Par Adriana Ermter
Dans notre rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein.
Je ne sais pas ce qu’il en a été ou qu’il en est pour vous, mais pour moi, prononcer les mots « j’ai un cancer du sein » à voix haute me paraissait faux et mensonger. J’aurais voulu me cacher chaque fois que je les prononçais. Même si je savais que c’était la vérité, les terribles émotions qui me submergeaient avant et après chaque annonce me remplissaient toujours de honte.
Ces voix intérieures incessantes n’arrêtaient pas de me culpabiliser. J’avais l’impression de me servir de mon cancer pour attirer l’attention et susciter de la sympathie, mais aussi comme une excuse qui me permettait de rester dans un monde où je n’aurais jamais à travailler dur pour atteindre mes objectifs et avoir la vie dont je rêvais. Ces voix amplifiaient les milliards de questions que je me posais et cette anxiété omniprésente dont je ne pouvais me débarrasser. C’était fichu. Je me sentais complètement fichue. Alors, croyez-moi quand je vous dis qu’au début, je parlais de ma maladie au moins de gens possible.
En parler sans avoir peur de ses émotions
La culpabilité, la colère, la tristesse, la solitude, l’appréhension et même la honte sont des émotions que l’on ressent fréquemment lorsque l’on a un cancer du sein. C’est parce que, contrairement aux autres maladies, le cancer du sein a des répercussions sur le sentiment de soi et sur notre avenir — tout en impactant de plein fouet notre féminité et l’image que nous avons de notre corps. Il remet en question ce que nous sommes et la manière dont nous voulons vivre. Or, parler de la maladie avec d’autres personnes, avec celles qui nous aiment et nous soutiennent vraiment, peut nous procurer un profond soulagement, nous apporter de l’aide pratique et nous donner un sentiment de solidarité.
En parler à son entourage proche
Bien que mon entourage proche ne soit composé que de quelques personnes, j’ai été assez brouillon dans la façon dont je leur ai annoncé la nouvelle. J’ai d’abord envoyé un texto à mes deux sœurs, car elles vivent toutes les deux à Calgary et moi, à Toronto, puis je les ai appelées plus tard. J’ai également d’abord envoyé un texto à mes meilleurs amis — eh oui, c’est ça de vivre accrochée à son téléphone — avant de les appeler; puis je les ai chacun rencontrés en personne, nous nous sommes fait un câlin et nous avons parlé. Comme il était déjà prévu que j’aille rejoindre mes parents en vacances au Mexique deux jours après mon diagnostic, je leur ai annoncé la nouvelle en personne, sous un palmier.
La façon dont vous choisissez d’annoncer la nouvelle à votre entourage proche dépend totalement de vous. Que vous choisissiez de l’annoncer en personne individuellement, en groupe ou même par un texto groupé, sachez qu’il n’est pas nécessaire que vous déteniez toutes les informations ou les réponses. Divulguez uniquement les informations que vous voulez et demandez-leur simplement de vous apporter leur soutien.
En parler à ses enfants
Bien que je n’aie pas d’enfants et que je n’aie pas eu à traverser cette épreuve, je sais qu’il faut absolument choisir le bon moment et rester simple. Mes sœurs et leurs maris, qui ont chacun une fille et un garçon, se sont chargés d’annoncer la nouvelle à mes neveux et nièces à un moment où ils savaient qu’ils seraient entièrement à leur disposition. C’était particulièrement important pour l’une de mes nièces et l’un de mes neveux, qui avaient alors 10 et 12 ans. Ma sœur et moi avons hésité à leur en parler à cause de leur jeune âge, mais au final, nous avons conclu que leur dire la vérité valait mieux que d’en faire un secret. Mes sœurs se sont également chargées de répondre aux questions des enfants sur mon état de santé — allais-je m’en sortir ou allais-je mourir? — à ma place, ce que j’ai grandement apprécié, car cela m’a permis de tout simplement continuer ma relation avec eux. Les enfants ayant tendance à facilement s’inquiéter, mes sœurs ont tenu à rassurer les leurs en leur disant que, malgré la gravité de la maladie, j’étais suivie par des médecins qui m’aidaient à lutter contre la maladie. Je suis persuadée que l’honnêteté de leurs réponses leur a permis de se sentir plus rassurés.
En parler à son employeur
Il peut être difficile de savoir quand et comment annoncer la nouvelle à son employeur. Moi, j’ai choisi d’en parler à ma gestionnaire, à sa chef et à la responsable des ressources humaines en même temps, dans la même salle et immédiatement après mon diagnostic. Il n’y a aucune obligation de dire exactement ce que l’on a, mais ça peut être une bonne idée si son état de santé est susceptible d’affecter son travail. J’ai donc choisi de leur dire que j’avais un cancer du sang et que j’ai préparé un document qui indiquait les dates auxquelles je devrais prendre congé pour mon opération et ma convalescence, le calendrier de mes traitements pour quand j’aurais besoin d’aller à l’hôpital, etc. Ce document était essentiel, car comme j’étais célibataire et que l’entreprise pour laquelle je travaillais n’offrait pas d’assurance-invalidité de courte durée, je devais absolument continuer à travailler pour payer mes factures.
Voici quelques façons d’annoncer la nouvelle à son employeur :
- Demandez à avoir une réunion avec votre gestionnaire ou le ou la responsable des ressources humaines pour leur parler de votre situation avec calme et professionnalisme. Je leur avais envoyé un courriel afin d’avoir une trace écrite de ma transparence et de mon professionnalisme. Après la réunion, je leur ai envoyé un autre courriel pour résumer ce qui avait été dit et récapituler les prochaines étapes sur lesquelles nous nous étions mis d’accord.
- Envoyez un courriel ou une lettre expliquant votre diagnostic et les répercussions que cela pourrait avoir sur votre travail, et n’oubliez pas d’inclure tout aménagement dont vous pourriez avoir besoin.
- Contactez le ou la responsable des ressources humaines et demandez-lui d’annoncer la nouvelle à votre gestionnaire. Cela peut particulièrement être pratique si vous ne vous sentez pas à l’aise d’en parler directement à votre gestionnaire ou si vous ne vous entendez pas bien.
Quelle que soit la personne à qui vous annoncer la nouvelle en premier, assurez-vous de fixer vos limites pour de futures discussions en disant, par exemple, que vous préférez ne pas parler de votre maladie, mais que vous êtes tout à fait d’accord pour discuter de la façon dont cela pourrait affecter votre travail et des aménagements dont vous pourriez avoir besoin.
- Parlez du fait que vous avez un problème médical, de la façon dont cela peut affecter votre travail, des ajustements et aménagements dont vous avez besoin, du calendrier de vos traitements.
- Ne parlez pas des détails de votre maladie ou des traitements que vous ne souhaitez pas divulguer ou qui n’ont aucune répercussion sur votre travail. Cela vous permet de rester professionnel ou professionnelle et de préserver votre vie privée.
- Attendez-vous à ce que l’on vous pose des questions sur la manière dont votre travail sera affecté et sur les aménagements dont vous pourriez avoir besoin.
Répondez aux questions par des réponses directes et avec professionnalisme. Si l’on vous pose des questions inappropriées sur votre santé, vous avez le droit de refuser d’y répondre.
En parler à la personne que vous voyez ou avec qui vous venez de commencer une relation
J’étais on ne peut plus célibataire quand on m’a diagnostiqué un cancer du sein. Je n’ai donc pas eu à passer par là. Mais, mes amies qui sont passées par là recommandent d’attendre que la relation devienne sérieuse et qu’elle soit basée sur quelque chose de solide. Il faut choisir un endroit calme et privé pour pouvoir parler ouvertement et sans distractions, et s’assurer d’avoir tous les deux le temps afin de pouvoir réfléchir, poser des questions et y répondre. Attendez-vous à ce que votre partenaire vous pose des questions sur votre état de santé, les traitements et ce que cela signifie pour vous deux. C’est également important que vous fixiez des limites aux informations que vous souhaitez divulguer. Si votre partenaire vous pose des questions auxquelles vous ne souhaitez pas répondre, vous pouvez lui dire que vous comprenez ses préoccupations, mais que vous n’êtes pas encore prêt ou prête à parler de ça.
Il s’agit de votre vie. Privilégiez votre vie privée et votre bien-être en annonçant votre maladie aux personnes qui vous aiment et qui vous soutiennent, et en en parlant aux autres lorsque le moment vous semble approprié.
Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Living Luxe, Figure Skater Fitness et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec ses deux chatons, Murphy et Olive. Vous pouvez la suivre sur Instagram (@AdrianaErmter).