Plus tard, au cours des mois suivants durant lesquels j’ai subi d’une opération et des traitements, je me suis progressivement ouverte aux autres. Ce n’est toutefois que lorsqu’une belle âme m’a convaincue que la mise par écrit de mon expérience pourrait aider d’autres femmes que j’ai commencé à parler au grand jour de mon cancer du sein et à écrire sur le sujet. Cela a incité de nombreuses personnes à s’ouvrir à moi et la plupart du temps, c’était très agréable. Partager mes expériences aussi publiquement a rendu possible la rencontre avec une autre survivante du cancer qui est devenue une membre importante de mon cercle d’amis. Ma plume m’a également permis de briser des années de silence entre un ami et moi. Il en est ressorti une amitié plus grande et plus équilibrée. Dans un autre cas, mes écrits ont confirmé ma décision prise il y a six ans de mettre un terme à une amitié de longue date. Bien que cette ancienne amie m’ait envoyé un courriel pour me dire à quel point elle était désolée d’apprendre que j’avais un cancer du sein, les mots qu’elle avait choisis m’ont paru convenus plutôt que compatissants, renforçant ainsi mon idée que notre amitié n’est pas souhaitable en ce moment.

4. Les livres

Je suis à la fois éditrice et auteure. Je lis donc tout, des billets de blogue et publications Instagram aux magazines et rapports de recherche, mais à mes yeux, les livres ne peuvent être détrônés. Lors de ma séparation et de mon divorce, j’ai perdu ma capacité de lire. Je n’avais plus l’énergie requise et le simple fait de tenir un livre m’exténuait. Même si j’avais été capable de me concentrer sur les mots d’une page, j’étais tellement en permanence au bord des larmes que la moindre parcelle d’émotion dans une histoire aurait ouvert les vannes. Ironiquement, malgré mon extrême épuisement physique et émotionnel pendant mon cancer, j’ai été en mesure de lire, en particulier des autobiographies de femmes ordinaires comme Periel Aschenbrand, Karen Connelly et Jean Sasson. (Désolée Michelle et Hillary, une autre fois !) Il y a quelque chose dans le fait de lire les vraies histoires de femmes réelles qui m’inspire et qui me donne une pause de ma propre vie. Ces livres me procurent aussi de l’espoir, de l’information et des idées.

5. Saisir l’occasion

Je n’oublierai jamais le jour où je me suis couchée sur le canapé pour visionner en rafale les épisodes d’une télé-réalité portant sur un club de meneuses de claque de calibre mondial basé à Cambridge, en Ontario. À l’époque, je subissais un traitement de radiothérapie tous les matins en plus de travailler huit heures par jour au bureau. Alors, quand je ne dormais pas, j’étais étendue sur le sofa. Je n’avais jamais vraiment regardé ce type de sport avant et après avoir réussi à passer outre les énormes rubans dans les cheveux et le maquillage de compétition exagéré, j’ai trouvé cela génial. J’aimais la façon dont Ali Moffatt, l’entraîneuse-chef de cette équipe appelée les Sharks, interagissait avec ses athlètes et les motivait. Cela me rappelait mes propres années à titre d’entraîneuse d’athlètes de haut niveau en nage synchronisée. Cela faisait bien au-delà de dix ans que je m’étais retirée du sport, mais soudainement, je voulais y retourner. Être entraîneuse de nage synchronisée m’avait toujours paru être porteur de sens et y revenir me permettrait de transmettre mon savoir à une nouvelle génération d’athlètes. Alors j’ai fouillé sur Internet, j’ai parlé avec quelques équipes et l’automne suivant, j’étais la fière entraîneuse de deux incroyables filles de onze ans. Dix mois plus tard, la meilleure équipe provinciale (dont j’étais coentraîneuse pendant l’été) a remporté une médaille d’argent aux essais des Jeux panaméricains. Étant donné que j’ai quitté mon emploi de bureau, je passe maintenant environ 40 pour cent de mon temps à la piscine et le 60 pour cent restant est consacré à l’écriture et à l’édition. C’est plus que gratifiant. Bien sûr, je suis encore en train de prendre connaissance de tous les changements survenus en nage synchronisée (maintenant appelée natation artistique) et mon cerveau de cancéreuse a encore de la difficulté avec le rappel de mémoire à court terme, mais je suis heureuse. J’ai vu une occasion de changer ma vie et je l’ai saisie. Je pense que ce n’est pas banal.

Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Figure Skater Fitness, Canadian Hairdresser et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec sa chatte très gâtée Trixie-Belle. Vous pouvez la suivre sur Instagram au @AdrianaErmter, au Twitter @AErmter