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La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole


Le cancer du sein m’a préparée pour la COVID-19

Dans cette nouvelle rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein

Par Adriana Ermter

Le cancer du sein m’a préparée pour la COVID. En fait, si je veux être très exacte, je devrais plutôt dire que la radiothérapie m’a préparée au coronavirus et pratiquement tout ce qui découle de cette pandémie.

Après mon diagnostic de cancer du sein, une tumorectomie et l’ablation de nombreux ganglions lymphatiques axillaires, j’ai choisi une série de traitements qui comprenait de la radiothérapie sur une base quotidienne. En rétrospective, il s’agissait probablement ironiquement du meilleur entraînement possible à la routine de confinement à l’intérieur durant laquelle se succèdent les siestes, la paresse et le visionnement d’innombrables heures de programmation Netflix, souvent avec les yeux bouffis. La plupart des gens connaissent maintenant cet état d’isolement accompagné du mot-clic #restezchezvous (et s’il vous plaît, faites-le. Restez chez vous. Mes amis immunovulnérables et moi vous remercions.)

Mais il y a 18 mois, j’appelais ça de la survie.

La nouvelle normalité

Mes séances quotidiennes de radiothérapie se déroulaient généralement le matin, mais l’heure de mes rendez-vous variait. Lorsque mon équipe d’oncologie m’a demandé si je préférais le matin ou l’après-midi, j’avais choisi le matin parce que je souhaitais en finir au plus vite pour retourner vaquer à mes occupations. Avec le recul, j’étais naïve de penser ainsi. Je n’avais aucune idée qu’il me serait impossible de revenir « à la normale ». C’est le cancer. On vous donne un aperçu flou de ce qui pourrait arriver et ne pas arriver, de la façon dont vous devriez vous sentir et guérir, le tout à l’aide de livrets remplis de listes de symptômes et de possibilités. Cependant, personne au sein de votre équipe médicale ne précisera lesquels de ces éléments vous concerneront ni ne prédira des résultats clairs puisqu’aucun carcinome n’est identique à un autre.

Même si mon équipe médicale m’informait autant que possible, je me faisais un devoir de m’instruire en lisant tout document crédible que je pouvais trouver (une habileté dont je me sers pendant l’épidémie de COVID). Je tentais par la même occasion de mettre en pratique ma nouvelle de mentalité de « hum, je traverserai le pont quand je serai rendue à la rivière ».

La réalité de la radiothérapie

Ce qui s’est réellement passé, c’est que je me levais tôt et je me dirigeais au travail où je m’isolais devant mon ordinateur jusqu’au moment où je devais me rendre à l’hôpital. Une fois arrivée, je m’inscrivais et j’attendais mon tour, des fois deux minutes, parfois des heures. Je patientais en sachant que j’aurais à me dévêtir complètement avant de me coucher, parfaitement immobile, sur une table étroite frigorifiée pendant qu’un radiothérapeute derrière un mur de verre me meuglerait des directives dans un microphone comme le ferait Google Maps. Sauf que ces fois-là, les directions ne menaient pas à une destination, mais plutôt aux endroits où la tumeur et les ganglions lymphatiques se situaient jadis.

Cette partie de chasse au trésor sur la carte qu’était mon corps durait plusieurs minutes. Un deuxième technologue me plaçait dans la bonne position sur ladite table étroite située sous un appareil de radiothérapie métallique et massif. Il ou elle utilisait les quatre marques noires tatouées de façon permanente sur mon sein, en dessous et de chaque côté pour y parvenir. Mon sein était soulevé, puis descendu, écrasé à gauche, poussé à droite, replacé à gauche et ainsi de suite jusqu’à ce que… Oh ! Mon corps s’était déplacé pendant tous ces ajustements. Il fallait alors recommencer du début jusqu’à ce que mon sein et mon corps entier se retrouvent immobilisés entre des appareils et du rembourrage.

Maintenant satisfait de la position de mon corps et de mon sein, le deuxième thérapeute se précipitait de l’autre côté de la grande pièce sombre en lâchant « ne bougez pas » par-dessus son épaule avant de franchir et fermer une lourde porte en métal. Couchée dans une posture digne d’une contorsionniste, je tentais de ne pas respirer trop profondément de peur de bouger au moment où l’énorme appareil bourdonnait en tournant autour de mon corps. À part les crampes musculaires et ce qui me semblait de l’hypothermie, le faisceau de rayonnement qui projetait des protons et particules à haute énergie de type radiographique dans mon aisselle et mon sein droits tuait sans douleur toute cellule cancéreuse qui aurait pu échapper à l’intervention chirurgicale.

Le lien avec la COVID

Si le rayonnement passait inaperçu, ce n’était pas le cas de la nausée que je ressentais pratiquement tous les jours, du matin au soir. Aucune quantité d’aliments au gingembre n’en venait à bout. Je mangeais toutefois des craquelins Gold Fish à saveur de cheddar ; le sel semblait aider. Puis, il y avait l’épuisement, absolu et incontrôlable, qui surgissait de façon aléatoire. C’était difficile à repousser ou à cacher puisque je retournais au bureau après chaque traitement avec l’intention de me concentrer sur mon travail. Mon emploi n’offrait pas de prestations d’invalidité et j’avais épuisé tous mes jours de vacances et de congés de maladie pendant mon opération et la période de convalescence obligatoire de deux semaines.

Ni mon patron de l’époque ni le département des ressources humaines de la compagnie n’avaient de solution pour moi. J’ai donc résolu le problème en accomplissant tous mes projets habituels à temps. Qui aurait payé mon hypothèque, mon épicerie et mes autres besoins de base ? Cependant, six mois plus tard, j’ai dû me résigner à soumettre un nouveau plan de match à mes employeurs. Je n’avais toujours pas retrouvé mon énergie, gracieuseté de l’effet cumulatif de la radiothérapie et d’un état mental au bord du gouffre. Cette fois-là, j’ai coupé mes jours de travail au bureau et accepté la réduction de salaire qui en découlait.

L’instabilité des emplois provoquée par la COVID jumelée au fait que certains de mes contrats de rédaction ont pris fin temporairement (je l’espère) me rappelle cette époque. Je suis reconnaissante d’avoir appris que je pouvais survivre avec un revenu moindre pendant les temps incertains. Cela me donne espoir et confiance tout en contribuant à diminuer mes inquiétudes financières. Les programmes du Gouvernement du Canada ont également concouru à calmer mon anxiété, comme la prestation canadienne d’urgence qui aide les contractuels comme moi à maintenir la tête hors de l’eau. J’aimerais qu’il existe quelque chose de semblable pour les patientes atteintes de cancer du sein pour qu’aucune de nous n’ait à travailler, ne serait-ce qu’une heure, alors que nous tentons de faire face aux conséquences émotionnelles, de guérir physiquement et de survivre.

Lorsque le brouillard ne se dissipe pas

Souffrir d’un cerveau embrumé pendant le traitement et une année complète après la radiothérapie s’est révélé l’effet secondaire le plus débilitant. Ma mémoire défaillait au point où je n’arrivais plus à me souvenir si j’avais terminé une tâche ou non. Je vivais dans un brouillard perpétuel. Je me sentais idiote et bredouilleuse puisque je ne parvenais jamais à trouver les bons mots pour m’exprimer. Et, plus gênant encore, j’oubliais constamment ce dont je parlais avec mes collègues Carm et Naresh. En plein milieu d’une phrase, je devais leur demander de me rappeler ce que je venais tout juste de dire. Heureusement, ces deux hommes au grand cœur étaient mes plus fervents supporteurs et ils se sont habitués à combler les trous. Pendant des mois, ils n’hésitaient pas à me donner un coup de main au moindre signe de confusion sur mon visage.

Puis, un médecin de mon équipe a fini par me prescrire une forte dose de suppléments de vitamine B12 pour m’aider à recharger mes batteries, à raviver mes facultés cognitives, à dissiper le brouillard dans ma tête et ma mémoire et à diminuer mon nombre de siestes par jour. Cela a changé la donne, même si la COVID provoque un effet de confusion semblable.

J’ai depuis quitté mon emploi et mes incroyables collègues, mais même si cela n’avait pas été le cas, je serais tout de même séquestrée à l’intérieur de ma demeure sans personne pour m’aider à ne rien oublier. Trixie la chatte est certes mignonne et miaule bruyamment à l’heure des repas, mais elle passe beaucoup trop de temps à faire la sieste pour que je puisse compter sur elle. Je me résous donc à rédiger des listes de tâches quotidiennes que je coche au fur et à mesure avec un style rouge pour éviter que ce qui était prévu lundi soit reporté au mardi ou bien que mercredi se fasse passer pour samedi. L’épuisement ne me frappe plus au hasard aussi souvent. Il n’est également plus accompagné de maux de tête fulgurants, mais je passe tout de même beaucoup de temps sur le sofa sous une couverture collée contre Trixie. Ma capacité à demeurer concentrée sur la lecture d’un livre connaît des ratés aussi et c’est très frustrant. Pendant mon cancer, j’ai déployé beaucoup d’efforts pour lire une phrase, un paragraphe, une page à la fois pour restaurer ma capacité de concentration.

Je suis toutefois reconnaissante de posséder toutes ces compétences de vie, parce que ça en est vraiment. Grâce à elles et mon abonnement Netflix (je n’avais pas Netflix pendant mon cancer du sein et oui, j’ai probablement été la dernière personne en Amérique du Nord à m’abonner) qui me tient compagnie pendant des heures avec des séries comme Ozark, Dead to Me et Mindhunter, je m’en tire mieux que pendant de mon isolement forcé d’il y a à peine quelques mois. Je peux également pousser un soupir de soulagement (en étant masquée bien sûr) chaque fois que je me rends à l’épicerie ou j’effectue ma marche rapide quotidienne dans mon quartier. Tout cela m’était impossible pendant ma guérison alors ces activités s’avèrent pour moi un cadeau. Et par la même occasion, je revis l’expérience la plus positive et chaleureuse de ma convalescence. Grâce à Zoom et à FaceTime, j’entretiens des relations continues et significatives avec mes sœurs et ma famille à Calgary, avec mes meilleurs amis et avec l’équipe de nage synchronisée dont je suis l’entraîneuse à Toronto. Bien que je sois isolée, je ne me sens jamais vraiment seule. Et qui sait ? Peut-être qu’avec la popularité actuelle des applications de rencontre, j’ai allumé l’étincelle requise pour transformer une amitié due à la COVID en une histoire amoureuse… Cela me donne quelque chose à espérer lorsque nous serons de l’autre côté de l’inconnu.

Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Figure Skater Fitness, Canadian Hairdresser et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec sa chatte très gâtée Trixie-Belle. Vous pouvez la suivre sur Instagram au @AdrianaErmter, au Twitter @AErmter