By continuing to use our site, you consent to the processing of cookies, user data (location information, type and version of the OS, the type and version of the browser, the type of device and the resolution of its screen, the source of where the user came from, from which site or for what advertisement, language OS and Browser, which pages are opened and to which buttons the user presses, ip-address) for the purpose of site functioning, retargeting and statistical surveys and reviews. If you do not want your data to be processed, please leave the site.

La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole


Voilà comment je voudrais mourir

Dans notre rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein.

Par Adriana Ermter

Voilà comment je voudrais mourir. Je voudrais mourir dans mon lit et porter mon pyjama préféré noir et blanc, en coton doux. Je serais bien installée sous ma couette, couchée sur le côté, ma tête reposant sur cet oreiller en plumes extra long très cher que j’ai acheté sur un coup de tête juste avant d’apprendre que j’avais un cancer du sein. Ça valait la peine, c’est l’oreiller le plus doux que j’ai jamais eu. Après mon opération et tout au long de mes traitements, je me couchais et, comme dans une étreinte, je me fondais dans cette douceur qui apportait du réconfort à mon corps douloureux et m’aidait à m’endormir. Tout comme mes deux chatons, je le veux avec moi lorsque mon tour viendra.

Mourir entourée de bonheur
Murphy, mon chat orange tout ébouriffé de poils se serait lové contre mon ventre avec mon bras autour de lui et mes doigts sous son estomac. Son énorme queue poilue serait enroulée autour de mon bras, comme toujours, et le bout blanc de sa queue reposerait sur ma main. Olive, ma petite boule d’énergie et de poils de couleur taupe se serait, quant à elle, lovée près de ma tête avec son petit nez contre le mien, mon autre bras autour d’elle et ma main tenant sa queue soyeuse. Ses petites léchouilles sur mon visage ponctueraient le son de leurs doux ronronnements. C’est ça pour nous, le bonheur.

Je serais contente de mourir chez moi, dans mon lit, en regardant la vue de la ville, par ma fenêtre. J’espère que ça sera la nuit, que je puisse voir les lumières scintillantes de la ville. Peut-être qu’il y aura de la musique. Mon ami de toujours serait à mes côtés. C’est lui qui tiendrait mon iPhone et qui le garderait après. C’est lui qui choisirait les chansons sur lesquelles on évoquerait nos souvenirs. Son corps collé contre le mien, son rire dans mes oreilles, ses souvenirs guideraient les miens à travers toute une vie de travail, de voyages, d’aventures et d’amitié. Au moment venu, il jouerait The Crimson Wing: Mystery of the Flamingos de The Cinematic Orchestra. Sa main serait posée sur ma tête et son souffle me rassurerait, m’invitant à me laisser aller. Son cœur battrait pour nous deux. Voilà comment je voudrais mourir.

Planifier ce moment
J’aurais planifié des moments spéciaux avec ma famille et mes amis, que j’aurais savourés et gardés au chaud, dans mon cœur. Je ne veux laisser aucune question en suspens, je veux avoir tout réglé. C’est important pour moi de faire ça bien et d’honorer ma vie et ceux qui y ont eu une grande place.

Ce n’est pas parce que je suis morbide que j’ai déjà planifié les circonstances de ma mort. Je ne suis pas mourante. Je suis en pleine santé et cela fait trois ans et demi que je vis sans le cancer. Mais je ne vais pas vous mentir, la peur de la récidive, celle qui arriverait sans crier gare, est bien présente. C’est pour ça que j’ai pensé au moment de ma mort et à comment je voudrais que ça se passe.

Je ne suis pas préoccupée par ces pensées, elles sont juste là, tapies dans les recoins de mon esprit. Comment pourrait-il en être autrement? Je suis déjà passé par là : mon corps a laissé se développer suffisamment de cellules cancéreuses pour créer une tumeur qu’il a fallu enlever et qui a nécessité des mois de traitements et de soins.

Tout ça était inattendu et pourtant, c’est arrivé. Je sais donc très bien que ça peut recommencer. C’est pour ça que j’ai planifié ma mort. C’est vital pour moi. J’aime trop ma vie pour ne pas la vivre exactement comme je le souhaite jusqu’au bout. Et parce que je suis célibataire et que je vis toute seule, je dois le dire haut et fort pour que ma famille et mes amis sachent quoi faire le moment venu.

En parler à mes proches
Ce n’était pas difficile d’en parler à mon ami. C’est toujours vers lui que je me tourne pour partager mes bizarreries, mes émotions désagréables et mes moments de vulnérabilité. Je lui fais confiance pour ce genre de choses. Je l’ai toujours fait et je sais qu’il peut comprendre sans jugement, dans le calme et la gentillesse. Et j’en fais autant pour lui. C’est ce que nous permet toute une vie d’amitié sincère et de transparence.

Les détails qui suivent ma mort, comme mon testament, sont plus techniques, attendus et d’une certaine façon, plus simples. Je les partagerais avec les personnes les plus importantes pour moi afin qu’elles connaissent mes souhaits et les détails de ma succession l’avance. C’est ce qui me paraît le plus intelligent et le plus pragmatique à faire. Il ne s’agit pas juste de mettre de l’ordre dans mes affaires, mais d’indiquer de manière effective et délibérée ce que je veux qui arrive à ma mort : la garde de mes petits chats adorés, que je considère comme ma famille, la répartition de mes biens et de ce que possède de plus précieux et, bien sûr, la façon dont je veux être célébrée une fois partie. Rien de cela n’est morbide. En tout cas, pour moi, ça ne l’est pas.

S’ancrer dans la réalité
J’ai vécu chaque moment de vie de manière authentique. J’ai été petite et apeurée, mais aussi déjantée et brave. J’ai fait d’énormes erreurs et connu de grandes pertes, mais j’ai aussi connu de grandes réussites et, mieux que tout, j’ai toujours choisi de grandir, de rester dans le présent et d’aimer, en particulier dans les moments les plus importants. Y compris en ce moment, alors que je pense à ma mort si le cancer devait revenir.

Si je pense comme ça, c’est à cause du cancer du sein. Il m’a changée. Je pense que c’est parce qu’il m’a temporairement privée de tout contrôle sur moi-même, sur mes émotions, sur mes espoirs et mes rêves, sur ma réalité et mon corps. Il m’a enlevé une partie de ma chair, assombri ma mémoire et érodé mon énergie. Mais j’y ai survécu. Je me suis battue pour ma santé physique et mentale. Et, même si je fais partie de celles qui ont eu de la chance, les séquelles qu’il m’a laissées sont permanentes. Il m’a forcé à réévaluer ma vie, à me la réapproprier avec de nouveaux choix et à les assumer sans peur. Il m’a donné le courage de parler et d’écrire à propos de sujets inconfortables et de pensées taboues, comme la mort. Choisir qui je veux être chaque jour exige la prise de décisions difficiles, comme les circonstances entourant ma propre mort en cas de récidive du cancer. Je ne veux pas mourir et je ne sais vraiment pas si je serai un jour prête à mourir, mais je me serai préparée. J’aurais exprimé mes souhaits. Je me le dois. Je le dois à moi-même et à ma vie.

Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Living Luxe, Figure Skater Fitness et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec ses deux chatons, Murphy et Olive. Vous pouvez la suivre sur Instagram (@AdrianaErmter).

Photo par Nancy Miller, environ 1995