La mammographie est depuis longtemps l’outil standard pour le dépistage du cancer du sein, car elle permet de détecter efficacement les modifications potentielles du tissu mammaire avant l’apparition de tout symptôme, tel qu’une grosseur. Cependant, elle n’est pas sans limites. Certaines personnes ont besoin d’examens supplémentaires, comme d’une échographie ou d’une IRM, en raison, par exemple, d’une forte densité mammaire, ou d’un risque accru dû à des mutations des gènes BRCA ou à des antécédents familiaux. Par ailleurs, lors d’une mammographie, les faux positifs peuvent souvent conduire à la réalisation de biopsies inutiles. Bien que la mammographie et les autres outils de dépistage restent essentiels, ces limites soulignent toutefois l’importance de faire progresser les technologies de dépistage et de pathologie, domaine dans lequel l’intelligence artificielle s’avère prometteuse.
Cela fait des décennies que les médecins utilisent des ordinateurs pour identifier les anomalies dans les images médicales. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle joue un rôle essentiel dans notre vie quotidienne. Le terme « intelligence artificielle » désigne la capacité d’un ordinateur à imiter le comportement humain, comme un apprentissage ou la prise de décisions. Les systèmes d’intelligence artificielle sont conçus et entraînés à détecter des modèles dans un grand nombre de données. À l’issue de ces entraînements, ils peuvent commencer à analyser, de manière autonome, de nouvelles données et à faire des prédictions.
Quel rôle l’intelligence artificielle peut-elle jouer dans le dépistage du cancer du sein?
- Prédiction du risque : Dans une étude publiée en juin 2023, l’intelligence artificielle aurait surpassé le modèle de risque du Breast Cancer Surveillance Consortium (BCSC) en matière de prédiction du risque de cancer du sein. Le BCSC estime le risque de développer un cancer du sein invasif sur cinq ans en fonction de facteurs tels que l’âge, les antécédents familiaux, la race ou l’origine ethnique, la densité mammaire et les éventuelles biopsies mammaires bénignes antérieures. À noter, cependant, que si l’intelligence artificielle s’est avérée plus précise que le modèle du BCSC seul, les prédictions les plus fiables ont été obtenues grâce à l’utilisation conjointe des deux outils.
- Élimination des biopsies inutiles : Jusqu’à 80 % des biopsies mammaires pratiquées aux États-Unis se révèlent bénignes (non cancéreuses). Une étude réalisée en 2023 à l’aide d’un outil utilisant l’intelligence artificielle appelé iBRISK (intelligent-augmented breast cancer risk calculator ou calculateur intelligent du risque de cancer du sein) a montré que l’outil pouvait prédire avec précision si un tissu anormal identifié par des médecins était plus susceptible d’être bénin ou cancéreux dans 89,5 % des cas.
- Réduction du nombre de faux positifs : Un résultat faussement positif, ou faux positif, se produit lorsque l’on détecte, sur une mammographie, une anomalie qui ne s’avère pas être un cancer du sein. Avant de pouvoir exclure la possibilité d’un cancer, les médecins peuvent être amenés à demander des examens complémentaires, tels qu’une mammographie supplémentaire, une échographie et/ou une biopsie. Une étude réalisée en 2020 sur plus de 91 000 mammographies de femmes aux États-Unis et au Royaume-Uni a révélé que l’utilisation d’un système d’intelligence artificielle avait permis de réduire le taux de faux positifs de près de 6 % aux États-Unis et de 1,2 % au Royaume-Uni.
- Dépistage précoce : Les systèmes d’intelligence artificielle semblent avoir la capacité de détecter des signes très subtils de cancer précoce que l’œil humain pourrait manquer. En 2023, une étude portant sur 80 000 femmes suédoises a comparé le dépistage assisté par intelligence artificielle au dépistage standard. Il s’est avéré que le dépistage assisté par intelligence artificielle était aussi efficace que celui effectué par deux radiologues travaillant ensemble. Une autre étude menée en Allemagne et aux États-Unis, dans le cadre de laquelle un outil d’intelligence artificielle a examiné près de 1,2 million de mammographies, a révélé que la collaboration entre un radiologue et un tel outil permettait de détecter 2,6 % de cancers du sein en plus qu’un radiologue seul.
Les recherches en cours visent à valider la précision des modèles d’intelligence artificielle pour la détection du cancer du sein, en particulier par le biais des mammographies. Une grande étude, qui devrait être lancée en 2025 par le National Health Service, au Royaume-Uni, utilisera l’intelligence artificielle pour analyser les deux tiers d’au moins 700 000 mammographies réalisées en Angleterre au cours des prochaines années. L’objectif est de déterminer si l’intelligence artificielle peut égaler la précision et la fiabilité des radiologues dans l’interprétation des scanners. La professeure Katharine Halliday, présidente du Royal College of Radiologists, tient toutefois à préciser que « … si l’intelligence artificielle est très prometteuse, elle comporte également des risques majeurs », soulignant l’importance de concevoir soigneusement des programmes d’intelligence artificielle qui fournissent des résultats cohérents et fiables pour les individus de toutes origines ethniques.
Cela met en évidence un défi majeur de l’intelligence artificielle : sa précision dépend de la qualité de sa programmation. Les outils d’intelligence artificielle destinés au domaine médical doivent être soigneusement conçus pour pouvoir être utilisés auprès de diverses populations, tout en veillant à ce qu’ils soient universellement applicables et efficaces. L’élargissement de la représentation des diverses catégories démographiques dans le domaine de la santé et l’intégration de données plus larges dans la recherche sur le dépistage et le diagnostic du cancer du sein assistés par intelligence artificielle permettraient de réduire les erreurs de diagnostic et d’améliorer la précision des diagnostics.
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